
Carole Reckinger travaille pour Caritas depuis plus de 12 ans. Dans une interview exclusive accordée à RTL, elle raconte comment elle a vécu ces deux derniers mois, après l'annonce du détournement de 61 millions d'euros chez Caritas.
"Je parle pour moi-même. Je ne suis pas la voix des salariés, ni de l'organisation, ni des syndicats", souligne la responsable du plaidoyer politique de l'ASBL.
Pendant des années, elle a élevé la voix pour attirer l’attention sur les injustices dans la société. "Et je dois rester fidèle à moi-même et je dois donc aussi élever la voix si, pour le dire ainsi, une injustice nous frappe tous ou si nous sommes abandonnés à notre sort, car sinon je ne peux plus me regarder dans un miroir."
Les employés de Caritas ont été victimes d'un acte criminel. Tous sont tombés des nues lorsque la fraude a été révélée. Un comité de crise a été rapidement mis en place. A partir de ce moment, il n'y a plus eu de communication avec les salariés, regrette Carole Reckinger. Face à la catastrophe, les valeurs sur lesquelles repose Caritas - le soutien aux plus pauvres dans la société et l'empathie envers eux - ont été refusées aux employés de l'ASBL. L’une des seules communications directes qu’ils ont reçues, était qu’ils ne devaient pas parler à la presse, parce que cela ne ferait qu’aggraver leur situation.
Interrogée sur le fait de savoir si elle craint des conséquences négatives après ce témoignage sur RTL, Carole Reckinger répond: "Des gens seront sûrement fâchés. Mais en même temps, je dois dire que je ne sais pas non plus vers qui me tourner, car après tout, qui est encore là?"
"Si je subis des conséquences négatives, qu'il en soit ainsi"
Elle a appris par la presse que Christian Billon avait quitté le comité de crise. "Le comité de crise existe-t-il toujours? Qui est responsable? Nous n’avons reçu absolument aucune communication. Nous restons là et nous attendons. Moi, ainsi que 30 autres salariés, nous pensons avoir compris que nous ne serons pas repris."
Cela ne leur a toutefois pas encore été dit aussi clairement. Ils s'attendent à être licenciés. "Mais quand, quoi, comment, aucune idée. Si je subis des conséquences négatives à cause de mes propos, qu'il en soit ainsi."
Les négociations sur le plan social n'ont pas encore commencé. Quand bien même elles débuteraient maintenant, il n'y a plus de délégation du personnel pour les mener à bien, car les délégués du personnel basculeront vers la nouvelle entité HUT ("Hëllef um Terrain") à partir du 1er octobre.
"Je m'attendais à un peu d'empathie" de la part de l'Eglise
Carole Reckinger peut comprendre que ni le diocèse ni l'État n'aient été prêts à intervenir immédiatement pour les 61 millions d'euros détournés. Et pourtant, elle est déçue:
"Cependant, Caritas est le bras social de l’Église. Je m'attendais à un peu d'empathie de leur part. Et en disant cela, je ne pense pas qu'ils auraient dû ouvrir immédiatement leur porte-monnaie. Mais personne ne s'est encore tourné vers nous, personne n'a parlé avec nous ou cherché la discussion."
Hormis à la directrice financière, Carole Reckinger n'adresse aucun reproche à la direction de Caritas. Elle s'est sentie soutenue à 100% dans son travail. La responsable du plaidoyer politique de l'ASBL parle de personnes dévouées, engagées corps et âme dans leur travail. “C'est très effrayant pour moi de voir comment ils ont été mis de côté maintenant. Ils ne sont plus là. Alors j'ai aussi appelé ces gens, je leur ai demandé: que se passe-t-il? Pourquoi vous ne nous parlez plus? Et ce n’est pas qu’ils ne veulent plus nous parler. Ils ont également reçu un courrier disant qu’ils ne sont plus autorisés à nous parler. Et c'est grave, car les salariés n'ont pas été informés qu'ils n'étaient plus autorisés à communiquer.” Beaucoup ont cru que la direction avait simplement quitté le navire et les avait laissés en plan.
Dans l'interview accordée à RTL, Carole Reckinger évoque aussi le problème qu'avec HUT, les activités de Caritas sont désormais pratiquement reprises par un prestataire de services. Mais le plaidoyer pour l’amélioration de la situation des plus pauvres dans la société n'est pas repris. "Ici au Luxembourg, nous sommes confrontés à un problème de pauvreté croissante et d’inégalités croissantes. Si on n’essaie pas en même temps de fournir des idées à partir du terrain sur la façon d’améliorer la situation, et d'au moins formuler des recommandations pour améliorer la situation, à partir de l’expertise dont disposent les gens, alors nous avons un problème. Parce que cela signifie que cela finit aussi par nous coûter de plus en plus cher, car nous devons fournir de plus en plus d’argent pour cette aide. Et il semble que cela va dans cette direction, ce qui constitue évidemment un retour en arrière pour l’ensemble de la société civile."
Peut-être était-ce par crainte que le plaidoyer politique n'ait pas été repris par HUT, dit Carole Reckinger. "Ils craignent peut-être que si vous êtes une voix critique, vous ne parveniez pas à réunir l'argent nécessaire pour faire fonctionner les nouvelles organisations. Mais c’est une approche à courte vue, car cela deviendra plus coûteux et coûtera plus cher à notre société à long terme, si nous n’essayons pas en même temps de réduire les inégalités et de réduire la pauvreté."
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