
L’Union européenne a renoncé mardi à imposer aux constructeurs automobiles de passer au tout-électrique en 2035, face à la crise que traverse le secteur en Europe. Après cette échéance, les constructeurs pourront continuer à vendre une part limitée de voitures neuves équipées de moteurs thermiques ou hybrides, sous réserve de respecter de multiples conditions, notamment de compenser les émissions de CO2 qui découleront de ces “flexibilités”, a précisé la Commission.
La décision de l’UE était au centre de l’émission “Dir hutt d’Wuert” sur RTL Radio mercredi. Joëlle Welfring, députée verte et ex-ministre de l’Environnement, et Gerry Wagner, porte-parole de l’ASBL “House of Automobile”, la fédération qui défend les intérêts du secteur automobile au Luxembourg, ont exposé leur point de vue respectif et répondu aux questions des auditeurs. La “House of Automobile” salue ce qui a été présenté mardi par la Commission européenne comme le “paquet automobile”. Sous la pression notamment du lobby automobile et de pays comme l’Allemagne et l’Italie, la Commission propose que la réduction des émissions de CO2 ne doive plus atteindre 100 % à partir de 2035. Cela aurait signifié, de facto, la fin complète des moteurs à essence et diesel. Désormais, les émissions ne devraient être réduites que de 90 %, selon la proposition de Bruxelles. Le reste serait compensé par de l’acier vert produit en Europe et par des carburants synthétiques, des e-fuels. L’ensemble du paquet doit encore être approuvé par les États membres et le Parlement européen.
Gerry Wagner, porte-parole de la House of Automobile, s’est félicité de l’abandon d’une interdiction stricte et a souligné que l’Europe continuait à maintenir ses objectifs en matière de protection du climat. Mais ce qui est actuellement sur la table offre davantage de flexibilité aux acteurs de l’industrie automobile. Cela réduit la pression des deux côtés. L’industrie automobile allemande, en particulier, traverse une crise profonde. Mercedes, BMW et VW ont enregistré au troisième trimestre leur bénéfice le plus bas depuis 2009. Les observateurs s’accordent toutefois à dire que les problèmes vont bien au-delà de la question des moteurs thermiques.
L’ancienne ministre verte de l’Environnement, Joëlle Welfring, a une nouvelle fois défendu le plan initial en matière de mobilité dans le “Green New Deal”. Il n’a jamais été prévu d’interdire tous les véhicules à moteur thermique sur les routes européennes à partir de 2035. Il s’agissait simplement de ne plus en ajouter de nouveaux. Et la réduction des émissions de CO2 reste indispensable pour prendre au sérieux les objectifs climatiques et protéger les citoyens contre des produits pétroliers coûteux, selon Joëlle Welfring. La Chine a déjà dépassé l’Europe dans le domaine de l’électromobilité : “sur le marché européen, une voiture électrique sur deux est déjà chinoise”.
L’élue des Gréng craint que ces nouveaux plans ne créent une confusion supplémentaire. Elle estime que des forces conservatrices, notamment dans des pays constructeurs automobiles comme l’Allemagne et l’Italie, ont réussi à imposer leur pression sur la Commission. D’autres pays, comme l’Espagne et la France, auraient préféré maintenir le plan initial. Le ministre luxembourgeois de l’Environnement, Serge Wilmes, fera une déclaration dans le courant de l’après-midi.
De nombreux auditeurs qui ont contacté RTL, considèrent plutôt positivement le recul de la Commission européenne. Ce serait bien que les gens ne se voient plus rien imposer. Lors du débat à l’antenne, des auditeurs ont également souligné les avantages de la voiture électrique et son confort. Mais les batteries, l’autonomie, les bornes, le prix d’achat élevé et l’absence quasi totale de marché de l’occasion restent des défis majeurs, que les clients constatent et qui les empêchent de franchir le pas.
Un auditeur a déclaré que la politique avait manqué l’occasion d’impliquer et d’informer les citoyens. Un autre craint que la flexibilité ne s’arrête pas à 10 %, mais que la sortie des moteurs thermiques soit encore davantage diluée. “Félicitations au lobby automobile allemand”, a conclu cet homme. Un constat amer pour lui en matière de protection du climat.