Le nouveau guide Michelin Belux 2024 sera dévoilé lundi 26 février à Anvers, en Belgique. L'an dernier, nous avions sondé plusieurs restaurateurs du Luxembourg au sujet des étoiles, fameuses récompenses... qui impliquent aussi de grandes responsabilités.
C'est la question que tout le milieu de la gastronomie se pose chaque année, à peu près à la même période. Qui va gagner une étoile? Qui va en perdre? À quelques jours de la cérémonie du guide Belux 2024, le 26 février à Anvers, on pense aussi bien aux désillusions qu'avait engendré l'édition 2022 avec la parte d'une étoile pour les restaurants Clairefontaine, Les Jardins d'Anaïs et La Cristallerie, qu'au bonheur donné la même année aux restaurants Ryodo et La Villa de Camille et Julien, puis à Eden Rose l'année suivante.
Qu'en sera t-il lundi prochain, alors que le célèbre guide rouge "édition Belux" dévoilera avant la France (18 Mars), la liste de ses récompenses ? L'an dernier, nous avions sondé plusieurs chefs du Luxembourg en ce qui concerne ces fameux macarons, distinctions de grande valeur qui peuvent également se révéler pesantes pour certains. Nous vous proposons de découvrir à nouveau leur arguments.
"UNE FIERTÉ", "UNE APOTHÉOSE"
Les dernières cérémonies du guide Michelin Belux ont prouvé, s'il le fallait, que les étoiles restaient des récompenses hautement convoitéespour la plupart des chefs du Luxembourg, et qu'en perdre était vécu comme une vraie souffrance. Lors de notre petit tour des grandes cuisines du pays, aucun chef n'a placé la pression qu'elles génèrent au-dessus de la reconnaissance qu'elles symbolisent.
"Tout le monde remet en cause le Michelin, on raconte un peu tout et n'importe quoi. Mais obtenir une étoile Michelin, ça te porte, véritablement. C'est quelque chose qui plane en cuisine et qui t'oblige à faire toujours mieux" témoigne Cyril Molard, le chef du restaurant Ma langue sourit à Moutfort, seul deux étoiles du Luxembourg. "Je ne crache pas du tout sur le Michelin, je suis fier de ces étoiles" dit-il. Pourtant, le Vosgien, doublement étoilé depuis 2018, n'a jamais fait en sorte d'entrer dans les bonnes grâces du guide. "J'ai mis huit ans à me rendre à une cérémonie!"
Pour René Mathieu, chef étoilé de La Distillerie à Bourglinster depuis 2012, "une étoile, c'est une reconnaissance, deux étoiles, c'est une consécration et trois étoiles, c'est l'apothéose." Sa première étoile Michelin, le chef belge l'a obtenue à 28 ans. C'était il y a 33 ans. "C'était inattendu, je n'oublierai jamais. J'avais lancé au directeur que je ne cuisinais pas pour le Michelin. Il m'avait répondu que la cuisine n'avait rien à voir, que c'était la personnalité du chef qui faisait la différence" se rappelle t-il. "Bien sûr il faut des bases en cuisine, mais c'est la direction que tu prends qui compte, et que tu dois maintenir."
À La Villa de Camille & Julien, le chef Julien Lucas admet volontiers que l'étoile décrochée il y a deux ans, et qu'il convoitait dès sa venue au Luxembourg avec sa compagne en 2020, "nous a bien aidé". Ceci dit, il ajoute vite: "Quand je construis une carte, je ne me pose pas la question de savoir si ça va plaire à Michelin. La plus belle récompense, c'est le client qui revient."
En 2018, Renato Favaro a néanmoins choisi de rendre son étoile Michelin acquise en 2002 et de rebaptiser son fameux "Ristorante Favaro": le "Cômo Restaurant", en référence à sa ville natale de Côme. "Quand on tient un restaurant étoilé, on doit être irréprochable tout le temps et également très, très présent. Je ne voulais plus travailler de cette façon" explique le chef italien. "On est devenu un peu plus cool dans le service. On ne vérifie plus si la carotte est coupée deux millimètres sur deux millimètres."
Renato Favaro l'a toujours dit, ce changement de cap est aussi une façon de préparer sa retraite. "Dans le cas ou mon grand fils reprend le restaurant un jour, je ne voulais pas lui laisser une étoile Michelin qui pourrait lui mettre une pression d'emblée."

© Ma langue sourit
LE CLAIREFONTAINE EST TOMBÉ DE HAUT IL Y A DEUX ANS
Le Clairefontaine n'a pas été le seul restaurant du pays a perdre son étoile Michelin en 2022. Mais son cas a particulièrement ému le milieu de la haute gastronomie au Luxembourg. L'établissement était étoilé depuis 1989 et son chef Arnaud Magnier la défendait depuis 22 ans.
Pour lui, la déception a été particulièrement vive. "On m'a juste dit que je n'entrais plus dans les codes Michelin. Quels codes ? Je n'en sais rien" souligne t-il. "J'ai pourtant essayé d'obtenir des réponses."
"Je ne le digérerai jamais" lâche le chef français, passé par de grandes cuisines étoilées, notamment celles de Bernard Loiseau comme La Côte d'Or (3 étoiles Michelin). "On a eu peur pour nos 18 collaborateurs et leur famille. Mais toute l'équipe a continué de nous suivre et les clients aussi."
À Esch, Renato Favaro a vécu l'amère expérience de perdre une étoile en 2013. "J'étais moins présent... Ça m'a coupé les jambes." Mais onze mois plus tard, la bonne nouvelle est tombée. "Le guide Michelin m'a appelé pour me dire que je n'avais toujours pas confirmé ma venue à la cérémonie. J'y suis allé et quand j'ai vu mon nom sur l'écran..." Renato Favaro peine à finir sa phrase mais depuis ce moment, il garde en tête une maxime toute simple: "Il faut toujours se relever."