
La semaine dernière, la Cour des Comptes a présenté à la commission parlementaire de l’Exécution budgétaire son rapport spécial sur le Large Scale Testing (LST) pendant la pandémie de coronavirus. Dans celui-ci, la Cour des Comptes n’examine pas si le programme était judicieux d’un point de vue épidémiologique, mais elle examine si les règles en matière de gestion de l’argent public ont été respectées. Les trois différentes phases de tests à grande échelle ont coûté globalement 134 millions d’euros hors TVA.
La Cour des Comptes est d’avis que le programme et ses trois phases étaient largement surdimensionnés. La capacité maximale mise en place pour le programme, n’a pas été utilisée. Il y a donc eu moins de prélèvements et de tests PCR effectués que prévu. Cela s’explique également par le fait que de nombreuses personnes ayant reçu une invitation à se faire tester volontairement ne s’y sont pas rendues.
Pour l’expliquer de manière très simplifiée: car on n’a pas décompté ce qui a été réellement fait en termes de prélèvements et de tests PCR, mais plutôt fixé une sorte de somme forfaitaire ou de forfait. La Cour des Comptes constate que lors de la première phase du dépistage à grande échelle, organisée par l’Institut luxembourgeois de la santé, le Luxembourg Insitute of Health (LIH), aucun critère précis n’a été fixé pour les dépenses. Dès lors on n’a pas pu y recourir pour refuser d’éventuelles factures. Dans la première phase, les Laboratoires réunis ont simplement obtenu 26% pour leurs frais généraux et une marge de 15% sur leurs coûts.
Dans la deuxième phase, lorsque la direction de la Santé a repris l’organisation, le cahier des charges de l’appel d’offres stipulait qu’une plus grande partie du paiement devait dépendre du nombre réel de tests. Mais cet appel d’offres a été annulé. La seule offre que les trois laboratoires privés luxembourgeois avaient soumise ensemble, dépassait largement le budget d’environ 60 millions d’euros prévu et l’appel d’offres a été annulé. Ensuite un marché a été négocié avec les Laboratoires réunis. Selon la Cour des Comptes, la principale différence entre les conditions de l’appel d’offres et le contrat négocié était que le risque financier était transféré du laboratoire privé à l’État. Il y avait à nouveau une part plus élevée de coûts fixes et une part variable plus faible sur la base des tests effectués, donc pour le dire simplement, une facturation plus forfaitaire.
Cependant, il n’y a pas seulement eu le fait que moins de personnes que prévu ont participé aux tests à grande échelle. Les Laboratoires réunis ont également pratiqué un “pooling” en mettant en commun les prélèvements de quatre personnes contactées par invitation pour les soumettre à un seul test PCR en laboratoire. Lorsque le résultat de ce test était négatif, trois tests PCR avaient donc été économisés. C’était différent pour les prélèvements des patients malades qui allaient se faire tester avec une prescription médicale. Dans ce cas-là, chaque prélèvement faisait l’objet d’un test PCR en laboratoire. La Cour des Comptes estime que les calculs des Laboratoires réunis ne tiennent pas compte des économies réalisées grâce à ce pooling. Pour les trois phases du LST, le laboratoire a facturé au total environ 100 millions d’euros pour les tests PCR. Selon la Cour des Comptes, si l’on prend en compte le pooling, ce serait en fait environ 41 millions d’euros, soit près de 60 millions de moins.
Avec leurs sous-traitants, les Laboratoires réunis ont effectivement mis en place des stations de tests et se sont tenus prêts à effectuer une capacité maximale de tests. Mais si on regarde leurs bilans, on constate que leur marge bénéficiaire est passée d’environ 4% en 2019 à plus de 18% en 2021. Les Laboratoires réunis ont donc gagné de l’argent bien au-delà de la moyenne, ce qui est leur objectif en tant que société commerciale.
Dans le rapport, la direction de la Santé ne commente pas la manière dont ont été décidées les pénalités pour non-respect des indicateurs de performance. Lors de la deuxième phase, par exemple, près de deux millions d’euros de pénalités étaient dus, qui ont ensuite été réduits à environ 270.000 euros. Une explication possible est que les exigences relatives aux tests à grande échelle et celles relatives aux tests sur les malades avec prescription médicale se sont contredites à un moment donné. Les indicateurs de performance du dépistage à grande échelle prévoyaient notamment que les résultats devaient être disponibles dans un bref délai. Mais lorsque le nombre d’infections a augmenté, plus de patients malades munis d’une ordonnance médicale ont dû se faire tester. Ces derniers étaient prioritaires par rapport aux invités au LST. Il est possible que cela ait conduit à ce que les délais du dépistage à grande échelle n’aient pas pu être respectés. Cela a en effet été pris en compte dans la troisième phase: si le nombre d’infections dépassait un certain seuil, le délai pour les résultats du LST était plus long.
La Cour des Comptes reproche aux organisateurs de la première phase du LST un “saucissonnage” des dépenses. En effet, le Haut-Commissariat à la protection nationale a fait don au programme de tests PCR d’une valeur de plusieurs millions d’euros. En conséquence, le projet est resté en dessous du seuil des 40 millions d’euros, dont le financement nécessite une loi spéciale.
Abstraction faite de l’appel d’offres pour la deuxième phase, qui a été annulé, la Cour des Comptes estime qu’il y avait suffisamment de temps pour soumettre la troisième phase à un appel d’offres. Mais cela n’a pas été fait. A la place, il y a eu à nouveau un contrat avec les Laboratoires réunis.
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