Perdre son logement est devenu la préoccupation numéro un des locataires au Luxembourg. Une crainte étroitement liée à l'explosion des loyers sur le marché luxembourgeois.

Le président du Mieterschutz, Jean-Michel Campanella, nous le confirme: perdre son logement est devenu la première préoccupation des locataires au Luxembourg. C'est le constat d'une étude récemment menée par l'association de protection des locataires et l'Université du Luxembourg. "Elle sera bientôt présentée au public", nous confirme-t-il. En attendant cette présentation, force est de constater que la situation se tend sur le marché de la location.

Les loyers augmentent et les lettres de résiliation se multiplient. "On a été contacté par de nombreux locataires qui disent avoir reçu une lettre de leur propriétaire demandant la résiliation du contrat" de bail. Un processus encadré par la loi luxembourgeoise et qui prévoit trois cas de figure: la faute grave, le besoin personnel et les raisons impérieuses telles que des travaux incompatibles à l'occupation du logement en question. Le propriétaire doit respecter un délai de préavis allant de 3 à 6 mois, dépendant de la raison motivant cette résiliation. En cas de faute grave du locataire, il peut cependant demander une résiliation immédiate en passant par la justice de paix. On parle alors d'une résolution de bail. 

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Dans l'éventualité d'une résiliation classique, elle peut se faire "par différents moyens (courrier électronique ou verbal)" indique le ministère du Logement. "Il est tout de même recommandé d'utiliser une lettre recommandée pour éviter des problèmes de preuve en cas de contestation", peut-on lire sur son site officiel. Enfin, dans le cas d'un "déguerpissement", la justice est forcément impliquée. Le locataire peut demander un ou plusieurs sursis au juge de paix en faisant une requête au greffe de la justice de paix. Jean-Michel Campanella conseille aux personnes concernées de s'adresser au Mieterschutz ou à un avocat pour éviter les surprises.

Interrogé à ce sujet, le président de l'Union des propriétaires, Georges Krieger, assure que le nombre de déguerpissements n'a pas augmenté ces dernières années. "Je ne vois pas plus de dossiers qu'il y a 10 ou 15 ans", nous a-t-il répondu lors d'une interview. S'il admet que la hausse des loyers est devenue un problème, il insiste sur le fait que cela ne concerne pas tous les locataires. Il fait référence aux personnes qui louent le même logement depuis des années.

"Certes, ils auront vu l'une ou l'autre augmentation de loyer mais il existe un problème bien plus grave: l'explosion des charges", commente-t-il. D'après l'avocat, une avance mensuelle de charges tourne aujourd'hui autour de 400 euros pour un appartement "normal". "Il y a cinq ou six ans, on était encore à 250 euros", rappelle-t-il. Une hausse qui concerne tous les locataires, indépendamment de la classe énergétique du logement, et qui, d'après lui, pèse bien plus lourd dans la balance que la hausse des loyers. "C'est plus compliqué pour ceux qui cherchent une location en ce moment", a-t-il cependant admis.

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Jean-Michel Campanella insiste pour sa part sur le cadre légal des résiliations de contrat. Il se positionne évidemment du côté des locataires et leur lance un appel à la prudence. "Il faut d'abord chercher à savoir si la résiliation est légale parce que souvent ce n'est pas le cas. (...) Certains propriétaires envoient simplement un mail en invoquant le besoin personnel et disent à leur locataire, je récupère mon bien dans deux semaines. Evidemment, ce n'est pas du tout légal. (...) Il faut impérativement vérifier dans quel cas de figure on se trouve pour savoir quel sont les recours possibles."

Des recours qui font d'ailleurs dire à Georges Krieger que les propriétaires et l'intérêt des propriétaires "ne sont pas assez protégés". Il évoque les procédures liées aux résiliations de bail qui peuvent parfois prendre jusqu'à "un an et demi" d'après lui. "Le propriétaire qui a vécu ça une fois ne voudra plus réinvestir dans l'immobilier locatif (...) On a trop tendance à réfléchir à l'aspect social (du logement), je suis d'avis que si on veut améliorer la situation au niveau national, il faut davantage écouter les problèmes des propriétaires", affirme-t-il sans détour.

Deux positions qui ne sont pas forcément irréconciliables puisque les deux hommes souhaitent voir le parc locatif luxembourgeois se développer. Car si les loyers augmentent aujourd'hui c'est parce que de nombreux acquéreurs potentiels se sont détournés de l'achat immobilier et ont décidé de louer. L'offre, déjà restreinte il y a deux ans, n'a fait que diminuer sur un marché où la VEFA n'inspirait plus confiance. Et s'il y a bien une affirmation qui met tout le monde d'accord en ce moment, c'est que le Luxembourg doit se remettre à construire des logements. Ne serait-ce que pour soulager le marché de la location et pour préserver l'emploi dans la construction.

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