La crise immobilière s'est bien installée au Luxembourg. Elle menace désormais plusieurs corps de métier et pourrait entraîner une réaction en chaîne si la construction ne reprend pas bientôt.

Les derniers chiffres de l'Observatoire de l'Habitat le confirment: l'activité est au plus bas, en particulier sur le segment de la VEFA. Au deuxième trimestre 2023, seules 171 ventes ont été enregistrées au Grand-Duché. D'ordinaire, ce chiffre se situe autour des 750 transactions par trimestre, d'après Julien Licheron, chercheur au Liser.

Cela dans un pays qui est en pénurie de logements depuis des années. Une situation qui va potentiellement empirer puisque la BCE a récemment annoncé une nouvelle hausse de ses taux directeurs. Rappelons que la "période de gel" que connaît le marché actuellement a été précipitée par les hausses successives des taux d'intérêt.

Et si les économistes tablent sur une baisse des taux directeurs des banques centrales, elle pourrait intervenir trop tard pour un bon nombre d'acteurs du marché luxembourgeois. Faillites, défauts de paiement, constructions avortées: telles sont les menaces qui planent désormais sur un secteur qui a longtemps été considéré comme une valeur refuge.

"La situation est catastrophique", affirme le directeur de Nexvia, Pierre Clément. Il évoque des "situations humaines extrêmement difficiles" en particulier pour les acheteurs qui ont contracté un crédit relais à taux variable avant la crise. "Il y a des gens qui ne sont pas en mesure de rembourser. Ils vont devoir tout vendre", explique-t-il.

Et le problème ne s'arrête pas là. D'après lui, les acquéreurs récents ont également du souci à se faire puisqu'ils pourraient ne pas être livrés. "On va probablement leur rembourser leur quote-part construction (...) puis pour la quote-part terrain, on va leur dire félicitations, vous êtes co-propriétaire d'un trou avec 20 autres personnes."

Pour le directeur de Nexvia, le Luxembourg doit prendre des mesures drastiques afin d'éviter que "la crise immobilière" ne devienne "une crise financière". Julien Licheron, chercheur au Liser, admet que la situation du marché est "inquiétante". À ses yeux, le problème reste le même, "il faut construire plus"

C'est d'ailleurs le seul point qui met tout le monde d'accord. On peut le voir dans les programmes électoraux que nous avons récemment décrypté pour vous. "Les biens qui ne sont pas mis en chantier aujourd'hui, ce sont des biens qui viendront à manquer dès lors que l'activité reprendra", prévient Julien Licheron.

"La période de gel se prolonge maintenant bien au-delà de ce que l'on a connu lors de la crise de 2008-2009", indique le chercheur. Et ce n'est pas une légère baisse des prix qui va tout arranger si l'on en croit les dires de nos experts. Si le nouveau gouvernement tient le cap de la dernière législature, il faudra "un changement de paradigme complet".

Comme beaucoup de professionnels du secteur, Pierre Clément doute de la capacité de l'Etat luxembourgeois à construire des logements publics en masse. En effet, les promoteurs publics peinent généralement à construire plus de quelques centaines de logements par an.

Dans ce contexte, Julien Licheron rappelle que "même en phase de demande très élevée" et "malgré le soutien qu'on a apporté à l'investissement locatif" par le passé, le Luxembourg n'a jamais réussi à produire plus de logements qu'en 2008.

"4.444 logements, c'est le nombre maximum de logements qu'on a été capable de construire", fustige-t-il. Pour le chercheur, "la clé du problème" réside dans le foncier. "On parle de 150.000 logements qui pourraient être créés très facilement" ajoute-t-il.

Mais pourquoi vendre un terrain qui n'est pas ou est à peine imposé? "Un terrain qui fait +150%, pourquoi vais-je le vendre" interroge Soufiane Saadi, PDG d'atHome Group. La réforme de l'impôt foncier a d'ailleurs longtemps fait débat suite à sa présentation au mois d'octobre 2022.

Pierre Clément demande "un peu de courage politique". "On veut quoi, un pays où on ne ne peut pas se loger? Qu'on les oblige à construire et qu'ils louent. N'importe quelle banque va les financer à 100%. Ils restent entièrement propriétaires de leur terrain en plus d'un immeuble sur lequel ils auront des revenus qui rembourseront intégralement la construction."

Une déclaration qui tombe à un peu plus d'une semaine des élections législatives. Reste à savoir si elle tombera ou non dans l'oreille d'un sourd. Dans nos échanges, nous revenons également sur les dernières évolutions des prix, sur l'état du marché de l'existant et sur le bras de fer en cours entre les grands promoteurs et l'Etat luxembourgeois.

Tous les détails dans ce nouvel épisode de La Bulle Immo.

25. Pourquoi le Luxembourg doit relancer la construction de logements

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