Anomalies, points faibles au niveau de la gouvernance de Caritas mais aussi chez les banques : des professionnels de la place financière réagissent à propos de l'embarrassante affaire de fraude.

Selon nos informations, les 61 millions d'euros détournés chez Caritas ont été transférés début 2024 durant une période de cinq mois sur 14 comptes d'une banque espagnole. Il s'agit de la banque BBVA pour Banco Bilbao Vizcaya Argentaria. La somme de plusieurs dizaines de millions d'euros détournée a été transférée via une centaine de virements de moins de 500.000 euros, avait indiqué la Radio100,7 il y a deux semaines. Pour plus de la moitié des 61 millions d'euros, des lignes de crédit supplémentaires ont été nécessaires. Deux lignes de crédit ont été demandées auprès de deux banques: la BCEE et BGL BNP Paribas. 
 
A ce jour, RTL n'a pas pu vérifier si l'une des lignes de crédit a été accordée avec la seule signature d'un membre de la direction de Caritas, si une ligne de crédit a été étendue sans accord supplémentaire ou si une ligne de crédit a été refusée.
 
Du côté de la fondation Caritas, les virements de même que les demandes de lignes de crédit ont été effectués par la directrice financière. Dès le début de l'affaire, elle a été soupçonnée d'avoir détourné l'argent par le directeur de Caritas, Marc Crochet, qui a porté plainte mi-juillet. Elle s'est toutefois elle-même rendue à la police peu après le dépôt de plainte et est présentée par son avocat comme une victime de l'affaire

Radio 100,7 remet en question la piste de la fraude au président

Le 6 août, la justice a annoncé que selon toute vraisemblance, le détournement de fonds chez Caritas était lié à une "arnaque" ou "fraude au président". Cependant, dans un article publié sur son site lundi, la Radio 100,7 se demande si l'arnaque n'a pas été "seulement simulée". Selon ses recherches, il semble que la fraude ait été préparée et mise au point chez Caritas à l'aide "d'informations d'initiés".
 
Pendant plus de cinq mois, la directrice financière a été en contact avec un "faux Marc Crochet" et d'autres personnes et a tout fait - y compris inventer des histoires - pour que les transactions en Espagne réussissent. Il faut ajouter que dans les mois précédant la fraude, elle avait réduit l'accès des autres collaborateurs aux programmes de comptabilité, selon la Radio 100,7. Juste au moment où devaient être mises en oeuvre les recommandations d'un consultant externe, afin d'améliorer la gestion du service financier.

Selon certaines sources, l'intervention d'un consultant externe chez Caritas pourrait avoir amené les individus malintentionnés à commettre leur arnaque, avant qu'il ne soit trop tard.

"Ce qui s'est passé là est tout simplement impossible" 

Quel qu'ait été le niveau de sophistication de l'arnaque au président et quelle que soit la quantité d'informations dont les auteurs disposaient pour rouler l'ONG, les faiblesses de la gouvernance de Caritas, mais aussi des banques, ont rendu la fraude possible, ou du moins l'ont facilitée.    
 
"Ce qui s'est passé là est tout simplement impossible”: telle est la réponse la plus fréquente que vous obtenez actuellement de la part de professionnels de la place financière si vous les interrogez sur l'affaire Caritas. Personne ne croit non plus qu'une seule personne puisse être responsable du détournement.   
 
La BCEE n'a pas souhaité aborder le cas spécifique de Caritas, mais s'est déclarée prête à fournir, à la demande de RTL, des explications générales par écrit. Elle assure que le "suivi des transactions" tient compte d'une "large panoplie de facteurs et, notamment, aussi de la typologie du client". Le montant d'un virement est également un facteur important. La Spuerkeess écrit aussi que les "transactions répétitives" sont détectées par le système de sécurité. Ce qui est étonnant, car si tous les capteurs sont en action, on se demande comment, pendant cinq mois, des virements sur plus de 100 transactions et lignes de crédit ont pu être accordés.

"Des anomalies"

Des falsifications de documents devant justifier une transaction sont évoquées par les professionnels du secteur comme une possibilité qui expliquerait pourquoi les banques n'ont pas réagi. Une autre explication est que lors des rappels, le client indique la personne que la banque doit appeler en cas de suspicion. Chez Caritas, ce devait être la directrice financière inculpée elle-même, ce qui constitue déjà un point faible dans la gouvernance de Caritas. La banque pourrait toutefois aussi se demander quelle sécurité cela apporte d'appeler la personne qui est aussi celle qui veut effectuer le virement. 
 
Des banquiers affirment également que Caritas aurait pu emprunter de l’argent parce qu’elle devait encore recevoir de l’argent de l’État. Cependant, le gouvernement a rappelé à plusieurs reprises que l'argent avait déjà été transféré. Les banques auraient dû le savoir, car elles ont un aperçu des comptes de leurs clients. Aucune explication non plus à ce stade sur le fait que visiblement, la banque BBVA ne connaissait pas bien ses clients des deux côtés des transferts. La seule réponse obtenue à ce stade par RTL de la part de la banque espagnole est : “no comment”.
 
Si on suppose qu’il n’y avait pas de complice direct au sein des banques, on peut au moins parler d’"anomalies". Ici au Luxembourg, la Commission de surveillance du secteur financier, la CSSF, est déjà en train de vérifier ce qui s'est passé à la Spuerkeess et chez BGL BNP Paribas. Dans l'affaire Caritas, l'enquête judiciaire se poursuit également. Il faut rappeler à ce stade que la présomption d'innocence s'applique jusqu'à ce qu'un verdict soit rendu.