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La semaine de 38 heures pour les socialistes, de 35 heures pour les communistes et même de 32 heures pour La Gauche. Toujours "sans perte de salaire". Travaillera-t-on moins dans les années à venir au Luxembourg? La plupart des partis politiques en lice pour les élections législatives du 8 octobre se positionnent.
Le sujet suscite de l'espoir chez bon nombre de salariés, mais reste un casse-tête pour les politiques. La réduction du temps de travail est même devenue une pomme de discorde au sein du gouvernement sortant à trois têtes (DP-LSAP-déi gréng) en cette fin de législature. Elle ne figurait pas dans l'accord de coalition (2018-2023), mais pourrait bien figurer dans le prochain.
Mise sur le tapis par Georges Engel, ministre du Travail socialiste, peu de temps après son arrivée au ministère en janvier 2022, l'idée de réduire le temps de travail est devenu incontournable pour les candidats aux élections législatives. D'autant que l'étude dévoilée en avril 2023 révèle que plus de six personnes sur dix se sont prononcées en faveur d'une réduction du temps de travail au Luxembourg. Rappelons que la semaine de 40 heures y est en vigueur depuis... 1974.
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L'attente sur le temps de travail est palpable, mais tous les partis en lice ne l'abordent pas sous le même angle. Quatre partis (LSAP, déi lénk, KPL et Volt) sont clairement pour une réduction du temps de travail. Les autres sont contre une généralisation du temps de travail (DP, CSV, Piraten, ADR), mais voient la flexibilisation accrue du travail comme une solution. Ce que rejette en bloc l'OGBL, comme vient de le marteler sa présidente, Nora Back, sur RTL Radio. D'autres encore sont moins formels (déi gréng et Fokus) et proposent des solutions originales. Seuls Liberté-Fräiheet et Déi Konservativ n'évoquent pas le sujet dans leur programme.
Le parti socialiste, et sa tête de liste Paulette Lenert en ont fait un cheval de bataille, car 40 heures de travail par semaine, "c'est de trop" à leurs yeux à une époque, après-Covid, où un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée est largement partagé. Le LSAP considère la réduction du temps de travail comme un "élément essentiel de l’attractivité de l’économie" luxembourgeoise, tout comme "un instrument de partage équitable des gains de productivité".
Le LSAP plaide pour une réduction du temps de travail hebdomadaire à "38 heures sans perte de salaire". Il prévoit de réaliser des projets pilotes dans différents secteurs pour pouvoir ensuite mettre "en place un système d’encadrement et d’aides pour aider les entreprises à réussir la transition vers la réduction du temps de travail".
Ce n'est pas tout. Le LSAP, s'il fait partie du prochain gouvernement, promet "d'augmenter le congé annuel payé à six semaines dans le secteur privé". Il passerait alors de 26 à 30 jours de congés.
Semaine de 32 heures d'ici 2030
Sur la même longueur d'onde, déi lénk proposent "l'introduction à partir de 2024 d’une sixième semaine de congé pour tous les salariés". Mais le parti de gauche est celui qui va le plus loin dans la réduction du temps de travail hebdomadaire et proposent "la semaine de 32 heures sans perte de salaire à l’horizon 2030".
Pas question de précipiter les choses mais d'avancer pas à pas. Déi lénk veut une loi qui échelonne et encourage des réductions du temps de travail "répondant aux besoins spécifiques des travailleurs et travailleuses par conventions collectives dans différents secteurs pendant une période transitoire". Autre mesure: le recours aux heures supplémentaires "sera limité en les rendant pleinement cotisables et imposables". La durée maximale de travail par semaine sera "limitée à 40 heures en 2030".
Les petites et moyennes entreprises bénéficieront d'un "paquet d’aides" durant la phase transitoire et les salariés seront "les gestionnaires souverains de leur compte épargne temps".
Le parti communiste (KPL) revendique "l'instauration de la semaine des 35 heures sans perte de salaire". Pour le KPL c'est clair: "Compte tenu des fortes augmentations de productivité, la main-d'œuvre est sous-payée, les salaires sont trop bas et le temps de travail légal introduit il y a 48 ans est trop long."
Le bien-être des salariés
Volt, le parti pan-européen, consacre une page entière de son programme électoral à la réduction du temps de travail, ne fixe pas un nombre d'heures, mais demande "des projets pilotes pour réduire le temps de travail hebdomadaire sans perte de salaire!"
Deux "effets positifs importants" plaident pour des semaines moins chargées. Primo la réduction du temps de travail "peut augmenter la productivité" et secundo elle "pourrait être une intervention efficace sur le lieu de travail pour l'amélioration du bien-être des salariés, notamment en ce qui concerne le stress et le sommeil".

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Les arguments pour travailler moins longtemps sans perte de salaire sont légion aux yeux de Volt: plus de temps pour s'organiser à la maison sur un pied d'égalité, répartir le temps de travail de manière plus égale et lutter contre le chômage, plus de temps pour l'éducation des enfants, etc.
Volt suit de près les tests effectués au Portugal sur la semaine de quatre jours "afin de l'introduire au Luxembourg si les tests sont concluants et améliorent réellement la productivité et la santé mentale".
Le DP ne supprimera pas la semaine de 40 heures
Le Premier ministre sortant, Xavier Bettel, est farouchement opposé à l'idée de réduire le temps de travail. Dans l'interview accordée en janvier à RTL Télévision, le Premier ministre avait justifié sa position par l'état du marché du travail. Car même si l'économie crée de nombreux postes chaque année, les entreprises luxembourgeoises ont beaucoup de mal à recruter. Au point que certains secteurs sont en pénurie de main-d'œuvre.
"Nous ne voulons en aucun cas supprimer la semaine de travail traditionnelle de 40 heures, mais plutôt offrir davantage de flexibilité aux salariés qui ne sont pas intéressés par un emploi à des horaires de bureau classiques", avance le DP, le parti de Xavier Bettel. L'idée générale est de "créer des modèles de travail flexibles", pour accorder "plus de temps à nos concitoyens pour leur famille et les loisirs".
L’étude réalisée sur la réduction générale du temps de travail "a clairement indiqué que dans les conditions actuelles, les risques qu’impliquerait un raccourcissement du temps de travail prenaient le pas sur les opportunités". Dans les périodes de difficultés économiques, le DP juge qu'"il serait irresponsable de mettre des emplois en jeu".
Mais le DP est tout à fait ouvert aux "débats sur les modèles de temps de travail modernes, et se dit prêt à "aider les entreprises qui le souhaitent à tester des réductions du temps de travail".
Vers un "assouplissement équilibré" ou flexibiliser le travail "sur un an"
Déi gréng veulent laisser aux partenaires sociaux la liberté de mettre en place de nouveaux modèles de temps de travail. Leur proposition est d' "évaluer et réviser la loi sur le temps de travail de 2016 en concertation avec les partenaires sociaux. Un assouplissement équilibré dans l’intérêt des employeurs comme des travailleurs ne peut être déterminé que par le dialogue entre les partenaires sociaux".
Comme Volt, Les Verts scrutent les expériences à l’étranger qui ont monté qu' "une réduction du temps de travail peut avoir des effets positifs pour les travailleurs et les entreprises".
Ils veulent lancer un programme pilote auquel les entreprises peuvent participer sur une base annuelle et qui leur permet de tester de nouveaux modèles de temps de travail avec un accompagnement et des conseils scientifiques".
Les Piraten proposent de "favoriser des modèles de travail flexibles sous la forme de cadres mobiles et via une flexibilisation des horaires de travail sur un an". Ce qui signifie que le salarié ne doit pas nécessairement faire 40 heures de travail toutes les semaines. Ce qui importe c'est le salarié ait travaillé en moyenne les 40 heures sur l'année. Mais le temps de travail hebdomadaire ne devra pas dépasser les 48 heures. La période de référence devra être fixée dans les entreprises avec les partenaires sociaux.
Pour que l'économie Luxembourgeoise demeure compétitive, le CSV est prêt à "réorganiser le temps de travail", mais "dans le dialogue social".
L'ADR s'oppose à un raccourcissement général du temps de travail, mais soutient "toutes mesures visant à rendre le temps de travail plus flexible". Sans expliquer comment dans la pratique.
Fokus veut une réduction plus ciblée
Fokus est sceptique quant à une réduction structurelle généralisée du temps de travail. Car elle "ne résout pas les problèmes, mais en crée de nombreux nouveaux. Mais nous sommes pour les réductions de temps de travail partout où elles sont possibles, utiles, bénéfiques et socialement productives et pour la mise en place de contreparties".
Pour Fokus, une réduction du temps de travail avec compensation salariale "doit être spécifiquement offerte aux personnes ayant le plus besoin dans leur situation de vie que ce soit pour le congé parental, la prise en charge de personnes vulnérables ou un engagement bénévole".
L'État doit créer "des conditions-cadres" rendant possible la réduction du temps de travail pour tous les salariés, "sans trop alourdir les entreprises".
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