
Nouvel épisode dans le débat sur la baisse du temps de travail. Une étude du Liser, de l’Université du Luxembourg et du ministère du Travail a été dévoilée ce mardi 25 avril. Un document épais, fruit de longues recherches mais sujet à débat.
Si l’étude ne fait pas l’unanimité, c’est d’abord dû positionnement du ministre Georges Engel: son parti, le LSAP, est favorable à une réduction du temps de travail hebdomadaire de 40h à 38h. Un point de friction au sein de la coalition puisque le DP de Xavier Bettel envisage, au mieux, une flexibilisation.
Et le patronat s’est empressé d’allumer le contre-feu et n’a pas participé à la présentation de l’étude. “Il s’agit ici du principe du dialogue social et le ministre du Travail, Georges Engel, aurait une vision très sélective, qui serait différente de la nôtre en tant que patronat”, a déclaré Michel Reckinger, président de l’UEL, ce mercredi sur RTL.
“Il s’agit d’une présentation d’une étude et le patronat pense que cela ne vaut pas la peine de venir” a évoqué plus tôt le ministre du Travail. “Je trouve déjà que c’est scandaleux qu’ils aient pensé que cela ne valait pas la peine de venir à une présentation. Ils n’auraient rien dû dire. Ils auraient simplement pu dire: nous prenons connaissance de cela, nous regardons ce qui en est sorti et nous nous asseyons ensemble. Comme nous allions le faire de toute façon.”
Concrètement, l’étude ne tranche pas pour ou contre la réduction du temps de travail. Mais dresse un premier aperçu de la situation et compare le cas du Luxembourg aux États voisins.
Le Luxembourg est justement le pays qui propose le temps de travail le plus important de la Grande Région. La France applique les 35h et la Belgique 38h. L’Allemagne est un cas particulier: elle n’a pas introduit de durée légale hebdomadaire mais on estime la moyenne à 37,7 heures.
Contre près de 43h prestées chaque semaine, les travailleurs interrogés souhaiteraient réduire leur effort à 36h et 18 minutes. “En d’autres termes, l’écart moyen entre le temps de travail réalisé et désiré est de 6,6 heures.” Plus de six personnes sur dix se sont prononcées en faveur d’une réduction du temps de travail, contre trois sur dix disant être satisfaite. Moins d’une personne sur dix aimerait travailler davantage.
Par rapport à une semaine normale de 40h, 47% des sondés se disent satisfaits. Et 46% aimeraient que le temps de travail légal soit moins important.
La question de la pénurie de main-d’œuvre est également évoquée. Pour cause: le taux de chômage atteint 4,9% au Luxembourg. Malgré la main-d’œuvre frontalière et étrangère, le manque de candidats provoque des difficultés de recrutement: “72% des entreprises luxembourgeoises d’au moins cinq salariés éprouvent des difficultés à recruter du personnel sur des postes qualifiés et 28% éprouvent des difficultés à recruter du personnel sur des postes non qualifiés.”
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L’autre grande question repose sur l’étendue de la baisse du temps de travail. Doit-elle être appliqué à toute l’économie? À une branche? Ou par convention collective? “Tous les employés ne sont peut-être pas disposés à travailler des heures réduites, en particulier ceux qui désirent travailler plus pour gagner plus ou pour progresser dans leur carrière.” Sans parler des difficultés pour la mettre en place dans certaines industries ou certains secteurs aux besoins et horaires spécifiques.

La dernière inconnue, c’est le financement de la réforme. Faudrait-il en répercuter le coût sur les salariés, en baissant ou gelant leurs salaires? Cela affecterait à coup sûr “ceux qui occupent déjà des emplois moins bien rémunérés”. Et pourrait conduire à plus de fracture sociale, à une baisse de la motivation.
Faut-il l’imposer aux entreprises, qui supportent déjà un coût du travail très élevé? Ces dernières pourraient reporter cette charge sur leurs employés, en leur en demandant plus, ou sur leurs clients, en augmentant les prix. Les petites sociétés seraient plus exposées à une réforme de cette envergure.
Faut-il que l’État assume ce grand changement? La situation du pays (chômage faible, finances solides mais crise économie généralisée) rend le scénario compliqué.
À quelques mois des élections législatives, la question du temps de travail n’est donc pas tranchée. Faute de suffisamment de recul, l’étude juge “nécessaire de mener des recherches supplémentaires pour valider les affirmations faites dans l’étude et pour déterminer le véritable impact d’une réduction du temps de travail sur les travailleurs, les entreprises et la société luxembourgeoise”.
Ses auteurs posent ouvertement la question du but de cette réduction du temps de travail. Est-ce pour améliorer le bien-être des travailleurs? Leur santé? Leur permettre de mieux concilier vie privée et vie professionnelle?
L’intensité de cette baisse du temps de travail est par ailleurs sujette à débat: s’il faut réduire, de combien d’heures par semaine? Les quelques expériences réalisées à l’étranger ont été conclues par un surcoût mais des avantages pour les travailleurs: “Même si ces expérimentations ont fait l’objet de critiques, certains objectant que leurs coûts excédaient leurs bénéfices, les résultats de ces expérimentations ont montré que, sous certaines conditions, une journée de travail plus courte entraînait une réduction des congés de maladie, une augmentation de la productivité et une plus grande satisfaction au travail.”
Les auteurs de l’étude suggèrent de passer à l’étape suivante en réalisant des études similaires au Luxembourg. Car si “le droit luxembourgeois permet déjà aujourd’hui aux organisations syndicales et aux employeurs/organisations d’employeurs de réduire la durée du travail par convention collective” il ressort que “très peu d’entreprises, et une seule branche ont eu recours à cette pratique” à ce jour.