L'analyse d'un psychiatre "Les délinquants pédophiles manquent souvent d’empathie"

Diana Hoffmann
1 à 3% de la population aurait des inclinations pédophiles. Mais sur 10 personnes concernées, 8 à 9 ne les concrétiseraient pas, dit Marc Graas, psychiatre et psychothérapeute.
© Envato (photo d’illustration)

Un cas de violence sexuelle sur mineur a été révélé la semaine dernière. La manière dont le pédocriminel condamné s’est ensuite présenté lui-même dans un article du Luxemburger Wort paru le vendredi 23 mai, a suscité beaucoup d’émoi. Il y reste en phase avec ce qui ressort du verdict: bien que le condamné ait avoué, il se considère davantage comme une victime et ne montre aucune empathie pour les véritables victimes de ses actes.

Ce n’est pas nécessairement un comportement inhabituel pour des pédocriminels, explique le psychiatre Marc Graas. “C’est leur image de la sexualité. Ils ne peuvent pas s’en débarrasser, ils ne peuvent pas en guérir, mais ils peuvent apprendre à la gérer différemment”, dit l’expert.

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D’un point de vue psychologique et psychiatrique, la pédophilie est une préférence sexuelle pour les enfants, le plus souvent jusqu’à l’âge de 10-12 ans. Dans certains cas, jusqu’à 15 ou 18 ans. Il s’agit d’une préférence sexuelle innée. “Personne ne dit: je veux devenir pédophile”, souligne le médecin.

Selon des statistiques, 1 à 3% de la population aurait ces penchants pédophiles. Des hommes en majorité, mais il y a aussi des femmes. Le fait qu’une personne soit simplement pédophile ou qu’elle passe à l’acte et commette un délit, dépend de la manière dont elle gère cette inclination. “Vous avez des gens qui sont empathiques et qui ont le sens de ce qui est bien et de ce qui est mal. Et bien sûr, ils essaient de ne pas passer à l’acte et de contrôler la situation du mieux qu’ils peuvent”, précise Marc Graas. Et ensuite, nous avons les autres qui n’ont pas d’empathie et moins de scrupules. Ils concrétisent alors leur inclination. Sur 10 individus présentant une disposition à la pédophilie, 8 à 9 ne la concrétiseraient pas. Il n’y a toutefois pas de profil psychologique type.

“C’est la personnalité qui détermine la façon dont on gère l’inclination”, explique le psychiatre. Certains apprendraient à la maîtriser, d’autres planifieraient leur vie en conséquence et se lanceraient même dans des professions où ils seront en contact avec des enfants et des adolescents.

Peu de personnes ayant des penchants pédophiles cherchent à se faire aider

Peu de personnes concernées cherchent l’aide de professionnels. Lui-même reçoit des cas qui lui sont adressés par des tribunaux, indique Marc Graas. “C’est la plupart du temps difficile pour ces gens-là. C’est associé à une honte énorme et à une exclusion sociale. Si le fait que vous soyez pédophile devient public, c’est en fait comme une condamnation à mort sociale”, souligne le psychiatre.

C’est pourquoi il est important qu’il y ait des centres d’aide où les personnes concernées peuvent parler de leur inclination. “Là, nous avons sûrement encore des progrès à faire au Luxembourg. Souvent il n’y a pas de place chez le psychiatre”, selon Marc Graas. Après tout, la personne concernée ne peut pas en parler avec quelqu’un d’autre. Ni avec des amis, ni avec la famille ou des connaissances. Et puis il faudra voir avec cette personne comment elle peut gérer ces impulsions lorsqu’elles surviennent. Cela peut être réalisé par le biais d’une thérapie comportementale, d’un entraînement ou de la méditation. Cependant, le problème est qu’il faut avoir la motivation et la prise de conscience nécessaires pour le faire. “Et je pense que les personnes qui passent à l’acte ne répondent souvent pas entièrement à ces critères”, souligne Marc Graas. Ils n’ont souvent ni prise de conscience, ni empathie ou motivation pour travailler sur eux-mêmes.

Mais que faire alors de ces personnes? Ne plus les laisser sortir de prison?

“La sanction a aussi un effet sur la personne”, estime le psychiatre. Si des pédocriminels ont été condamnés, ils s’abstiennent généralement de récidiver. Sinon, le pouvoir judiciaire veillera à ce que ces personnes ne soient désormais plus autorisées à travailler avec des enfants ou des adolescents. Même si une peine de prison ne peut pas susciter l’empathie, elle peut faire prendre conscience que si une autre peine survient, il faudra aller en prison pour une longue période.

Pour le psychiatre, la prévention commence dès l’éducation des enfants, en leur enseignant que personne ne doit les toucher d’une quelconque manière. Et si quelqu’un le fait, il faut immédiatement le rapporter. Concernant les abus, le problème est souvent qu’ils se produisent dans le cadre familial ou sont commis par une personne de confiance. Les enfants se retrouvent alors isolés avec leur douleur et ne savent pas comment gérer ce qui s’est passé.

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