
Ce que le Luxemburger Wort a publié ces deux derniers jours, c'est du jamais vu. Il s'agit d'un procès en cours dans lequel un homme est accusé d'actes pédocriminels, un homme qui n'est pas un inconnu dans le milieu théâtral et la vie publique au Luxembourg. En plus, cet homme a abusé de sa propre fille et le Wort lui consacre tout un article, dans lequel il peut se présenter comme une victime. C'est absolument inacceptable, estime Annick Goerens dans son édito.
Comme le Luxemburger Wort, RTL dispose du jugement, qui reprend de multiples faits effroyables. C'était un choix rédactionnel de la part de RTL de ne pas entrer dans les détails, afin, entre autres, de protéger la fille de l'homme de 59 ans. Sa fille est âgée de 15 ans et elle a été abusée par son père.
Dans un premier article du Wort, il est écrit: "Une personnalité connue du monde théâtral a comparu devant le tribunal en février. Les accusations sont graves, mais dans le milieu, personne ne prétend en avoir eu connaissance. Le journal présente ainsi les choses comme si quelqu’un du monde culturel aurait dû le savoir. Laissez-moi le dire ainsi... tu ne peux pas être dans la tête de quelqu'un.
Les journalistes du Wort ont ensuite pensé qu'il était judicieux de donner la parole à l'auteur dans un deuxième article, "dans le cadre d'un reportage équitable", comme ils écrivent. Dans quel monde vivons-nous? Où il est apparemment normal de donner à un accusé une tribune pour défendre sa propre version malade de l'histoire pendant un procès en cours*. Ce n’est pas du journalisme, c’est du pur voyeurisme pour faire des clics. Où sont les considérations pour les victimes? Et il y a trois victimes, la fille de l'homme et deux amies de celle-ci. Sans parler de toutes les photos et vidéos d’autres enfants abusés.
Nous ne parlons plus ici de pédophilie, c’est-à-dire d’un intérêt sexuel pour les enfants et les adolescents, mais de pédocriminalité. Cela signifie que l'auteur a réagi à ses "pulsions" et a activement commis des actes lui-même, il ne s'est pas contenté de regarder des vidéos.
Dans le premier jugement contre lequel l'homme a interjeté appel, figure, dans une expertise réalisée par un neuropsychiatre, que l'homme présenterait une "indifférence totale à l’égard des victimes [...] qu’il a considéré comme simples objets pour assouvir ses désirs sans considération aucune quant aux conséquences en résultant pour les enfants et leur développement futur.” En outre, il est question de sa “tendance à vouloir relativiser et minimiser très fortement son attirance pour du contenu à caractère pédopornographique [...] tentant de nier la nature de son problème [...] taisant par là les actes commis sur la fille." Ces actes ont eu lieu à l'âge d'un an, lorsque la fillette était encore un bébé et ont continué pendant des années.
Il appartient au journaliste de replacer les faits dans le bon contexte. Cela n'a pas était fait ici. Dans l'article, l'auteur peut se présenter en victime. Il est écrit qu'il commence à craquer et qu'il a le sentiment d'être persona non grata. Il peut carrément dire que cela ne s'est produit qu'à la maison et pas dans toutes les associations dans lesquelles il était engagé en tant que bénévole. Il s'est engagé bénévolement et il serait désormais puni pour cela. A aucun moment ces propos ne sont contextualisés. Parce que le neuropsychiatre est clair dans le document du procès "cependant en pleurnichant sur son sort et “sa maladie”, de sorte que son repentir est à prendre en considération avec une certaine prudence". Le psychiatre a mis le mot maladie entre guillemets. Mon interprétation est que l’auteur veut se cacher derrière une maladie pour minimiser ses actes. Dans le Wort, il dit: "il n'y a pas un soupçon de compréhension pour ma maladie". Il déclare qu'il est cloué au pilori. Pas un mot des victimes! Pas un mot sur ce qu'il a fait à sa fille et sur le fait qu'il mérite sa punition.
Les questions essentielles qui auraient dû être posées, n'ont pas été posées. Pourquoi, alors qu'un signalement arrive d'Europol en 2019, une perquisition est-elle seulement menée en 2020? Pourquoi l’homme vit-il toujours avec sa fille et pourquoi a-t-il pu continuer à avoir des contacts avec des mineurs? Quels types de réseaux pédocriminels existent dans ce pays et sommes-nous bien préparés pour réagir à cela?
*L'auteur a fait appel du jugement de première instance.
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