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Le Luxembourg va réformer son système des retraites, c'est une certitude. S'il est impossible de dire dans quelle mesure, et qui devra faire le plus d'effort, la question de demander ou non un effort aux retraités va finir par se poser.
Travailler plus longtemps ? Repousser la retraite anticipée ? Obliger tout le monde à cotiser davantage chaque mois ? Trouver de nouvelles taxes ?
Les derniers mois ont été riches en propositions pour réformer le système des retraites au Luxembourg. Des pistes explorées par le gouvernement, le patronat ou les syndicats, avec une ligne rouge tracée par la coalition dirigée par Luc Frieden : ne pas toucher aux retraités actuels.
Une "confiance" que le Premier ministre disait vouloir protéger avec cette partie de la population, quitte à se fâcher avec les travailleurs. Qui ont bien fait savoir leur désaccord lors de la manifestation sociale du 28 juin.
Taxer les retraités ? Une idée discrètement mesurée

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Pourtant, parmi les nombreuses options et solutions étudiées, l'une d'elles a été discrètement évaluée par l'IGSS : taxer les retraités.
À la demande du CSV, l'IGSS a calculé l'effet d'une contribution de 1% sur les retraites, qui sont épargnées de cotisations "assurance pension" puisqu'elles celles-ci ont été versées durant la carrière de travail.
Une telle taxe apporterait à la CNAP 105 millions d'euros en 2030 et plus de 310 millions en 2050. Une contribution un peu légère en comparaison des 6,8 milliards dépensés pour payer les retraites en 2024. Mais qui aurait le mérite de participer à l'effort commun.
Le système n'est plus adapté à la situation du Luxembourg
À cette heure, le système de répartition luxembourgeois est simple : les travailleurs (ainsi que leurs employeurs et l'État) cotisent pour assurer le paiement des pensions. Un système pensé au siècle dernier, lorsque les retraités vivaient moins longtemps et étaient peu nombreux par rapport aux travailleurs. Tout l'inverse du Luxembourg du XXIe siècle :
- l'espérance de vie à la retraite est de 26 ans (estimation de l'IGSS pour un départ à 57 ans, ndlr),
- le nombre de retraités augmente beaucoup plus vite que celui des travailleurs. Entre 2005 et 2024, le nombre de retraités a augmenté de 88%, contre "seulement" 70% pour le nombre de travailleurs.
Pour tenir jusqu'ici, le Luxembourg a pu compter sur son marché du travail, qui a recruté à tour de bras pendant des décennies. L'afflux massif de main-d'œuvre (et donc de cotisations) a suffi à compenser les nombreux départs en retraite, mais le système est en bout de course. À force d'accélérer, le Luxembourg doit reconnaître qu'il ne recrutera jamais assez pour compenser les futurs départs en retraite. Ceux des travailleurs arrivés au cours des trente dernières années.
Le Luxembourg comptera-t-il plus de retraités que de travailleurs ?
En 2024, le Luxembourg comptait 45 retraités pour 100 travailleurs. D'après l'IGSS, à ce rythme, il y aura 50 retraités pour 100 travailleurs en 2030, puis 77 retraités pour 100 travailleurs en 2050... et 112 retraités pour 100 travailleurs en 2070 !
Des prévisions démographiques à prendre avec des pincettes évidemment, mais qui remettent en question la nature même du système luxembourgeois : recruter toujours plus et compter sur l'emploi pour financer les retraites est une fuite en avant.
Combien d'années de cotisations faudra-t-il imposer aux travailleurs pour garder le système à l'équilibre ? Quel taux de cotisation sera nécessaire ? Quelle autre taxe aura l'ampleur suffisante pour que les recettes suivent les dépenses. Une chose est certaine, les travailleurs ne pourront pas financer éternellement les pensions des retraités.
Politiquement, il va devenir de plus en plus difficile pour le gouvernement de ne demander aucun effort aux bénéficiaires du système alors que l'autre moitié risque de subir de plein fouet la réforme ? L'IGSS a d'ailleurs mesuré que la "piste" du gouvernement, à savoir travailler cinq ans de plus, ne suffira pas à financer les retraites ! Seul un ensemble de plusieurs mesures permettra de financer les retraites du Luxembourg. Impliquer les retraités aura au moins le mérite de répartir l'effort sur l'ensemble de la population qui dépend de la sécurité sociale luxembourgeoise.
À défaut d'appliquer une contribution sur les retraites (même de 1%, comme l'a imaginé le CSV), le gouvernement a un autre axe de manœuvre : le calcul de la pension, constitué d'une part fixe (forfaitaire) et d'une part variable (proportionnelle, influencée par le salaire). Une bonne adaptation permettrait de protéger les petites retraites (toujours inférieures au seuil de pauvreté) et de faire participer les mieux lotis à la hauteur de leurs moyens. Sur cette question épineuse, les discussions de septembre permettront de constater si le gouvernement est prêt à faire des choix difficiles.