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Le débat sur la réforme des retraites se poursuivra jusqu'à l'été, avec un bilan attendu début juillet et des discussions espérées avec les partenaires sociaux quelques jours plus tard. L'occasion de se questionner sur quatre options jusqu'ici peu évoquées.
Certains débats sont plus difficiles que d'autres à mener. Celui sur la réforme des retraites en est le parfait exemple. Lancé en octobre 2024, et toujours en cours ce début juin, il a montré des divisions profondes sur le futur des retraites au Luxembourg.
Alors que le système semble promis à un déficit chronique dès 2026, les solutions pour l'équilibrer de manière "durable" sont jusqu'ici variées et surtout contraires. Tour d'horizon de questions qui méritent d'être réétudiées.
1/ Rallonger les carrières ou augmenter les cotisations : et si on (re)posait la question aux travailleurs ?
Compte tenu du caractère hautement impopulaire de la réforme des retraites, on peut comprendre que le gouvernement ait eu assez d'une consultation directe.
Pourtant, s'il y a une question à (re)poser aux citoyens, c'est bien celle de leur avenir professionnel.
Le débat public devait servir de grande consultation sur le sujet, mais il était ouvert à toutes les contributions et globalement brouillon pour les citoyens. À défaut d'avoir un système de consultation comme en Suisse, rien n'empêche le gouvernement d'aller plus loin en proposant plusieurs formules entre lesquelles s'orienter. Au moins dans un souci de pédagogie sur une réforme très technique mais aux effets importants pour des centaines de milliers de travailleurs.
Puisque le système doit être financé, il n'y a rien d'aberrant à demander aux premiers concernés par quels moyens ils souhaitent y arriver maintenant que plusieurs pistes ont été évoquées. En prolongeant leur carrière au-delà de 40 années de travail, comme le gouvernement le souhaite ? En cotisant d'avantage chaque mois pour maintenir le système à flot, comme le suggèrent les syndicats ? En trouvant un compromis entre les deux ? Ou en cherchant d'autres sources de financements ?
2/ Pourquoi les retraités ne sont pas mis à contribution ?
Les projections effectuées par l'Inspection générale de la Sécurité sociale anticipent une hausse fulgurante du nombre de retraités : au nombre de 225.000 en 2024, ils pourraient être plus de 507.000 en 2050. Alors que la population active passerait "seulement" de 504.000 à 661.000.
Mathématiquement, les dépenses vont donc augmenter beaucoup plus vite que les recettes générées par les cotisations (qui sont d'ailleurs visibles sur votre fiche de paie chaque mois).
Or, le système de retraite luxembourgeois est basé sur le principe de répartition : les travailleurs actuels cotisent pour les pensionnés actuels. Et non pas pour eux-mêmes.

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Pour protéger ce principe, le gouvernement souhaite donc prolonger les carrières des travailleurs afin de financer plus facilement les retraites versées chaque mois par l'État. Et se refuse à demander un effort supplémentaire aux retraités actuels, préférant le reporter sur les prochains. Mais la démographie va mettre en péril ce système.
Se pose alors une question : pourquoi ne pas envisager une contribution chez les retraités. Ils ont certes cotisé toute leur vie professionnelle pour financer la pension de leurs ainés, mais avec l'augmentation de leur nombre, ils pourraient participer au système et limiter la casse chez les travailleurs, auxquels on promet une carrière étendue à 45 ans. Le gouvernement pourrait, par exemple, créer une contribution progressive qui épargnerait les petites retraites mais impliquerait les plus confortables.
Le CSV en a probablement conscience puisqu'il a demandé à l'IGSS d'estimer le potentiel d'une contribution de 1% sur les pensions. Seule, la mesure ne provoque pas de miracle. Mais sur le principe, elle peut permettre de partager l'effort et d'aider à construire une réforme qui repose surtout sur les actifs.
3/ Trouver d'autres sources de financement
Le système de répartition va-t-il supporter la trajectoire démographique du Luxembourg ? Comme vu plus haut, le nombre de retraités va augmenter (beaucoup) plus vite que celui des travailleurs. L'argent nécessaire pour payer les pensions devra donc être trouvé ailleurs que dans le travail.
Les prévisions de l'IGSS montrent d'ailleurs que même dans le cas d'une cotisation portée à 33% (contre 24% actuellement), le système finira dans la rouge (certes deux décennies plus tard, mais dans le rouge tout de même). Même le très contesté déplafonnement des cotisations sans hausse de retraite ne suffirait pas à équilibrer les comptes.

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Luc Frieden a lui esquissé la possibilité d'utiliser une partie des recettes de la taxe CO2. Provoquant l'incompréhension chez une partie de la classe politique. Les Verts ont avancé l'option "taxer le capital" tandis que les Pirates imaginaient un temps une "taxe robots", sans plus de succès.
Le principe a au moins le mérite d'être évoqué. Car les carrières ne pourront pas être prolongées indéfiniment. Pas plus que les cotisations (que les patrons souhaitent maintenir au niveau actuel). Le Luxembourg a pu compter sur son économie et sa démographie pour faire tourner le système jusqu'ici, mais pourra-t-il vraiment compter uniquement sur le travail pour le faire durer ? Le doute est aujourd'hui permis.
4/ Pourquoi le coût de fonctionnement de la CNAP n'est pas exclu du financement ?

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Une mesure technique mais symbolique dans le débat : aujourd'hui, le coût de la Caisse Nationale d'Assurance Pension est supporté par les cotisations des travailleurs. Les dépenses pour ses fonctionnaires pourraient être reprises dans les comptes de l'État.
Selon le dernier rapport de l'IGSS pour le débat des retraites, la mesure n'aurait qu'un effet très limité sur les dépenses. Pour dire vrai, elle ne changerait rien à la nécessité de réformer. Mais elle aurait le mérite d'être symbolique et de montrer que l'État est prêt à prendre à son compte cet effort financier, qu'il ne devrait pas déléguer aux travailleurs.