
La Province de Luxembourg s’est réveillée un peu groggy ce mercredi matin à l’idée de voir disparaître dans les prochains mois le Cora de Messancy, enseigne incontournable de la région, établie depuis plus de 50 ans dans cette petite commune de moins de 10.000 habitants, à quelques kilomètres des frontières française et luxembourgeoise.
La nouvelle était pourtant dans l’air depuis des mois. Signe avant-coureur des difficultés rencontrées par cet hypermarché, le Lunch Garden, qui servait presque de porte d’entrée à l’un des côtés de l’établissement, avait fermé ses volets il y a quelques semaines du jour au lendemain, laissant quelques salariés sur le carreau et des habitués orphelins d’un lieu de convivialité devenu un repère pour des couples notamment retraités qui aimaient se retrouver autour d’un repas simple.
Ici aussi, la nouvelle de la disparition d’un dinosaure du paysage commercial local a abasourdi une population rompue aux courses hebdomadaires, voire quotidiennes. “On est un peu perdu”, confiait Josiane, retraitée depuis cinq ans et qui avait pris l’habitude de venir à l’ouverture chaque mercredi matin. “J’ai choisi ce jour et cette heure parce qu’on ne croisait pas trop de monde dans les rayons et je n’aime pas me sentir oppressée. Mais je me pose déjà la question de savoir où je vais aller maintenant même si la fermeture n’est pas pour demain.” Cette habitante d’Arlon trouvait confortable de pouvoir se garer facilement sur l’immense parking de l’hypermarché. “Je me plains mais je ne devrais pas. Je suis d’abord triste pour tout le personnel.”
Le constat de tristesse et d’impuissance se lisait aussi sur le visage des édiles locaux. “Ce n’est pas une bonne nouvelle mais ce n’est pas une surprise totale”, commentait le premier échevin de la commune Marc Muller. “On est tous tristes car on connaissait forcément quelqu’un qui y travaillait mais on se sent impuissants d’un point de vue politique.”

Si le Cora de Messancy a incarné une forme de modernité au cœur des années 80, il s’est aussi retrouvé confronté à une concurrence exponentielle dans une région des trois frontières pourtant très fréquentée. La crise du Covid-19 n’a rien arrangé avec un e-commerce qui a tourné à plein régime et qui a converti beaucoup de sceptiques.
L’annonce de la disparition de l’enseigne messancéenne, l’une des sept concernées au pays, a forcément ému une partie du personnel. “Ça fait 25 ans que je suis là”, déclarait Audrey Weber, déléguée syndicale, à nos confrères de TV Lux. “C’est une famille ici. Ça reste un choc même si on est informé depuis plusieurs mois que la direction était en quête d’un repreneur.”
Les salariés entreront prochainement dans une procédure de licenciement collectif, appelée “Loi Renault”. Cette dernière impose des contraintes et des obligations aux entreprises. Ça concerne 150 postes dont la moitié sont occupés par des travailleurs frontaliers français. Et ça signifie aussi que la méthode devrait être la moins brutale possible. Les syndicats aimeraient ajouter aux indemnités de licenciements un bonus qu’ils vont âprement négocier ces prochaines semaines. Un accompagnement de l’ONEM (office national de l’emploi) est prévu ainsi qu’une assistance psychologique si nécessaire ainsi que des formations.
Il reste à voir ce que vont devenir les commerces des galeries, que l’on n’imagine pas pouvoir survivre sans leur poumon appelé à disparaître. La question se pose aussi pour les magasins situés aux alentours, dans cette zone commerciale que longe la route reliant Arlon aux frontières voisines.
C’est définitivement une page historique qui va se tourner pour cet hypermarché inauguré en 1974 par Claude François. Et aujourd’hui, ce n’est pas le téléphone qui pleure mais 150 salariés ainsi qu’une soixantaine d’intérimaires.
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