
“La gare vers le Luxembourg? Ça nous appauvrit. Ça attire les frontaliers, du coup les propriétaires ne sont pas bêtes, ils augmentent les loyers...” constate Adel. On rencontre ce Uckangeois devant un café de la rue de la Gare. Se voit-il quitter la commune ? “Ça fait 40 ans que j’habite ici avec ma famille. Et je travaille à Woippy. Où pourrais-je aller ?” nous répond-t-il. Il déplore aussi la transformation de sa ville en “parking pour frontaliers” :"On est dans une petite ville de 6.000 habitants, mais en on a l’impression qu’on est 15.000”.
Chaque matin, la Ville d’Uckange est littéralement envahie par les véhicules des frontaliers qui prennent le train vers le Luxembourg. Ils viennent d’Hagondange, Mondelange, Thionville et même Metz, rapporte le Républicain Lorrain. Dès l’aube, des frontaliers investissent les 350 places du parking payant, et les 300 places du parking gratuit... Et les autres ? Ils usent et abusent des places de stationnement de la ville, en particulier des zones bleues pourtant limitées à 4h de stationnement, avant de rallier la gare SNCF à pied ou en trottinette.
“Les frontaliers n’en ont rien à cirer des zones bleues” résume Sheila, la serveuse d’un café située rue de la Gare. “Lorsque j’arrive à 7h, ils sont déjà là, sur les emplacements devant le café. On a beau expliquer que c’est le stationnement des clients, ils n’écoutent pas. On perd des clients à cause de ça! Donc on réfléchit à accrocher cette plaque”, nous dit-elle, en nous montrant un écriteau “Réservé aux clients”.
Sheila, qui loue un appartement non loin du café, déplore que la gare et le parking “dérèglent tout”, y compris le marché immobilier: “Mon proprio a augmenté de 100 euros le loyer, en me faisant comprendre que c’est soit ça, soit je pars, de toute façon il trouvera d’autres locataires”. Elle soupire : “C’est dommage, c’était un bon petit village”.
La mairie d’Uckange a pourtant décidé de sévir. Elle a embauché en contrat de longue durée une agente municipale spécialisée, qui dresse chaque jour en moyenne 50 à 80 PV à 35 euros. Mais visiblement, ça ne décourage pas les propriétaires de ces “voitures ventouses” : “J’ai des clients qui me dise, «je m’en fiche, j’ai les moyens de payer les contraventions»” rapporte Sheila. Le Républicain Lorrain a d’ailleurs calculé qu’”avec 300 voitures mal garées pour 80 PV par jour, chaque automobiliste fautif aura en moyenne un PV à 35 € tous les quatre jours, l’équivalent d’un parking à 10 € par jour…” Nous avons sollicité Gérard Leonardi, le maire d’Uckange, pour faire le point sur ce nouveau dispositif, mais il n’a pas souhaité s’exprimer.
On quitte le café pour se rendre chez un barbier voisin. Le stationnement à Uckange? “Catastrophique, explique le gérant. C’est blindé tout le temps, jamais de place. ll faudrait trouver le moyen de réserver des places à la clientèle des commerces.” Il a aussi remarqué le manège de certains frontaliers : “Certains font appel à des amis pour tourner le disque dans leur voiture, comme ça ils peuvent rester toute la journée sans PV”.
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Dans la rue, on croise Antoine, un retraité originaire des Pyrénées, qui est arrivé ici il y a 2 ans pour se rapprocher de sa famille. “Moi je ne suis pas à plaindre. Je suis bien ici, on est dans les nouveaux pavillons, j’ai un parking privé, je n’ai pas de problème pour me garer.” Bavard, il parle même gros sous : “J’ai payé 325.000 euros pour un appartement de 93m2, avec en plus une grande terrasse de 40m2 et 3 emplacements de parking. Mais oui, c’est pas donné”.
On arrive à la gare, là où se massent tous les jours les frontaliers partant au Luxembourg. On y croise André, un autre retraité, qui se désole des stationnements sauvages autour de chez lui: “Regardez là-bas (NDLR : sur la rue Neuve), les gens se garent sur le trottoir, des deux côtés, partout! Ça fait des années que c’est la galère. On ne peut plus se garer devant chez soi. Si je quitte ma place de stationnement à 7h pour aller faire une course, vous pouvez être sûr qu’elle sera prise quand je serai de retour.”
Devant un garage situé rue de l’Eglise, on papote avec le garagiste qui dit, pour sa part, que les choses pourraient être pires :"Avec les contraventions, ça a quand même calmé une partie des frontaliers. Nous, ca va, on s’organise, par exemple si nos clients laissent leur voiture devant le garage, on va tourner leur disque pour qu’ils n’aient pas de contravention.”

Il nous montre cependant une Mini stationnée à côté de son garage. Une feuille a été glissée sur son pare-brise : “Lui, il en est déjà à sa 5e contravention. Donc maintenant, c’est direction la fourrière.”