
© Raphaël Ferber / RTL Infos
Quatre mois après son arrivée, le chef Fabrice Salvador a présenté ses plats phares marquant la véritable rentrée des Jardins d’Anaïs à Clausen. L’occasion de dévoiler aussi sa nouvelle équipe et de s’exprimer sur les défis économiques qui pèsent aujourd’hui sur la gastronomie.
"C’est la fin des vendanges, c’est donc le moment idéal pour lancer la rentrée du restaurant!", lance Annabelle Soutiran, propriétaire des Jardins d'Anaïs avec son mari. Champenois, ils associent naturellement leur propre vin à l’expérience culinaire.
Pour Fabrice Salvador, arrivé en mai dernier, ces premiers mois ont notamment été consacrés à la mise en place d’une équipe solide. "Ça a été par palier. Déjà, il fallait trouver des personnes avec qui travailler, qui avaient envie d’apprendre et de progresser ", explique-t-il. Sa méthode de travail se veut "atypique" : "Je n’aime pas trop préparer des choses à l’avance, j’improvise souvent. Dans une petite équipe, quand les gens ont peu l’habitude de s’adapter vite, ça peut être compliqué."
Un second de cuisine et une nouvelle pâtissière
Le chef revendique une approche de l’instant : "J’essaie de les habituer aux changements de dernière minute, à réaliser un plat sur le fil sur une demande d’un client."
L’un des jalons de cette rentrée est l’arrivée d’un second : le Roumain Andrei Dudu, ancien candidat de Top Chef Roumanie, passé par la Maison du Grand-Duc et co-propriétaire de l’Aal Schoul. Autre renfort : une pâtissière récemment arrivée de la maison Heler à Metz. "Actuellement, on a trouvé la fondation de l’équipe. Mais des adaptations sont encore possibles", souligne Salvador.
"Il faut aussi définir l’expérience qu’on veut offrir aux clients et bien la faire assimiler à l’équipe", poursuit le chef. Cela passe par une cuisine guidée, comme souvent, par le produit : "Travailler au maximum les produits de saison reste essentiel, même si travailler comme ça devient hyper compliqué surtout lors des intersaisons. On est à la fin de l’été et au début de l’automne. C’est notre rôle aussi d’expliquer aux clients que l’on cuisine avec ce qu’on a à disposition."
Le repas a d’ailleurs été ponctué d'une surprise: un cèpe bronzé – "le graal du champignon" – servi en amuse-bouche, comme un clin d’œil à la saison qui commence.
Pluma, poisson sauce miso, cueillette, gambas: les incontournables
Le chef propose plusieurs formules : un menu végétarien (adaptable en version végétalienne) et un grand menu décliné en deux versions. "La version moderne (ndlr: comme celle servie ce jour-là) et une version classique avec des goûts plus simples, plus axés sur le produit. Les différences se jouent notamment sur les sauces et sur les cuissons."
Certaines créations de l'ancien directeur de la gastronomie de l'hôtel Le Place d'Armes sont devenues incontournables : "La pluma, le poisson avec la sauce miso, la gambas grillée et “la cueillette”, que je réalise depuis 2004", rappelle Salvador. Les cuisses de grenouilles devraient également apparaître prochainement à la carte. "La difficulté, c’est de varier les plats de la carte tout en conservant des plats phares. Des fois, le même plat ne va pas se vendre à la carte et va cartonner dans le menu, il y a des choses qui sont difficilement explicables…"
Le déjeuner a permis de goûter à ses plats phares : la cueillette de légumes et ses herbes de saison ("90% des herbes sont cultivées sur place" souligne Annabelle Soutiran): une assiette végétale et l’un des plats les plus marquants de la dégustation; le carabinero jimbaran et une salade de papaye verte relevé par un trait de citron vert et accordé à un Pinot Blanc Golberg Grand Premier Cru 2023: un mariage particulièrement juste.
Toujours désireux de surprendre, le chef a réservé une petite touche asiatique à son plat de poisson - le turbot, palourdes et sa sauce miso - et pas mal d'audace dans son plat terre et mer, où la pluma bellota joselito se déguste avec une émulsion à l'huître. Le final a été très légèrement acidulé avec un baba, pamplemousse, framboises et poivre de Sichuan.
"Je privilégie le rapport qualité/prix" nous répond Fabrice Salvador, quand on évoque la flambée des prix des matières premières. "Pour l’instant, je peux encore proposer un menu à 90 € en 4 services, un autre à 125 € avec des produits plus onéreux comme le Carabinero", précise-t-il. Mais le chef souligne la fragilité de l’équilibre : "Si on était trois personnes de plus en cuisine, on devrait augmenter les prix de 30 %. Ma priorité, ce sont les goûts, les cuissons, les assaisonnements."
Le constat est clair : "La hausse des prix, en ce qui concerne les produits de grand luxe, n’a pas énormément monté. Ce qui a énormément augmenté, ce sont des produits comme le maquereau, le cabillaud, le lieu… Maintenant, ça coûte le double. Les prix se rapprochent de ceux du turbot ou du bar. Le végétal a énormément augmenté aussi. Dans les années 2000, on ne comptait pas les végétaux qu’on achetait."
Ancien chef étoilé de La Cristallerie (le restaurant gastronomique de l'hôtel Le Place d'Armes), Fabrice Salvador prend désormais ses distances avec les différentes distinctions : "Je n’ai pas d’objectif de positionnement. Chacun doit faire son travail. Les guides, la presse, les blogueurs, ils font leur travail de leur côté. Moi je fais le mieux que je peux. Je me détache de tout ça."
Aux Jardins d'Anaïs, les enjeux à venir sont autres: stabiliser l’équipe, maintenir un certain équilibre économique et "être en progression constante", dixit le chef.