Ce n'est encore qu'un projet, mais il risque de donner des sueurs froides au Grand-Duché et à ses clients frontaliers : la Commission européenne envisage une hausse sévère des prix du tabac, qui pourrait réduire l'écart de prix entre le Luxembourg et ses voisins. Une ambition qui rejoint celle de l'OMS, qui demande de taxer sans pitié le tabac.

En 2024, les fumeurs ont rapporté 1,4 milliard d'euros de recettes à l’État luxembourgeois. C'est colossal, et cela augmente d'années en années. Et même si le budget 2025 prévoit une hausse de 5,5% des accises sur les cigarettes et le tabac à fumer, cela ne devrait pas réussir à décourager les clients... venus pour la grande majorité de l'étranger !  Moins de 5% du tabac vendu au Luxembourg est consommé dans le pays.

Pas étonnant : si un paquet de 25 cigarettes coûte près de 10 euros aux Pays-Bas et de 13 euros en France, le prix des paquets les moins chers au Luxembourg se situe en-dessous des 6 eurosrappelle la Chambre des députés.

Mais comme le révèlent plusieurs médias, la Commission européenne a dans les cartons un projet qui pourrait causer du tort à ce "paradis des fumeurs" qu'est le Luxembourg: une hausse différentiée des taxes sur le tabac dans l'Union Européenne, en fonction du pouvoir d'achat de chaque pays. Le Grand-Duché ayant le pouvoir d'achat plus élevé d'Europe, la facture risque donc d'être salée.

Un scénario à +60% du prix du paquet au Luxembourg

La Commission envisage une augmentation de 258 % de la taxe sur le tabac à rouler et de 139 % sur les cigarettes, selon une étude d'impact obtenue par Politico. Le document présente trois scénarios, mais la Commission privilégierait celui qui prévoit les hausses les plus fortes.

"Dans cette option, la taxe fixe des droits de consommation sur les cigarettes passerait de 90 € à 215 € pour 1.000 unités, tandis que celle sur le tabac à rouler passerait de 60 € à 215 € par kilogramme. Les cigares et cigarillos seraient aussi inclus, avec une augmentation massive de 1 092 %, passant de 12 € à 143 € par kilogramme." Pour le tabac de pipe à eau, connu sous le nom de chicha, la taxe évoquée est inférieure à celle des cigarettes, soit 107 euros par kilo.

Et concrètement, cela changerait quoi au Grand-Duché ? Selon les calculs d'Euractiv, un paquet de cigarettes au Luxembourg, qui a un pouvoir d'achat élevé, augmenterait de 60 % (+ 3,5 €). Dans les pays où le pouvoir d'achat est plus faible, la hausse du prix du paquet serait de + 2 € par paquet en Grèce (+ 50 %) et + 2,60 € en Bulgarie (+ 80 %). L'impact serait bien moins élevé en France ou aux Pays-Bas, qui ont déjà considérablement augmenté leurs taxes.

Si, pour l’heure, aucune proposition concrète de la Commission européenne n’a été faite aux États membres, le ministère des Finances luxembourgeois assure "suivre de près" l’avancée de ce dossier qui menace le si décrié "tourisme du tabac" au Luxembourg.

Rappelons aussi que le Luxembourg est un pays très attractif pour la contrebande de tabac, du fait de ses prix moins élevés mais aussi de la facilité pour se procurer de grandes quantités de tabac. Rappelons pourtant que les règles douanières au sein de l'UE sont strictes. Les quantités maximales à respecter lorsqu'on rapporte du tabac d'un autre État membre sont  :

  • 800 cigarettes (soit 4 cartouches)
  • ou 400 cigarillos (cigares d’un poids maximal de 3 grammes par pièce)
  • ou 200 cigares
  • ou 1 kg de tabac à fumer.

Augmenter les prix pour décourager le tabagisme, ça marche!

Le document souligne que la fiscalité sur le tabac est "la mesure la plus efficace pour réduire la consommation de tabac", qui tue chaque année prématurément 700.000 citoyens de l’UE. Au Luxembourg, ce fléau est responsable de 500 à 600 décès par an.

Ce document révèle que aussi 40 % du recul du tabagisme dans l’UE au cours de la dernière décennie est attribuable à ces politiques fiscales de fortes hausses.

Justement, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a lancé mardi une nouvelle initiative encourageant ses États membres à "augmenter les prix réels du tabac, de l'alcool et des boissons sucrées d'au moins 50% d'ici 2035". Le but : "réduire les maladies chroniques et générer des revenus essentiels pour les caisses publiques".