Même s’il s’agit de leur toute dernière semaine de cours, en cette fin février, les étudiants se pressent, à 14H00 précises, en leçon de marketing opérationnel dans les locaux vitrés de l’Institut d’administration des entreprises (IAE) de la cité lorraine.
Leur intervenante, franco-ukrainienne, leur parle majoritairement dans la langue de Molière: si au premier semestre, les cours sont presque entièrement en ukrainien, en fin d’année scolaire et après quatre heures quotidiennes de cours de français langue étrangère (FLE), les étudiants doivent maîtriser la langue, y compris dans des cours techniques.
Pour obtenir leur diplôme, de niveau licence, après six mois de cours et entre trois et six mois de stage, ils doivent aussi valider un niveau B2 de français. “On a des étudiants qui font les meilleurs scores” à ce test, se félicite Violeta Moskalu, la responsable pédagogique du cursus. “Donc on montre que l’on peut apprendre le français en 10 mois.”
Le recul des précédentes promotions permet de tirer un bilan “extrêmement positif” selon Julien Husson, directeur de l’IAE. Certains diplômés ont poursuivi leurs études en Master, d’autres ont trouvé un emploi en contrat à durée indéterminée (CDI) ou sont retournés en Ukraine.
La première promotion s’est créée très vite en 2022. Mme Moskalu a appelé à faire quelque chose pour accueillir des étudiants, retrace M. Husson, et “les planètes se sont alignées” avec un soutien de l’université de Lorraine qui a “accéléré tous les processus compte tenu de l’enjeu”, et des collectivités pour les financements.
Cette année, sur 29 élèves, seuls cinq garçons peuvent suivre les cours: il est presque impossible pour un homme de plus de 18 ans de quitter l’Ukraine, en raison de la mobilisation mise en place après l’invasion russe. Les étudiants ont déjà effectué deux ans d’études supérieures en Ukraine, et viennent valider leur dernière année de licence en France, via ce diplôme universitaire.
D’autres étaient déjà diplômés en Ukraine et travaillaient, mais ont besoin de ce diplôme français pour retrouver un poste plus ou moins équivalent. Le programme est “unique” en France, explique Violeta Moskalu, et il constituera une aubaine pour les “projets franco-ukrainiens”.
“Il va y avoir beaucoup de travail pour la reconstruction (de l’Ukraine) quand la guerre va s’arrêter”, note Mme Moskalu. Et les entreprises européennes qui y participeront auront besoin d’Ukrainiens francophones.
Le cursus, et son financement, avaient été pensés pour une durée de trois ans. Mais “la situation géopolitique et sociale ne s’est pas améliorée”, observe M. Husson. L’objectif est donc de poursuivre, avec une nouvelle rentrée espérée en octobre.
Khrystyna Romanyshyn, 20 ans, étudiait les relations internationales à l’université de Tchernivtsi, partenaire de l’université de Lorraine, et apprenait déjà le français dans son pays. En France, elle apprécie les bibliothèques universitaires et les “opportunités” qui s’ouvrent à elle. Mais elle ne veut surtout pas oublier sa culture, qu’elle promeut en donnant des spectacles où elle chante des mélodies ukrainiennes.
“Ils deviennent des ambassadeurs de l’Ukraine en France et en Europe” et seront ensuite “des ambassadeurs de la francophonie en Ukraine”, estime Violeta Moskalu. Tetiana Pohorena, à Metz depuis trois ans, a obtenu son DU franco-ukrainien puis un master en management et business administration (MAE). Elle a ensuite choisi de travailler pour l’association messine Echanges Lorraine Ukraine, où elle est responsable d’une boutique solidaire, Kvitka (fleur en ukrainien) ouverte au centre-ville de Metz, dont les bénéfices sont reversés à son pays.
“L’Ukraine est un pays incroyable et incroyablement riche culturellement. Mon objectif est de partager avec la France, les Français et avec le monde entier notre culture”, sourit-elle. “Je dois faire quelque chose, ce que je peux, pour aider l’Ukraine.”
Sofiia Polianska, 19 ans, dit elle sa “chance” d’avoir été admise dans ce programme et sa joie à “la perspective de travailler ici en Europe et peut-être contribuer à un développement de l’Ukraine” plus tard et même travailler, à terme, en faveur de “l’écologie mondiale”.