Devant les travaux qui progressent, Auguste Colantonio observe, incrédule. Sa maison, installée juste à la frontière depuis trente ans semble désormais encerclée par un projet dont il n’avait pas eu vent. Le terrain vague de l’ancienne douane luxembourgeoise, situé sur la commune de Rodange, se transforme en centre d’accueil pour demandeurs de protection internationale. À moins de dix mètres de chez lui, trois étages vont s’élever, sans que personne, côté français, n’ait été consulté.
“Ils ont essayé de grignoter sur les terrains de la commune de Longlaville et sur mon terrain. Ils sont venus une première fois avec un architecte, accompagnés des employés de la commune luxembourgeoise”, raconte l’homme qui dit ne pas avoir été informé par les autorités. “Ils auraient pris un mètre de mon terrain si je n’avais pas été attentif.”
Derrière sa colère, une inquiétude plus large: celle de la dévaluation de son bien, mais aussi de l’impact direct des travaux sur sa maison. “Avec leurs engins, tout tremble. Ils ont envoyé un expert pour constater les dégâts potentiels, ils ont pris des photos à l’intérieur. Là-dessus, au moins, ils ont été professionnels”, concède-t-il.
Le maire de Longlaville ne cache pas lui aussi sa frustration. Car sa commune n’a jamais été officiellement informée. “Ce n’est pas anodin, un bâtiment à la frontière, surtout pour une structure d’accueil. Et personne ne nous a contactés”, déplore Hamdi Toudma. Il dit avoir appris l’existence du chantier par ses administrés, avant de se rapprocher de la sous-préfète de Meurthe-et-Moselle. Elle non plus n’aurait pas été mise au courant.
“On essaye depuis des années de revaloriser l’image de cette frontière. Ce n’est pas le plus bel endroit du territoire avec ses stations essence et ses bâtiments vieillissants. Ce qu’on défend, ce sont des projets partagés, une coordination, un dialogue. Là, rien.” peste l’élu.
Sollicité, le ministère luxembourgeois de la Famille, des Solidarités, du Vivre ensemble et de l’Accueil confirme les faits : “Une structure d’hébergement pour demandeurs de protection internationale est en train d’être construite route de Longwy à Rodange, dans le cadre d’un projet commun de l’Office national de l’accueil (ONA) et de la commune de Pétange.”
Le bâtiment doit répondre à un besoin croissant d’accueil sur le territoire national. Le site a été choisi pour sa disponibilité foncière et sa proximité avec les infrastructures existantes.
Mais si la décision s’inscrit dans une logique d’intérêt général pour le Luxembourg, elle réveille des crispations côté français. Plus que le projet en lui-même, c’est la méthode qui interroge. “On a toujours fait en sorte d’informer la Belgique et le Luxembourg lors d’opération de ce type”, déplore le maire. En attendant, aucune date d’ouverture n’est précisée, et le nombre de personnes qui seront accueillies n’est pas connu pour l’instant.