
En 2024, 3.374 victimes de violences sexuelles dans les transports en commun ont été enregistrées par les services de police et de gendarmerie nationales, soit 6% de plus qu’en 2023, et 86% de plus qu’en 2016, selon une étude publiée lundi par l’Observatoire de la mission interministérielle pour la protection des femmes (Miprof).
Ces chiffres correspondent à la hausse du nombre de victimes enregistrées pour des violences sexuelles, tous lieux confondus, avec 122.600 crimes et délits enregistrés en 2024 (+7%).
Les femmes restent les principales cibles dans les transports: elles représentent 91% des victimes, selon l’enquête du service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) citée par l’Observatoire. Trois quarts d’entre elles (75%) ont moins de 30 ans, 36% sont mineures. La quasi-totalité des mis en cause (99%) sont des hommes.
“Si la plupart des violences faites aux femmes sont commises par des membres de leur entourage proche, il n’en demeure pas moins que l’espace public, et tout particulièrement les réseaux de transports en commun, reste un lieu où les femmes s’exposent aux violences sexistes et sexuelles dès lors qu’elles l’investissent”, relève la secrétaire générale de la Miprof, Roxana Maracineanu.
A Paris et en région Ile-de-France, une enquête menée par la RATP montre que sept femmes sur 10 ont été victimes de ce type de violences dans les transports franciliens au cours de leur vie.

Plus de la moitié (56%) des femmes interrogées déclarent ne pas se sentir rassurées dans les espaces du réseau ferré francilien et 80% confient rester en alerte, selon cette étude du cabinet ENOV relayée par la Miprof.
“Qu’une femme ou une fille modifie ses horaires ou ses trajets par peur d’être agressée doit nous interroger sur la liberté d’accès de toutes les citoyennes au service public des transports”, estime Mme Maracineanu.
En l’espace de dix ans, la réaction des témoins a évolué avec une plus grande intervention : 23% des victimes déclarent ainsi avoir été aidées par une tierce personne, contre 10% en 2016.
Du côté des victimes, 74% en ont parlé à des proches, 16% à un professionnel de santé, et 16% aux forces de l’ordre.
Toutefois, seulement 7% ont déposé plainte. En 2016, elles n’étaient que 2%.
Face à l’ampleur du phénomène, certains opérateurs ont mis en place des dispositifs visant à renforcer la sécurité des femmes sur leur réseau, à l’image de descentes à la demande dans les bus.
Les dispositifs déployés - comme les numéros d’assistance (3117 et 31177) et les bornes d’appel sur les quais - sont connus de la majorité des utilisateurs du réseau francilien mais restent peu utilisés: 12% seulement déclarent y avoir déjà eu recours.
Environ 900 alertes ont été reçues en 2024 par ces numéros d’assistance pour des violences sexistes et sexuelles, soit 4% du total des alertes, qui concernent plutôt des faits de sûreté.
Les agents des stations et les agents de sécurité de la RATP sont formés pour assurer un soutien adapté aux victimes, et le déploiement de cette formation auprès des 16.000 agents du réseau de surface est en cours, précise la RATP.
Cette étape est sensible. “La personne qui prend en charge doit être en capacité d’écoute, ne pas la brusquer à aller porter plainte par exemple, tout en restant à sa place selon ses compétences professionnelles”, indique dans l’étude la chercheuse en urbanisme Manon Marguerit, qui a réalisé une thèse à la RATP sur la prévention et la lutte contre les violences sexuelles et de genre.
“La prise en charge nécessite donc d’instaurer avec la victime une relation d’écoute, de soin et d’empathie (...) Pour la RATP, comme les agents sont directement en station et donc spatialement proches du lieu de l’agression, ils et elles peuvent constituer un premier maillon dans la relation de soin avec une victime. Or un tel travail intensifie leurs tâches quotidiennes et dépasse largement leur rôle”, souligne Manon Marguerit.