
La loi révisée du bail à loyer est entrée en vigueur le 1er août dernier et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elle est loin de faire l'unanimité. Georges Krieger, président de l'Union des propriétaires, estime que les législateurs ont "jeté de l'huile sur le feu".
Cela faisait des années que le gouvernement luxembourgeois promettait de réformer la loi sur le bail à loyer. C'est désormais chose faite, sous la nouvelle coalition CSV-DP. La Chambre des députés a adopté au mois de juillet la nouvelle mouture de la loi qui est entrée en vigueur au début du mois d'août.
Une réforme qui apporte plusieurs changements dont le partage des frais d'agence, une nouvelle limite légale pour la garantie locative, l'abandon de la notion de logement de luxe, l'encadrement légal de la colocation, une nouvelle règlementation en termes d'adaptation de loyer ou encore l'obligation de mettre par écrit tous les contrats de bail.
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Des mesures qui semblent aller dans le sens des locataires mais qui n'auront qu'un impact très limité d'après Georges Krieger, avocat à la Cour et président de l'Union des propriétaires. "La loi ne va pas changer grand chose", a-t-il affirmé dans l'émission "La Bulle Immo". Cette nouvelle version de la loi pourrait même venir compliquer les choses, d'après lui.
Il prend l'exemple du partage des frais d'agence: "On partage un gâteau mais personne n'a déterminé la taille de ce gâteau. Il est de coutume au Luxembourg de demander un loyer (+TVA) mais si toutes les agences disent maintenant que la commission est de 5.000 euros, il en sera ainsi."
"La montagne a accouché d'une souris"
Un point de vue partagé par Michel-Edouard Ruben, auteur de plusieurs ouvrages sur la question du logement et connu dans les médias pour son affaire en justice qui lui a valu le surnom de "locataire du Limpertsberg". "Il y a de quoi être déçu", a-t-il déclaré. "On dit couramment que la montagne a accouché d'une souris mais en réalité je suis d'avis que la montagne a fait une fausse couche."
Et les critiques ne s'arrêtent pas là. Georges Krieger s'attaque notamment à l'obligation de mettre les contrats de bail par écrit. L'avocat explique que près d'un quart des contrats établis jusqu'à maintenant l'étaient à l'oral. Il évoque les arrangements trouvés en famille, entre un parent et son enfant par exemple, pour la location d'un appartement. "La loi dit, ces contrats sont nuls, mais je rêve", s'exclame-t-il. L'avocat n'hésite pas à affirmer que les "fonctionnaires" qui ont rédigé cette loi "ne savent pas ce qu'ils ont écrit".
Une vision partagée par Michel-Edouard Ruben qui parle "de mesurettes" qui vont forcément "poser problème". Il prend, pour sa part, l'exemple du coliving. Un principe de cohabitation qui "implique un turnover important" et qui pourrait mettre les propriétaires en difficulté. "Imaginez la situation du propriétaire qui va potentiellement devoir payer une agence tous les six à neuf mois", souligne-t-il.
"C'est grotesque", réagit le président de l'Union des propriétaires en faisant référence au cadre qui a été défini pour la colocation au Luxembourg. "Au ministère, on a dit 'on va regarder ce qu'ont fait les Belges' mais les Belges, eux, ont changé leur loi parce qu'elle était complètement impraticable. (...) on a trop copié et pas assez réfléchi", martèle-t-il.
Georges Krieger estime que cette nouvelle loi a "surtout créé un climat de méfiance". Une situation qui n'existait pas auparavant, selon lui. "Avec cette nouvelle loi, on a versé de l'huile sur le feu", n'hésite-t-il pas à ajouter. "La situation de tranquillité qu'on connaissait depuis 2006 a été perturbée", insiste-t-il. Pour sa part, Michel-Edouard Ruben doute que cette loi change fondamentalement la manière dont fonctionne le marché de la location.
Le plafond légal du loyer "jamais appliqué"?

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"Il y a de grandes chances que les règles ne soient pas respectées, comme cela a été le cas auparavant", note-t-il. M. Ruben fait référence à la fameuse règle du capital investi qui a été au centre de toutes les attentions l'année dernière. Il n'est d'ailleurs pas le premier à affirmer que cette portion de la loi "n'a jamais été respectée". Le ministre du Logement, Claude Meisch, l'avait évoqué dans "La Bulle Immo" au mois de mars dernier.
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"Une curiosité luxembourgeoise" qui trouve ses racines dans l'histoire du Luxembourg, raconte Georges Krieger. Une histoire qu'il retrace dans ce nouvel épisode de "La Bulle Immo". Il revient d'ailleurs sur la proposition de l'ex-ministre du Logement, Henri Kox, de baisser le taux de 5 à 3,5% du capital investi. Une proposition qui avait d'ailleurs été écartée. Néanmoins, si cela venait à se réaliser, "il n'y aura plus personne pour construire quelque chose (au Luxembourg)", assure l'avocat.
Résultat des courses: rien n'a changé. Le point le plus sensible de la réforme, à savoir le plafond légal des loyers, a été écarté "temporairement" et ses règles n'ont pas été modifiées. Notamment celle du capital investi. En attendant une nouvelle formule de calcul, Michel-Edouard Ruben ne peut s'empêcher de relever que "quand on veut parler du capital investi, on parle énormément d'autre chose". Cela parce que "ce que cette règle implique, personne ne veut l'assumer".
Et ce que ça implique, "c'est que vous pouvez avoir un logement qui vaut cher avec un loyer extrêmement abordable". Une réalité qui dérange, d'après l'auteur qui "comprend" que l'on soit réticent à appliquer la règle des 5% "mais il faut l'assumer" et agir, d'après lui. "On peut faire beaucoup de choses, on peut libéraliser le marché puis on régule simplement ce qui porte sur la salubrité, la colocation. C'est aussi une façon de faire", conclut-il.
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