
Plus de huit Français sur dix sont en faveur d’une interdiction de la chasse deux jours par semaine dont le dimanche, et l’intégralité des vacances scolaires selon un sondage Ipsos daté de septembre 2022. Mais le sujet divise en France. Chasseurs et promeneurs ont souvent du mal à cohabiter. Aucune loi nationale ne semble possible pour réglementer leurs relations parfois houleuses.
Gautier Berera, adjoint au maire en charge de la transition écologique, de l’environnement et du bien-être animal, a réussi a convaincre les chasseurs de sa commune. Lors du renouvellement des baux de chasse pour les neuf prochaines années, le conseil municipal a profité d’une spécificité du droit local (Alsace-Moselle) qui leur permet d’émettre des conditions particulières. En clair, dans un avenant au bail de chasse, la commune peut interdire certaines zones ou certaines dates.
Audun-le-Tiche, en concertation avec l’adjudicataire représentant une trentaine de chasseurs communaux, a donc décidé d’interdire la chasse les mercredis, jours des enfants, et les dimanches matin.
“La concertation avec les chasseurs s’est bien passée, il n’y a pas eu de levée de boucliers” se félicite Gautier Berera.
Audun-le-Tiche est la première commune de Moselle a avoir franchi le pas, et depuis “d’autres communes nous contactent pour savoir comment procéder” explique l’adjoint au maire en charge de la transition écologique.
Pour Gautier Berera, “cette mesure permettra aussi aux animaux d’avoir des zones refuge.”
Les nouvelles règles seront applicables sur 83 hectares de la forêt des Seize Arpents, qui s’étend sur une centaine hectares entre Audun-le-Tiche et les villes voisines d’Aumetz et d’Ottange. La zone d’interdiction de la chasse englobe le circuit de la Borne de Fer, un chemin de randonnée emprunté par de nombreux promeneurs, y compris luxembourgeois.
Et Audun-le-Tiche n’est pas la première commune de Lorraine à instaurer un jour sans chasse. Ainsi, à Saint-Dié-des-Vosges deux massifs forestiers sont interdits aux chasseurs le dimanche après-midi.
Selon les chiffres de l’Office français de la biodiversité, le nombre des accidents de chasse est à la baisse depuis 20 ans. Néanmoins, pour la saison 2021/22, l’OFB a recensé 90 accidents de chasse (blessures corporelles liées à l’utilisation d’une arme de chasse), contre 80 la saison précédente. Parmi eux, huit accidents mortels, dont deux ont concerné des victimes non-chasseurs.
En 2022, le gouvernement français envisageait d’instaurer dans certaines régions des demi-journées sans chasse. Mais il privilégiait une mise en place au niveau local, dans des forêts péri-urbaines ou très fréquentées.
Une mission du Sénat, constituée en novembre 2021 après le décès d’un jeune homme de 25 ans tué devant sa maison dans le Lot par un tir de chasse, avait rejeté en septembre l’idée d’instaurer au niveau national un jour sans chasse.
Le plan visant à mieux sécuriser la chasse a été présenté mi-janvier. Il a principalement débouché sur la création d’une contravention réprimant la chasse en “état d’ivresse manifeste”, une mesure jugée très insuffisante par ces associations.
Deux associations anti-chasse demandent réparation à l’Etat pour son “inaction” contre les accidents. L’association Aspas et le collectif Un jour un chasseur reprochent au gouvernement de ne pas interdire la chasse le week-end, ni les tirs à proximité des habitations, principales sources de tirs accidentels sur des non-chasseurs.
“Au cours des 15 dernières années, 70% des non-chasseurs tués l’ont été durant le week-end” et plus “de 20% des non-chasseurs tués l’ont été sur une route ou dans leur jardin”, avancent les associations.
“Autrement dit, deux limitations à l’exercice de la chasse auraient permis d’éviter la mort de 13 personnes sur les 19 tuées” sur cette période, argumentent les deux organisations qui exigent “l’interdiction de pratiquer le week-end” et “à portée létale de tir des habitations et des routes”.
“Il n’est pas normal d’avoir peur de se prendre une balle quand on se promène dans la nature... ni même dans son propre jardin”, dénonce Marc Giraud, porte-parole de l’Aspas.