
“La manière dont nous consommons aujourd’hui les médias sociaux nous suggère pratiquement que les contenus sont gratuits”, que les utilisateurs peuvent simplement les copier et les transférer, “ce qui n’est pas toujours le cas”. Dès lors de nombreuses personnes violent chaque jour les dispositions relatives aux droits d’auteur sans même en être conscients, a expliqué mercredi sur RTL Gérard Scheiwen, directeur de Luxorr, une association engagée dans la protection de la propriété intellectuelle. Il a cité un exemple: “Mon voisin a une belle voiture, elle est garée dans l’allée, la clé est sur le contact. Cela me donne le droit de regarder la voiture, mais cela ne me donne pas le droit de monter à bord et de faire un tour dans les environs sans au moins demander l’autorisation de le faire.” Et “c’est le problème. Nous consommons ces médias, nous faisons des copies, que ce soit sur papier ou que ce soit numériquement, mais nous ne demandons pas”, critique Gérard Scheiwen.
En matière de droit d’auteur, une distinction est faite entre droit primaire, c’est-à-dire le droit de lire le contenu d’un livre ou d’un journal que vous achetez, par exemple, et le droit secondaire, que vous pouvez acheter pour avoir l’autorisation de copier le livre ou le journal. C’est là qu’interviennent les sociétés dites d’exploitation des droits d’auteur telles que Luxorr (pour la presse, les livres et la photographie), la Sacem (pour la musique) et Algoa (pour l’audiovisuel).
Cela se complique lorsqu’il s’agit d’une “copie privée”. Il y a “une zone grise” dans la législation. La loi du 18 avril 2001 prévoit en effet que l’on peut faire une copie dans un cadre privé, “à la condition que l’auteur reçoive une rémunération équitable”. “Et c’est là que réside le problème au Luxembourg, car il n’y a pas de règlement grand-ducal à ce sujet, donc personne ne peut être condamné”, critique le directeur de Luxorr.
L’Intelligence Artificielle est aussi une source de préoccupations dans ce contexte. L’UE dispose certes depuis 2024 d’un “AI Act”, “qui recommande aux fournisseurs de modèles d’IA d’agir de manière responsable”, mais il est sans cesse édulcoré. Il y figure effectivement que “le droit d’auteur doit être respecté aux niveaux national et international”, mais “la formulation ‘effort raisonnable’, que doivent faire les fournisseurs pour prouver qu’il respectent les droits d’auteurs, est tout simplement trop vague”.
En outre, L’AI Act recommande “aux fournisseurs de modèles d’IA d’être transparents par rapport aux contenus qu’ils utilisent pour alimenter leurs modèles.” Dès lors, les géants que sont Google, Microsoft et OpenAI devraient reconnaître qu’au cours des dernières décennies, ils ont ratissé l’Internet avec l’exploitation de textes et de données et ont utilisé ces contenus, c’est-à-dire “reconnaître avoir utilisé du matériel volé pour renforcer leur modèle économique”. C’est un sujet très “délicat”.
Il faut répéter aux responsables politiques qu’il s’agit ici “des intérêts des auteurs et de l’art dont ils vivent”. Lorsqu’il est question de transparence, le ministre dit la plupart du temps “qu’il faut un équilibre dans la transparence”. Et là, Luxorr s’interroge: où est l’équilibre? Chez l’auteur qui souhaite protéger ses droits ou chez les fournisseurs de modèles d’IA?
Il faut sensibiliser davantage globalement le monde politique et le grand public sur le fait que “tout n’est pas gratuit” et que de nombreux auteurs doivent vivre des contenus qu’ils produisent. “Et nous devons aussi veiller à trouver une voie pour pouvoir rémunérer équitablement les membres des sociétés d’exploitation des droits d’auteur. Cela passera uniquement par une loi et son exécution”, souligne Gérard Scheiwen.