
Franck Leroy: Alors, je suis aujourd’hui au Luxembourg pour la fête nationale. J’étais l’année dernière, le même jour, à Bruxelles et l’année d’avant à Berlin. Donc en fait, j’ai pris l’habitude d’être tous les 14 juillet dans un de nos pays frontaliers, dans une de nos régions frontalières. Quand on sait l’intensité des relations qui existent entre notre région et le Luxembourg, on doit avoir entre 100.000 et 120.000 frontaliers qui, tous les jours, viennent travailler ici, c’est évidemment un partenaire de première importance.
Franck Leroy: Le plus important est celui des transports, puisque c’est le plus problématique compte tenu de l’intensité des flux. Il n’y a quasiment pas d’axe européen aussi intense que la liaison Metz -Thionville -Luxembourg avec à la fois la contrainte des travaux. Et ces travaux sont indispensables pour accroître la capacité de transport aussi bien par la route que par le fer.
Et la difficulté, c’est que les travaux provoquent des temps d’attente importants. Et en même temps, sans ces travaux, l’accès est saturé. Et donc, il y a quelques années devant nous encore de travail assez intense avec, je peux le comprendre, du mécontentement du côté des usagers. Mais la contrainte physique, elle est là. Il n’y a pas énormément de voies ferrées entre le Luxembourg et Metz. Il faut faire des travaux en site occupé, en site actif. Pareil sur l’autoroute A31, qui est un axe surchargé notamment aux heures de pointe. Et donc, on doit à la fois attaquer le problème sous l’angle routier et sous l’angle ferroviaire en même temps. Ce qui n’est évidemment pas la moindre des choses.

Le Luxembourg est tellement conscient de cette préoccupation qu’il participe activement aux travaux, y compris côté français, puisque nous avons des financements à hauteur de 230 millions qui ont été accordés par le Luxembourg au projet qui se situe entre Metz et la Frontière, grosso modo.
C’est à dire que, y compris pour le Luxembourg, le sujet est très important. Pour autant, ils ont bien conscience que c’est un vrai problème que d’imposer à leurs salariés qui viennent travailler au Luxembourg des temps de parcours extrêmement longs, des embouteillages quotidiens, des retards permanents. Enfin, c’est une situation problématique, mais elle est un petit peu le fruit du développement de l’emploi transfrontalier au Luxembourg. Un développement qui a été beaucoup plus rapide que le développement des infrastructures. On sait très bien que modifier des infrastructures, ça prend un temps beaucoup plus long que le rythme d’embauche des salariés français.
La difficulté ne tient pas tellement aux trains, si ce n’est qu’on a besoin d’accroître la capacité d’emport avec des trains plus grands que nous attendons pour 2026, qui sont des trains à deux étages, qui 16 rames de trains qui ont été rachetés à la région Normandie et qui font l’objet d’une transformation aux normes RTMS pour pouvoir pénétrer au Luxembourg. Et tout ça est en cours.
Donc, dès 2026, on aura une capacité d’emport qui sera plus importante. On a rallongé les quais de gare. On va augmenter la longueur des trains et la capacité de chargement des trains. Et puis, ensuite, l’objectif, c’est d’intensifier la relation pour arriver à l’horizon 2030 à un train toutes les 7 minutes en heure de pointe, ce qui est extrêmement élevé.
Alors, la 31 bis, les études, les enquêtes préalables sont en cours. Elles sont même terminées par certaines d ‘entre elles. Et l’État devrait soumettre à l’enquête publique le projet avant la fin de l’année 2025. C’est un dossier que maîtrise l’État, mais les informations que nous avons du préfet de la Moselle vont dans ce sens. C’est un dossier qui peut paraître long, mais qui est complexe et qui devrait conduire à l’ouverture de l’enquête publique à la fin de l’année.

Le développement des flux, il est régulier. Le développement, tel que l’imagine le Luxembourg, devrait continuer à voir croître le nombre de frontaliers, tant côté français que côté belge ou côté allemand. Et normalement, nous, on est plutôt positionné dans l’hypothèse d’un accroissement du phénomène frontalier que d’un arrêt ou d’une régression.
Donc, c’est la raison pour laquelle on envisage jusqu’au début des années 2030 d’intensifier nos investissements, tant sur le plan routier que sur le plan ferroviaire, pour faire face à ce flux qui ne devrait pas, à mon sens, se tarir.
On constate qu’un certain nombre de personnes aussi reviennent travailler en France aussi parce qu’après quelques années passées dans un système où les transports ne sont pas optimisés et pèsent aussi sur la vie quotidienne de ces personnes, certaines d’entre elles reviennent travailler en France. C’est très variable d’une entreprise à l’autre.
J’ai visité en Moselle, il y a à peu près un an, une clinique dans laquelle justement des efforts particuliers étaient faits pour maintenir le personnel et éviter qu’il cède aux sirènes luxembourgeoises à la matière. Et ça marchait plutôt pas mal avec notamment un accent mis sur la qualité de vie au quotidien qui font que quand un salarié cherche du travail, il n’y a pas que la dimension salariale qui joue. Il y a aussi son bien-être, l’organisation du travail, la souplesse qu’il peut trouver auprès de son employeur. Et c’est probablement des pistes à privilégier pour, si on n’est pas en capacité, ce que je peux comprendre, d’offrir les mêmes salaires que Luxembourg, de trouver des compensations ailleurs.
Par exemple dans le domaine de la formation au métier d’infirmière, on pourrait imaginer, étant donné que les besoins du Luxembourg sont importants et les besoins côté français sont importants, peut-être de réfléchir ensemble à des équipements de formation communs, un institut de formation d’infirmiers et d’infirmières franco-luxembourgeois, c’est une idée qui pourrait être intéressante et qui pourrait permettre à la fois de faire face aux besoins du Luxembourg et en même temps de faire face aux besoins qui sont ceux du Grand Est.