Dysfonctionnements au MudamUn climat de peur et de chaos entraîne des départs

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La directrice du Mudam, Bettina Steinbrügge, est agressive envers ses employés, ne se contrôle pas, sème le chaos et la peur.
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Ces accusations sont la synthèse d’un certain nombre de plaintes que les collaborateurs ont déposées auprès du conseil à propos de la directrice au cours des deux dernières années. Voilà ce qui ressort de documents consultés par RTL. Il y figure que les accusations portées par les uns et les autres sont cohérentes entre elles, il ne s’agit donc pas de cas isolés. Il y est également question de favoritisme, de harcèlement et du fait que la directrice monte les gens et les services les uns contre les autres. Il ressort enfin des documents qu’au cours des deux dernières années, quatre départs personnels peuvent être attribués directement ou indirectement à Bettina Steinbrügge et à son comportement.

RTL a compté une demi-douzaine de personnes qui ont quitté le Mudam depuis que Bettina Steinbrügge en a pris la direction au printemps 2022, dont des chefs de département.

La directrice n’a pas les compétences nécessaires en matière de gestion

Mais dans les documents consultés par RTL, les capacités de gestion de la directrice sont aussi fondamentalement remises en question. Les collaborateurs regrettent qu’il n’y ait pas d’instructions claires, pas de vision et pas de planification du budget, pas de procédures, qu’il n’y ait pas de plans échelonnés pour les expositions organisées par le musée. “C’est plutôt le bazar”, peut-on lire, “absence totale de management” et “navigation à vue”. En raison des nombreuses instructions contradictoires, la charge de travail du personnel augmente.

Par ailleurs, la présence effective de la directrice au Luxembourg est un souci. Le conseil restreint ses déplacements à partir d’un certain moment et exige qu’elle soit davantage présente au musée. “Bettina doit prendre soin du Mudam et ‘s’intéresser’ au Mudam et à son personnel”, est-il notamment indiqué, et “la priorité est au Mudam et non aux déplacements à l’étranger. Les devoirs doivent être faits en urgence et d’abord à la maison. Dubai cancelled”, est-il mentionné début 2024.

Des questions de gouvernance se posent avec les prestataires externes

En plus des questions de gestion, des questions de gouvernance se posent également. Sous Bettina Steinbrügge, le partenaire d’une curatrice est arrivé de Milan par avion, a séjourné ici et a été payé pour prendre des photos des événements au musée. Un autre exemple est le contrat pour la refonte du site Internet du Mudam. La commande a été attribuée à une entreprise allemande avec laquelle Bettina Steinbrügge avait déjà collaboré dans son précédent poste à la “Hamburger Kunstverein” et avec les associés de laquelle elle entretient des relations amicales sur les réseaux sociaux. Cette entreprise était l’une des quatre à avoir soumis une offre. Mais elle a été la seule à soumettre une deuxième offre révisée. “La question est de savoir, si le Mudam a offert aux quatre entreprises la possibilité de réviser leur devis ou si cette possibilité n’a été offerte qu’à (…) qui a révisé son offre à environ la moitié de l’offre initiale”, souligne l’ex-président Patrick Majerus dans un courrier aux autres membres du conseil.

Le conseil d’administration réagit aux plaintes du personnel

Au printemps dernier déjà, le conseil d’administration avait écrit une lettre à la directrice à cause des plaintes du personnel et des lacunes de management évidentes. Ceci, dans le but de stabiliser le musée et le personnel et d’éviter de nouvelles démissions. Le Mudam devait redevenir un lieu où les gens aiment aller travailler et où la peur n’est pas tolérée. “La gestion, actuellement inexistante, doit être améliorée de manière significative et immédiate”. Pour ce faire, la directrice devait obtenir les moyens pour améliorer la situation. Mais elle devait aussi modifier immédiatement et fondamentalement son comportement. “La situation est grave.”

Le conseil demande alors à la directrice de présenter dans un délai d’un mois les budgets et les plans échelonnés des expositions à venir. Elle ne répond pas vraiment à cette exigence. Et le conseil d’administration continue de recevoir des plaintes contre sa personne.

L’été dernier, il est fait appel au Service psychosocial de l’Etat. Les conseillers du ministère de la Culture sont également impliqués dans cette démarche. Mais ce Service de l’État n’est pas compétent. Une société de conseil privée est donc embauchée à l’automne. L’objectif reste toujours : maîtriser la gouvernance et le management et améliorer le climat de travail des salariés.

Coup de tonnerre en janvier

La question se pose de savoir si ce processus a porté ses fruits. En janvier, le président du conseil d’administration, Patrick Majerus, démissionne de son poste. C’est la deuxième démission au sein du conseil en l’espace d’une année. Fin 2023 déjà, Danièle Igniti, curatrice et ancienne directrice du Centre culturel de Dudelange, avait démissionné. Le ministre de la Culture, Eric Thill, fait d’abord comme si de rien n’était. A Paperjam, il explique le départ de Patrick Majerus comme une décision personnelle qu’il ne commentera pas davantage. Une déclaration qui suggère qu’il y a des raisons personnelles derrière la démission du président.

Mais après que le Lëtzebuerger Land ait cité des passages de la lettre de démission de Patrick Majerus, le ministre de la Culture répond à une question parlementaire de la députée verte Djuna Bernard, que “des raisons liées au fonctionnement interne de l’institution” ont conduit à la démission. En fait, l’ex-président avait expliqué très clairement ses raisons au ministre dans sa lettre de démission. “Depuis décembre 2023, l’institution fait face à des plaintes concernant la directrice, à un nombre préoccupant de départs au sein du personnel et à des défaillances dans la gestion interne du musée. Un nombre significatif de collaborateurs ont exprimé leur souffrance, ce qui a eu un impact sur la mission du musée.”

Non seulement la mission du musée était affectée et les salariés quittaient l’établissement, mais la directrice a également fait de fausses allégations contre le président de son conseil. “A plusieurs reprises, j’ai été la cible de fausses allégations dans l’exercice de mes fonctions. Dans chaque cas, j’ai pu démontrer leur absence de fondement grâce à des éléments écrits. »

Interrogé par RTL, le ministère de la Culture ne réagit pas aux allégations concrètes et ne répond à aucune question précise. Au lieu de cela, la communication d’Eric Thill répond par des déclarations générales, comme celle-ci : “Avec une programmation ambitieuse et une équipe de plus en plus nombreuse, la complexité de la gestion s’est également accrue.” Et “Les défis structurels – tels que les limites architecturales du bâtiment, des coûts énergétiques élevés et un budget serré – confrontent le musée à des défis concrets”.

La réaction du ministère de la Culture ne convainc pas

La hausse des prix de l’énergie en 2022 s’est effectivement reflétée dans le bilan du Mudam. Mais le fait que le Mudam, qui reçoit une dotation annuelle de l’État de 8 à 9 millions d’euros, ait des coûts budgétaires plus élevés pour le bâtiment que pour la programmation, n’est pas un problème nouveau, mais un problème contre lequel tous les prédécesseurs de la directrice actuelle ont dû lutter. De plus, ces dernières années, l’équipe s’est plutôt un peu réduite qu’étoffée.

Le nouveau président du conseil, Jean-Paul Olinger, le directeur de l’Administration des contributions, est seulement en poste depuis deux semaines. Cela explique peut-être pourquoi il reprend en grande partie les éléments de langage du ministère. Mais il affirme que le conseil d’administration est conscient de sa responsabilité. Afin de garantir l’objectivité et la transparence, la société de conseil externe a été chargée de réaliser une analyse de la gouvernance, de la gestion des ressources et des procédures. “Ce rapport est pratiquement terminé et les conclusions impliqueront d’autres décisions, au niveau relationnel, conduisant éventuellement à des changements au sein de l’organisation.”

A propos des allégations sur l’attribution de contrats externes, Jean-Paul Olinger dit globalement qu’un certain nombre de règles doivent être respectées, mais que dans ce cadre, une direction dispose également d’une certaine marge de manœuvre pour travailler avec des prestataires qu’elle connaît. “Bien entendu, il est extrêmement important pour nous que toutes les règles soient respectées et nous y prêtons également attention.”

Bettina Steinbrügge n’a pas répondu aux sollicitations de RTL dans le délai demandé. Ni le Mudam ni le ministère n’ont contesté les circonstances.

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