
Une nouvelle mesure décidée par le ministre de l'Immigration, Jean Asselborn, afin de faire face au manque de capacités d'hébergement pour demandeurs d'asile, suscite la polémique depuis une semaine.
Selon une nouvelle disposition du ministre des Affaires étrangères, Jean Asselborn, pour faire face au manque de place dans les structures, les réfugiés masculins qui voyagent seuls et qui ont déjà, en vertu de la réglementation dite de Dublin, demandé l'asile dans un autre pays de l'Union européenne ne sont plus acceptés d'emblée au centre de primo-accueil au Luxembourg. Ils figurent désormais sur une liste d'attente, avec pour résultat une situation précaire dans la rue au Luxembourg, parce que la plupart ne se laissent pas démotiver par une liste d'attente après un périple de plusieurs années au péril de leur vie.
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Le Pont Adolphe à Luxembourg-Ville un soir d'automne: alors que les uns sont dans un tram pour rentrer chez eux, les autres ont planté leur tente quelques mètres plus bas. Lundi, ils n'étaient que deux, mardi ils sont déjà six. C'est un camp informel sans toilettes ni eau courante. Il y a là Mohamed. Des "streetworkers", ces travailleurs sociaux qui arpentent les rues de la capitale, viennent le chercher pour l'emmener à l'hôpital. Le froid de ces derniers jours a fait son oeuvre. Il souffre d'une forte fièvre:
"Il fait trop froid. Nous dormons dans la rue. Je ne me sens vraiment pas bien. Vraiment pas bien. Nous n'avons plus des 20 degrés. Actuellement nous n'avons malheureusement pas d'autre choix que de dormir dans la rue", selon Mohamed.
Des organisations ont fait don des tentes et des sacs de couchage aux six hommes. Une solution transitoire, parce que Mohamed et ses compagnons espèrent un lit chaud après parfois un périple de trois ans:"En 2020, j'étais encore en Guinée. Je suis passé par le Mali, Ensuite j'ai été en Algérie, en Libye. Ensuite j'ai passé quatre jours en tout en Tunisie. De là, je suis arrivé en Italie. J'y ai vécu un mois. Puis je suis arrivé au Luxembourg en passant par la Suisse et la France. Le Luxembourg était mon objectif. Je connais le Luxembourg depuis mon enfance. C'est pourquoi je voulais absolument venir ici. C'était mon grand objectif."
Mohamed est entré en Europe par l'Italie, c'est donc là qu'il a été enregistré. En vertu des règles européennes, c'est donc l'Italie qui est compétente pour sa procédure d'asile. Mais le pays est complètement débordé par les demandes. De nombreux réfugiés vivent dans des ghettos. Alors plutôt vivre sous une tente au Luxembourg.
Des tentes, nous pourrions en voir davantage au Grand-Duché dans les semaines et les mois qui viennent. L'hiver sera froid. Un mince bout de toile au-dessus de la tête est pour certains la seule protection contre le froid. Entre août et septembre, près de 170 personnes sont arrivées au Luxembourg, qui n'ont pas obtenu de lit dans une structure et qui doivent par conséquent vivre dans la rue.
Le pays a tiré peu de leçons de la grande crise des réfugiés de 2014, critique le Collectif réfugiés, qui table sur plusieurs douzaines de nouveaux réfugiés à la rue cet hiver.
"Si nous sommes forcés de laisser des gens dehors dans la rue, il est clair pour nous que notre politique vis-à-vis des réfugiés au Luxembourg, était un échec! Il n'y a pas eu suffisamment d'anticipation alors que chacun savait que les flux de gens qui arrivent, n'allaient pas cesser d'un moment à l'autre. On savait qu'il y aurait plus de gens", selon Sergio Ferreira, membre du Collectif réfugiés et de l'Asti.
Il existe toujours de gros problèmes opérationnels entre les ministères, l'Office national de l'accueil (ONA) et les organisations sur le terrain. Le fait que la capacité maximale de lits soit presque atteinte ne fait que jeter de l'huile sur le feu, selon Nonna Sehovic, également membre du Collectif réfugiés et de Caritas: "Ce qui nous inquiète particulièrement, c'est que cette récente annonce a été faite maintenant juste avant l'hiver. Et nous savons que les structures d'urgence ouvertes tout l'hiver, , telles que l'Action hiver (Wanteraktioun), sont déjà débordées en ce moment."
Même des organisations comme "d'Stëmm vun der Strooss", qui offre gratuitement le déjeuner dans le quartier de la Gare, atteignent lentement mais sûrement leurs limites.
"Il ne s’agit plus depuis longtemps d’une simple histoire de compétences des ministères des Affaires étrangères et de l’Immigration. C'est une question globale à laquelle il est difficile de trouver des solutions. Il faut cependant savoir que si ces personnes sont rendues plus rapidement "actives" au cours des démarches, vous leur donnez accès au marché du travail, vous leur donnez quelques mois pour s'intégrer, alors cela leur permet de devenir plus facilement indépendantes."
Jean Asselborn: C'est "une décision en faveur des plus vulnérables!"
Le ministre de l'Immigration, Jean Asselborn, a réagi mardi en début de soirée au communiqué publié le 31 octobre par le Collectif réfugiés sur la politique en matière d'accueil au Grand-Duché. Malgré leur forte augmentation, "les capacités d'hébergement ont atteint leurs limites", souligne le ministre.
Comme d'autres pays européens, nous avons dû prendre des mesures, indique le ministre socialiste, qui ajoute que "ce changement dans la procédure d'accueil et l'obtention d'un hébergement a été mis en place afin de donner la priorité absolue aux femmes, enfants et familles ainsi qu'aux personnes les plus vulnérables."
La mesure est en place depuis une semaine. Entretemps, 53 hommes ont été convoqués par les services sociaux. 17 d'entre eux ont obtenu un lit. Deux hommes auxquels un lit avait été attribué, ne se sont jamais présentés au primo-accueil. 27 hommes figurent sur la liste d'attente.
L'ouverture anticipée du hall 7 de la LuxExpo, quelques jours avant le 1er décembre, est envisagée. 600 lits y seront disponibles jusqu'à fin janvier. Dans le même temps, le ministère tente de finaliser la construction d'autres structures, comme à Schimpach, selon Jean Asselborn.
Le reportage de RTL en luxembourgeois: