
Eric Dothée, CEO d'Eaglestone Luxembourg, anticipe "un nettoyage du marché" à l'heure où la construction du neuf est à l'arrêt. Il revient sur la crise en cours et sur les leviers qui pourraient potentiellement débloquer la situation.
Pas d'amélioration en vue sur le marché de l'immobilier. Si les prix se sont mis à baisser en début d'année, cette baisse ne compense pas forcément la hausse des taux d'intérêt qui a fortement entamé la capacité d'emprunt des ménages et des investisseurs.
Si des ventes sont encore conclues sur le marché de l'ancien, c'est parce que les prix peuvent être ajustés plus facilement d'après Eric Dothée, CEO d'Eaglestone Luxembourg. C'est d'autant plus vrai pour les propriétaires qui ont acheté il y a de nombreuses années.
Il affirme que la situation est bien plus compliquée pour les promoteurs, surtout pour ceux qui ont acheté du foncier "au haut de la vague", c'est-à-dire "ces 3-4 dernières années". Ils se confrontent aujourd'hui à une augmentation de leurs coûts de construction et de financement.
"Pour être clair, les latitudes sont beaucoup moins importantes pour ajuster les prix", explique-t-il. C'est pourquoi les prix n'ont pas baissé pas au même rythme sur le marché de l'ancien et sur celui du neuf ces derniers mois.
Et la situation risque encore de se compliquer. Eric Dothée affirme que de nombreux promoteurs vont bientôt se retrouver en défaut de paiement. "Evidemment il va y avoir de la casse et évidemment qu'il va y avoir un nettoyage du marché", a-t-il déclaré.
Il va plus loin en affirmant que "certains préfèreront ne pas lancer leur projet et ne pas payer la banque que de construire à perte". D'après lui, on peut désormais craindre un défaut de paiement en cascade.
Une situation qui n'épargnerait personne, même les entreprises bien gérées explique le CEO d'Eaglestone Luxembourg. "Un promoteur qui ne paie pas son constructeur, un constructeur qui ne paie pas son sous-traitant..." et le problème peut très vite se globaliser.
Quand on lui demande si le secteur n'aurait pas pu voir venir et constituer une trésorerie qui lui permettrait de traverser cette crise, il répond que la plupart des promoteurs ont réinvesti leurs gains passés dans du foncier.
"Il y a donc très peu de trésorerie. On va voir la différence entre les petits promoteurs qui ont réalisé quelques belles opérations ces dernières années et les grands groupes", anticipe-t-il. Eric Dothée prévient que ce n'est une bonne nouvelle pour personne.
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Il rappelle que le secteur de l'immobilier est un "grand pourvoyeur d'emploi local et durable" et qu'il a été "un grand contributeur des finances publiques" ces dernières années. "L'Etat a tout intérêt à avoir un secteur de production de logements prospère" insiste-t-il.
Le PDG d'Eaglestone n'hésite pas à affirmer que "sans production privée de logements" le Luxembourg aurait "un autre souci". Il fait évidemment référence au nombre limité de logements qui sont construits par la main publique chaque année.
Un problème qui est en passe de s'aggraver alors que le marché du neuf est dans l'impasse. "Les carnets de commande sont relativement peu remplis pour 2024", admet Eric Dothée qui précise que les premiers lésés sont les terrassiers.
En pénurie de logements depuis de très nombreuses années, le Grand-Duché a donc du souci à se faire. En effet, la problématique du logement contribuerait à "éroder" la compétitivité du pays. Les grandes entreprises auraient d'ailleurs de plus en plus de mal à recruter ce qu'on appelle "des talents".
"C'est simple, l'investisseur qui achetait un appartement en ville pour le louer à un expat, on ne le voit plus", assure-t-il. Un récent rapport du ministère du Travail confirme que malgré la hausse du chômage, de nombreux corps de métiers sont actuellement en pénurie.
Pour Eric Dothée, le moment est venu pour l'Etat luxembourgeois d'activer le levier de la fiscalité afin de débloquer la situation. Il est en faveur d'incitatifs fiscaux pour les investisseurs mais aussi pour les ménages.
"Ça fait 15 ans que le montant déductible des impôts pour un crédit logement est de 2.000 euros par personne. L'inflation tout le monde connaît! Ça devrait être adapté, c'est facile" s'exclame-t-il.
Le PDG d'Eaglestone Luxembourg affirme que même si la reprise "ne sera pas pour demain", les capacités de construire "sont là". Que ce soit du logement privé ou abordable, il plaide en faveur d'un partenariat entre l'Etat et le secteur privé.
"Produire du logement abordable régulé, c'est indispensable pour la compétitivité du pays" commente-t-il. Dans ce contexte, il considère que le Luxembourg pourrait s'inspirer du modèle singapourien afin de répondre à la demande croissante en logements.
Eric Dothée est également revenu sur la polémique qui a secoué le secteur de l'immobilier cet été, suite à la publication du rapport de l'Autorité de la concurrence. Tous les détails de nos échanges avec le PDG d'Eaglestone Luxembourg sont à découvrir dans ce nouvel épisode de La Bulle Immo.
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