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Véritable centre économique de la Grande Région, le Luxembourg a acquis une telle importance qu'il a créé autour de lui une nouvelle aire métropolitaine.
Bienvenue au "Grand Luxembourg". Si vous ne connaissez pas encore cet immense territoire transfrontalier, c'est normal, il n'a rien d'officiel. Ni instances, ni accords de coopération, ni langue commune. Pourtant, nous y vivons tous, comme le note la Fondation Idea.
Dans sa dernière publication, le groupe de réflexion de la Chambre de Commerce estime qu'en 25 ans, le Luxembourg s'est affirmé comme le "principal centre de gravité économique et démographique" de la Grande Région. Au point de remettre en question le développement de cette "petite Europe" qui regroupe la Wallonie, la Lorraine, la Sarre et la Rhénanie-Palatinat autour du Grand-Duché.

Au sein de la Grande Région, on distingue clairement le "Grand Luxembourg", c'est-à-dire la zone d'influence économique du Grand-Duché. / © Fondation Idea 2019
Cette forte connexion entre le Luxembourg et ses voisins a fait émerger une nouvelle aire métropolitaine, où les dynamiques économiques et démographiques sont inégalement réparties: c'est le fameux "Grand Luxembourg". En plus du territoire grand-ducal, il s'étend à minima jusqu'à Arlon, Virton, Bastogne, Trèves-Sarrebourg, Bitburg et Thionville-Longwy. Voire jusqu'à Verviers, Neufchâteau, Metz et Verdun si l'on prend en compte les territoires où vivent au moins 5% de frontaliers.
En faisant varier la limite de prise en compte de la population de frontaliers installés sur les territoires proches (5%, 10%, 15%...), la fondation estime que cette nouvelle région compte entre 1,3 et 2,5 millions d'habitants pour 592.600 à 725.500 emplois.
DÉSÉQUILIBRE TOTAL ENTRE LE LUXEMBOURG ET SES VOISINS
Au sein de cet gigantesque ensemble, la croissance luxembourgeoise est si forte qu'elle se distingue de celles de ses partenaires. "En un peu moins de 25 ans, sa population a bondi de 50%, son PIB a plus que doublé (+120%), 230.000 emplois y ont été créés (+108%) et le nombre de travailleurs frontaliers est passé de 55.000 à plus de 200.000 (+264%)" écrit la fondation, qui pointe du doigt la nécessité de repenser le développement du Luxembourg et des zones frontalières. "Cette dynamique aussi spectaculaire qu’unique n’est pas sans susciter de débat sur les limites et les vulnérabilités du modèle de développement luxembourgeois, dont la dimension territoriale transfrontalière est devenue un élément indissociable."
Ce recentrage vers le Luxembourg se distingue notamment sur la centralisation des emplois, laissant en retrait les secteurs périphériques."La concentration des activités économiques et des emplois a tendance à se renforcer plus rapidement dans le "centre" (le Luxembourg) et moins rapidement, voire à diminuer, dans la "périphérie" (les territoires frontaliers)" confirme la Fondation Idea. Avec pour conséquence, grâce et à cause de lois différentes entre les pays, de caricaturer cette concentration: les emplois sont proches de Luxembourg, les territoires voisins servent de lieu de résidence.

Ce recentrage vers le Luxembourg se distingue notamment sur la centralisation des emplois, laissant en retrait les secteurs périphériques. / © Emoxies.lu
LE "GRAND LUXEMBOURG": SES AVANTAGES, SES INCONVÉNIENTS...
Le Luxembourg tire désormais sa force d'une main-d'oeuvre très disponible, souvent déjà formée, qui lui assure des revenus fiscaux et un poids politique. Les régions proches, parfois très rurales, gagnent des résidentsavec des revenus élevés et s'offrent une nouvelle vie après l'effondrement des industries du XXe siècle.
En contrepartie, les deux souffrent d'une incroyable pression sur leur marché immobilier et leurs infrastructures. Les zones frontalières servent de dortoirs, sont peu attractivespour les entreprises, dépendantes du voisin et doivent investir en masse dans des services publics très utilisés mais peu financés par les frontaliers, dont les impôts ne reviennent pas (hormis en Belgique). Le Luxembourg est lui pris dans une spirale infernale: hausse constante de la demande des entreprises, des salaires, des besoins d'infrastructures, du coût de l'immobilier, sentiment d'envahissement de sa population, mobilité dégradée...
Si le Luxembourg est devenu le principal centre économique de cette région, il existe bel et bien une double dépendance entre le "centre" et la "périphérie". Leur coopération est indispensable mais reste à inventer, tant les exemples de ce type de métropole sont rares. La Fondation Idea recommande de miser sur les organes de coopération déjà existants et de créer un co-développement qui dépasse la simple mobilité mais incluera aussi les relations entre les communes, l'éducation des enfants, l'apprentissage de la langue des voisins, la protection de l'environnement... Un chantier aussi vaste que ce "Grand Luxembourg".
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