Lors du premier confinement, au deuxième trimestre de l’année dernière, le taux d’employés en télétravail au Luxembourg a atteint 52% des salariés selon les chiffres du Statec. Si une bonne partie d’entre eux ont retrouvé une activité en présentiel, au moins partielle, — le taux est retombé à 40% lors du dernier trimestre de 2020 — d’autres sont toujours “assignés à résidence”. Le mois de mars a rimé pour certains avec un premier anniversaire en “home office” comme on a coutume de dire au Grand-Duché.
Mais tous le monde ne vit pas l’expérience de la même façon. Après un enthousiasme initial généralisé — gain de temps de transport, plus de présence avec les siens...— de nouvelles problématiques sont apparues. Un récent sondage a d’ailleurs mis en lumière l’impact négatif de la crise sanitaire sur les salariés.
Laurence Abel, domiciliée à Elzange en Moselle et assistante pro dans une société de services basée au Luxembourg, a eu du mal à apprivoiser le télétravail sur la durée, elle qui a passé un an à travailler depuis chez elle: “Je me suis enfermée dans le télétravail. Parce que le fait d’être confinée, de toute façon je ne pouvais rien faire de ma journée. Donc je me levais le matin à 8h, je me connectais et je me déconnectais parfois très tard le soir, à 22h, 23h. J’avais une heure de transport le matin, une heure le soir. Je m’étais dit, ces heures-là, je peux les travailler. Et je suis entrée dans une espèce de cercle vicieux. Le travail continuait comme si de rien n’était mais j’avais l’impression d’être une esclave du travail.”
Peut-être parce qu’il évolue dans le monde de l’informatique, Laurent Miltgen basé à Longwy et travaillant dans le domaine de la sécurisation des systèmes d’informations des établissements bancaires pour une société luxembourgeoise, a trouvé son compte dans le télétravail: “Personnellement, j’ai vécu ça de manière très positive. Effectivement, ça évite les transports, ça évite d’y perdre du temps. On peut être en position de travail beaucoup plus rapidement. On peut continuer à travailler beaucoup plus longtemps. Finalement, moi, j’ai l’impression qu’on est beaucoup plus productif en étant en position de télétravail qu’en ayant la nécessité de se déplacer sur site.”
Les salariés n’ont pas été les seuls à devoir s’adapter à cette situation sur la durée. Les employeurs et responsables d’équipe ont dû revoir leurs méthodes de fonctionnement, comme nous l’a expliqué Nathalie Bourdeau, directrice des ressources humaines chez Axa Luxembourg et membre du Comité d’administration du POG. Le POG est une association de DRH qui partagent leurs pratiques et qui compte environ 130 adhérents. “Forcément, au tout début de la crise, explique Nathalie Bourdeau, on vit une situation où on est atterré, c’est très violent, très brutal. Certaines entreprises sont prêtes avec les outils numériques, d’autres pas. Donc c’est vraiment un changement de paradigme qui nous tombe dessus. Il y a une période d’effarement. Ensuite, au bout de quelques semaines, on s’organise.”
Chacun a donc dû apprendre à gérer le télétravail à sa façon et faire le deuil de tous ces petits moments de convivialité qui existent dans les espaces communs d’une entreprise. “Les premières semaines, ça va, ça passe, poursuit Laurence Abel. On se dit: au moins je ne suis pas dans le train, dans les soucis de transport. Et au bout de quelques semaines, ça nous manque, on a besoin de ce contact, on a besoin de ce lien social. D’autant plus qu’étant confinés, on n’avait plus rien à côté.”
Un problème que n’a pas rencontré Laurent Miltgen: “Au fil du temps, on s’aperçoit qu’on arrive à créer ce genre de lien à distance avec les gens. J’ai un collègue, par exemple, avec qui je travaille et qui est arrivé dans l’entreprise juste après le lockdown. Donc je ne l’ai jamais vu, je travaille avec lui tous les jours, et on a tissé des liens un peu comme si on était sur le lieu de travail. Finalement, les liens qu’on crée à la machine à café, on peut aussi les créer avec un logiciel de collaboration.”
“Dans ces outils numériques, affirme de son côté Nathalie Bourdeau, avec tous les progrès qu’ils ont pu faire, on s’aperçoit qu’il manque des informations. On rate des informations. On rate le langage corporel, on rate le sourire, le clin d’œil. Je crois que cette année, je n’ai jamais autant utilisé des petits smileys, des choses comme ça, simplement pour alléger cette infobésité. Parce qu’on a été vraiment inondé, nos collaborateurs comme les managers, d’une information écrite, mail, chat... Et voilà, la rendre un peu plus légère cette information écrite.”

La directrice des ressources humaines rappelle enfin qu’il est dommage que ce télétravail forcé soit arrivé à un moment où de nouveaux équipements sont à la disposition des actifs officiant au Grand-Duché: “Depuis un an, on a eu les transports gratuits à Luxembourg, des nouvelles lignes de tram. Et beaucoup de nos collaborateurs n’ont même pas pu encore profiter de tout cela. Donc, ils ne se sont pas rendu compte que venir au travail à Luxembourg, ça devenait plus facile car la ville a fait beaucoup de progrès. J’aimerais bien qu’ils puissent revivre ça.”
Ce sera le cas pour Laurence Abel, qui vient tout juste de reprendre une activité partielle en présentiel dans sa société: “Je n’ai pas fêté un an de télétravail, mais j’ai fêté mon retour en présentiel!”