Le parcours de Shaheen Aljourdi et sa famille impose le respect. Séparé de son père pendant plusieurs années, arrivé au Luxembourg en 2022, le lycéen vient de se distinguer dans un concours scientifique.
Difficile de croire que ce jeune homme à l’allure décidée ne parlait pas le français il y a encore trois ans. L’enfance de Shaheen Aljourdi s’est passée loin du Grand-Duché, entre Sweida en Syrie et les Emirats Arabes Unis, où il est né en 2008 alors que son père y travaillait. Ce dernier est venu tenter l’aventure au Luxembourg en 2020. Shaheen, sa mère et ses deux frères l’ont rejoint quelques années plus tard.
“C'était un pays tout nouveau et je ne savais rien du tout, affirme le lycéen. Alors oui, c'était une nouvelle expérience. J'ai rencontré beaucoup de nouvelles personnes et j'ai pu revoir mon père après 3 ou 4 ans de séparation. Alors c'était super, la première fois.”
Passé par une classe d’accueil, Shaheen s’intègre rapidement, à la grande satisfaction de son père Ezzat, ingénieur en génie civil diplômé de l'université de Damas. Lui aussi a fait beaucoup d’efforts, bien aidé par une entreprise luxembourgeoise qui lui a fait confiance : “Ils m’ont accepté dès le début. J’ai vraiment apprécié. Tout le monde est très gentil. La direction, tout le monde. Ça m'a beaucoup aidé pour m'intégrer facilement, vraiment. Pour que je ne me sente pas comme un étranger. Non, vraiment ! Je l’ai dit à tout le monde : Maintenant, c'est ma famille.”
Un projet récompensé par la Fondation Jeunes Scientifiques Luxembourg
Vous l’avez compris, le parcours de la famille Aljourdi a été tortueux, animé par l’envie teintée de déception de quitter une Syrie en plein chaos. La fierté de Hanadi et Ezzat, les parents de Shaheen, n’en a été que plus grande lorsqu’en mars dernier le lycéen s’est distingué lors d’un concours scientifique. Avec ses camarades Rodrigo Von Mayer Goulart et Yigit Günes, Shaheen a gagné un prix au concours organisé au forum Geesseknaeppchen par la Fondation Jeunes Scientifiques Luxembourg. Leur projet “Aura” a séduit le jury et leur permettra de participer à un concours européen en Lettonie en septembre prochain.
“C'est un bracelet qui mesure l'index des rayons ultraviolet qui viennent du soleil, explique Shaheen. Parce que ces rayons causent des cancers et des dommages sur votre peau. On les mesure et après on les montre sur une application et cette application vous donne des suggestions. Par exemple, mettre de la crème solaire ou mettre des lunettes de soleil.”
Mais ce rayon de soleil ne fait pas disparaître l’ombre qui règne sur le pays d’origine de Shaheen. La famille Aljourdi, d’abord euphorique après la chute de Bachar al-Assad, est désormais très inquiète de la situation en Syrie, en particulier celle de la communauté druze à laquelle elle appartient. La famille a tristement constaté les exactions commises fin avril, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), par les forces de sécurité du nouveau pouvoir mené par Ahmed Al-Charaa, reçu par le président français Emmanuel Macron le 7 mai dernier.
“C'est très dur en fait, avoue Ezzat. Nous, nous sommes contents ici. Tout va bien, ça marche, les enfants… Mais à un moment, quand on pense à notre famille... Parce que moi, j'ai quatre sœurs encore là-bas et un frère. Ma femme aussi a des sœurs et frères en Syrie. Tout le monde souffre. Je me dis toujours : laisse-nous profiter du moment ici parce que ça ne donne pas une solution pour les autres.”
Quant à Shaheen, il sait que son avenir est de ce côté-ci de la Méditerranée même s’il a beaucoup de compassion pour sa terre d’origine : “C’est un pays en crise, mais c'est aussi mon pays, d'où je viens, il me manque. Ici, j'ai beaucoup plus d’opportunités à l'école et dans la vie professionnelle aussi. Alors je crois que je vais rester en Europe.”