Après une enfance rurale au Portugal, une carrière exceptionnelle d’arbitre internationale attendait Tânia Morais au Luxembourg. Au prix de beaucoup d’efforts et de quelques larmes…

Le point culminant du Grand-Duché, c’est la côte de Kneiff, au nord du pays. Du haut de ses 560 mètres, difficile de rivaliser avec la Serra da Estrela au Portugal, et ses 1.993 mètres. C’est de cette région que vient la famille de Tânia Morais, la Beira-Alta qu’elle a dû quitter peu avant ses 10 ans pour suivre son père venu travailler au Luxembourg. Ce départ difficile n’a pas empêché la jeune fille d’atteindre des sommets…

“Je ne savais pas où je partais”

L’arrivée à Boulaide, dans le nord du Luxembourg, n’a pas été simple pour la jeune Tânia, devant faire face à un changement d’environnement radical : “J'ai grandi dans un tout petit village, un village très familial, vraiment. On vivait à l'ancienne. Je ne savais pas où je partais [...] J'étais une des seules Portugaises, avec mes frères, dans le village. Les Luxembourgeois n'étaient pas forcément très habitués à voir des étrangers. J'ai subi pas mal de “bullying”  (harcèlement) à l'école, pas à l'extrême, mais ça n'a pas toujours été simple. Je ne parlais pas la langue, je ne comprenais pas les gens.”

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L’enfance de Tânia s’est déroulée dans la région de Beira-Alta / © archives familiales deTânia Morais

La jeune fille et ses frères ont dû s’accrocher, soutenus par une formidable équipe pédagogique à l'école Harlange-Tarchamps : “On a pleuré de temps à autre parce que, en fait, on n'avait pas de repères. Ce n'était pas simple. Les gens n'étaient pas aussi gentils qu'on l'aurait espéré. Il faut que je dise que j'avais des professeurs qui étaient vraiment géniaux, qui nous ont aidés à nous intégrer assez facilement, à prendre le temps nécessaire pour nous enseigner les langues qu'on ne connaissait pas.”

"T'as plutôt ta place en cuisine"

De cette adolescence compliquée, Tânia Morais va tirer beaucoup de force et de ressources. Notamment pour évoluer sur les terrains de football, d’abord en tant que joueuse, à Mamer où sa famille a déménagé, ensuite comme arbitre, fonction dans laquelle elle va s’épanouir pleinement à partir de l’âge de 26 ans. Se profile alors une carrière de 17 ans qui va emmener la jeune femme aux quatre coins de l’Europe. Mais il a fallu faire ses preuves : “Ça n'a pas toujours été facile parce qu'en tant que femme, chez les jeunes, t'as des parents quand même qui ne sont pas toujours gentils, des spectateurs pas toujours gentils... Donc : ‘Rentre à la maison’, ‘T'as plutôt ta place en cuisine’. Ça, ce sont des choses qu'on a entendues. Ou : ‘Tu es incapable de gérer un match en tant que femme, c'est pas ta place.’ Mais en fait ces critiques m’ont renforcée.

Seules deux Luxembourgeoises sont parvenues à accéder au rang d'arbitre FIFA en féminin, Laurence Zeien et Tânia Morais. Cette performance a offert à la seconde la possibilité d’arbitrer par exemple un match de Champion's League en Suède, ou des matchs de D1 français et belges.

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Tânia Morais a su s’imposer dans le monde masculin de l’arbitrage / © RTL

Une première au Luxembourg

De multiples sacrifices, notamment familiaux, ont permis à Tânia de mener deux carrières de front. Car l’arbitre FIFA est par ailleurs une brillante conseillère fiscale en mobilité internationale. Et lorsqu’elle a raccroché les sifflets en 2024, celle qui ne refuse aucun défi n’a pas dit adieu au football : Tânia Morais est devenue la première femme à intégrer le Comité des arbitres fédéraux au Luxembourg.

C’est pourquoi on la croise encore sur les terrains de BGL Ligue ou dans les salles qui accueillent les matchs du championnat national de futsal, cette fois pour encadrer et conseiller les arbitres. Donc l’ascension se poursuit pour Tânia, qui finira peut-être par entrevoir un jour le sommet de la Serra da Estrela… Une montagne de l’étoile qui lui va si bien.