Lors d’un match crucial qui aurait pu ouvrir la porte de l’Euro au Luxembourg, l’assistance vidéo n’a pas été utilisée à un moment clé, décision incomprise par de nombreux observateurs. Au sentiment d’injustice s’ajoute celui de la suspicion : le parquet anti-corruption espagnol s’est penché en 2023 sur le solide patrimoine immobilier de l’arbitre de la rencontre.

Trois semaines après la défaite du Luxembourg face à la Géorgie en demi-finale des barrages de l’Euro 2024, de nombreux supporteurs, le sélectionneur Luc Holtz en tête, n’ont toujours pas digéré la façon dont les choses se sont déroulées.

RTL Infos a donc décidé de revenir sur cette rencontre avec le sélectionneur bien sûr, le président de la Fédération luxembourgeoise de football Paul Philipp et Charles Schaack, vice-président de la FLF et spécialiste de l’arbitrage.

Le goût d'une injustice”, “La VAR [...] n'est pas intervenue, on doit se demander pourquoi”, “Incompréhensible”... Lorsqu’on tend le micro à l’un ou l’autre, le verdict est sans appel, il aurait dû y avoir carton rouge pour le joueur géorgien Beka Kakabadze pour une faute sur Mica Pinto à la 38e minute. Il y avait alors 0-0 et l’issue du match aurait sans doute été tout autre.

S’il est utile d’essayer de comprendre les décisions - et surtout l’absence de décisions - prises par l’équipe arbitrale sur le plan du sport et de son règlement, il est difficile de ne pas évoquer dans le même temps le “pedigree” de José María Sánchez Martínez, au sifflet ce 21 mars 2024 à Tbilisi, en Géorgie. Car l’homme en noir n’est pas vraiment au-dessus de tout soupçon.

En mai 2023, le journal espagnol El Debate avait affirmé que le parquet anticorruption de la justice espagnole s’était penché sur des acquisitions suspectes de biens immobiliers effectuées par quatre arbitres de Liga, parmi lesquels monsieur Sánchez Martínez. Cette affaire - liée à celle concernant Enriquez Negreira, ancien vice-président des arbitres, accusé d'avoir reçu des paiements de la part du FC Barcelone - n’a pas fait grand bruit et n’a pas donné lieu pour l’heure à l’ouverture d’une enquête officielle. La presse espagnole a pourtant relayé en 2023 la divulgation d’un rapport concernant quatre arbitres - Carlos Clos Gómez, Santiago Jaime Latre, Alejandro Hernández Hernández et José María Sánchez Martínez - autour de l’acquisition de biens immobiliers. Par exemple l’achat en 2019, par monsieur Martínez, d’une propriété de 164 mètres carrés à Murcie d’une valeur de 650.000 euros. Depuis, les arbitres ont communiqué à la presse qu’ils intentaient une action en justice à la suite de ces allégations de corruption. Mais toujours d’après El Debate, le juge de l’affaire Negreira, Joaquín Aguirre, a demandé d'enquêter sur la plainte contre ces quatre arbitres.

RTL

© El Debate

Tous ces remous n'ont pas empêché l’UEFA d’assigner José María Sánchez Martínez à l’arbitrage d’une rencontre à fort enjeu comme Géorgie-Luxembourg en demi-finale de barrage pour l’Euro 2024.

Je ne veux pas aller jusqu'à parler de corruption, précise Luc Holtz, mais bien sûr, après des décisions comme il y en a eu à la 38e minute sur Mica Pinto, il faut se poser des questions. Parce que si on veut vraiment utiliser la VAR pour être juste, pour faire ce que l 'UEFA exige aussi, le fair play sur le terrain, il faut qu’on m'explique la justice ou le fair play sur cette action-là.

Le sélectionneur n’en veut d’ailleurs pas à l’arbitre de champ, cité plus haut, mais plutôt à l’arbitre de la VAR, qui n’est pas intervenu. Une défaillance confirmée par Charles Schaack, vice-président FLF en charge des questions d’arbitrage : “Tous les exemples que l’UEFA nous envoie, des situations de jeu, des clips qu'on reçoit pour former nos arbitres, avec une situation semblable à celle-là, c'est toujours carton rouge. Il n'y en a pas une seule où on va au jaune. Donc il n'y a pas deux solutions dans cette situation. Ça aurait dû être un carton rouge.” Un avis partagé par Paul Philipp qui rappelle que l’équipe VAR a certainement vu le ralenti “une dizaine de fois. Et ils n'interviennent pas. Pour moi, incompréhensible !

La décision prise par l’assistance vidéo en deuxième période est certes cruelle - elle a coûté le but de l’égalisation au Luxembourg - mais elle prête moins à discussion. Il y a bien eu contact entre le défenseur Maxime Chanot et l’attaquant Georges Mikautadze, on peut considérer que le premier annule une action de but du second, le défenseur reçoit dès lors un carton rouge. Malgré tout, on ne peut pas s’empêcher de penser que la VAR n’a été utilisée que dans un sens.

Vers une VAR “light” au Luxembourg

Si les protagonistes du football restent mitigés au sujet de la VAR, la FIFA travaille à sa démocratisation dans les petits championnats, comme celui du Luxembourg.

Je suis partant, affirme Charles Schaack, missionné par la FLF pour réfléchir à son instauration au Luxembourg, et je pense que la VAR est un bon outil si elle est bien utilisée. Rappelez-vous la main de Thierry Henry qui a qualifié la France pour une Coupe du Monde aux dépens de l’Irlande ! Ce ne serait pas arrivé avec la VAR.

Mais le chemin est encore long : “On n’est pas encore très avancés sur le sujet. On attend toujours le go de la FIFA qui procède à des essais dans différentes divisions avec un nombre restreint de caméras. Il y a même un projet de VAR extra light avec une à trois caméras. Mais même dans ce cas de figure, il faudra quand même équiper les 16 terrains de la BGL Ligue. Ça fait beaucoup ! Il faut le matériel, les opérateurs, les arbitres… C’est quand même un sacré investissement en argent et en ressources humaines.