
Jeudi dernier, des informations ont circulé sur les réseaux sociaux affirmant qu’une enseignante avait été licenciée par le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enfance et de la Jeunesse pour des stories publiées sur sa page personnelle en soutien à la Palestine. Bien que le ministère n’ait pas pu communiquer de détails précis sur le dossier, il a confirmé à RTL que l’enseignante avait effectivement été licenciée en raison de son activité sur les réseaux sociaux, jugée comme un comportement inacceptable.
L’enseignante estime pour sa part que son renvoi est le résultat d’une campagne ciblée visant à présenter son activisme pro-palestinien comme antisémite : une sélection de stories Instagram qu’elle avait repartagées a été enregistrée sous forme de captures d’écran puis transmise au ministère, lequel a enclenché une procédure de licenciement. “Les captures ont été sorties totalement de leur contexte”, a-t-elle expliqué à RTL. “Je ne suis pas contre les Juifs ; [depuis le 7 octobre], j’essaie justement de sensibiliser à la distinction entre sionisme et judaïsme, car je m’oppose aux crimes de guerre commis en leur nom”.
Si elle reconnaît le droit à la liberté d’expression de ses employés, la porte-parole du ministère souligne néanmoins ses limites : ce droit s’arrête lorsque les propos enfreignent la loi, notamment en cas d’incitation à la haine, d’appels à des actes constitutifs d’infractions pénales ou de diffusion d’idéologies extrémistes. Par ailleurs, les personnes employées par l’État sont soumises à des obligations particulières : elles ne peuvent porter atteinte à l’intérêt public et doivent adopter un comportement digne de leur fonction, tant dans leur vie professionnelle que privée.
L’activité sur les réseaux sociaux qui a mené au licenciement repose sur un ensemble de captures d’écran, pour la plupart des stories Instagram repartagées par l’enseignante. Les contenus concernent un large éventail de sujets, allant de messages éducatifs à des appels au boycott, s’appuyant parfois sur des figures historiques controversées.
L’une des accusations formulées à son encontre affirme qu’elle aurait nié le droit d’Israël à exister et incité à la haine contre le peuple juif ou israélien. Elle avait notamment repartagé une vidéo montrant un rituel d’expiation juif orthodoxe appelé Kapparot, accompagnée de la légende en anglais : “Tout ce en quoi ils croient, c’est tuer ! Israël n’a pas le droit d’exister”.

Comme elle l’a indiqué à RTL, certains de ses contenus avaient déjà été signalés aux autorités avant même d’arriver au ministère. Le parquet a confirmé que certains dossiers avaient été classés sans suite, tandis que d’autres enquêtes restent en cours.
Certaines de ses actions militantes ont toutefois débouché sur des échanges constructifs. C’est le cas d’un appel au boycott du distributeur de fruits et légumes Grosbusch pour sa vente de dattes en provenance d’Israël. Interrogé par RTL, le CEO Goy Grosbusch a expliqué qu’il avait vu ce boycott comme une occasion de mieux comprendre le conflit israélo-palestinien auprès d’une personne engagée et, ce faisant, d’espérer “faire partie de la solution”.

Il a donc décidé de rencontrer l’enseignante à l’origine de l’appel au boycott, une discussion qu’il décrit comme “constructive” et “révélatrice”.
Sur le plan commercial, Grosbusch note que la réticence envers les produits d’origine israélienne se faisait déjà largement sentir en Europe, ce qui les a incités à envisager des fournisseurs alternatifs pour les dattes et autres denrées. “Il fallait toutefois nous assurer que les produits alternatifs soient d’une qualité équivalente ou supérieure”, précise-t-il.
Grâce au mouvement de boycott, l’entreprise a finalement trouvé une alternative : les dattes sont désormais importées de Palestine.
Comme le boycott de Grosbusch faisait partie des éléments retenus par le ministère dans sa décision de lancer une procédure disciplinaire, la direction de l’entreprise a adressé une lettre au ministère en défense de l’enseignante, soulignant qu’elle n’avait “rien fait de criminel”.
“Elle a le cœur à la bonne place”, a ajouté Grosbusch.
Dans un entretien ultérieur, un représentant du ministère de l’Éducation, a rappelé que les expressions politiques des enseignants et du personnel ministériel sont courantes et généralement tolérées, notamment en lien avec les guerres en Ukraine et en Palestine. Ce qui distingue ce dossier, selon lui, est que les propos tenus “ont dépassé les limites habituelles”, conduisant au premier licenciement lié à l’activité sur les réseaux sociaux dans l’histoire du ministère.
Au Luxembourg, où les emplois publics sont réputés particulièrement protégés et les licenciements rares, le fait qu’elle ait été renvoyée rend l’affaire d’autant plus remarquable.
Avec ce cas, il apparaît que même en l’absence de condamnation pénale, les employeurs, y compris l’État, conservent la possibilité de mener leurs propres procédures disciplinaires et d’aboutir à des conclusions distinctes de celles de la justice.