
Être amoureux de nos compagnons à fourrure, mais être incapable de s’en approcher sans être pris d’éternuements : c’est le calvaire que vivent les personnes allergiques. Chez les adultes, “la sensibilisation aux animaux domestiques touche 10 à 14 % des individus en Europe et aux États-Unis, avec un risque élevé de développer des symptômes cliniques tels que la rhinite allergique ou l’asthme” rappelle le LIH dans une récente publication.
Il faut savoir que les allergènes animaux sont présents non seulement dans les poils, mais aussi dans la salive et l’urine. Ils sont donc facilement dispersés dans l’environnement intérieur et facilement détectables dans la poussière domestique.
Le Dr Christiane Hilger et son équipe de recherche du Luxembourg Institute of Health, en collaboration avec le Institute for Prevention and Occupational Medicine of the German Social Accident Insurance, ont réalisé une étude sur ce monde trouble des animaux dits hypoallergéniques (qui provoquent peu ou pas d’allergies). Cette étude “remet en question les idées courantes sur les animaux de compagnie hypoallergéniques, en soulignant que même les races commercialisées comme telles, comme le chat Sphynx ou le Labradoodle, produisent encore des allergènes majeurs”.
L’équipe de recherche du Dr Hilger s’est donc penchée sur les preuves scientifiques existantes concernant les réactions allergiques induites par les animaux à fourrure. Une chose est sûre, ces preuves ne vont pas arranger les affaires des élevages d’animaux qui capitalisent sur ce (lucratif) marché.
Prenons le cas des chats. L’étude révèle que, malgré les affirmations d’hypoallergénicité de certains éleveurs, toutes les races connues continuent à produire du “Fel d 1”, le principal allergène du chat. L’étude rappelle d’ailleurs que des tentatives de production de chats exempts de “Fel d 1" par élevage sélectif ont été abandonnées. Actuellement, la stratégie consisterait à bloquer l’allergène en vaccinant les chats ou en ajoutant des anticorps aux aliments pour chats. Cependant, “alors que 90 % des patients cliniquement allergiques sont sensibilisés à Fel d 1, la plupart des individus réagissent également à de multiples allergènes de chat, ce qui pose un défi important à ces approches d’intervention, qui doivent encore être validées par des études cliniques”. Bref, en l’état actuel des choses, trouver un chat hypoallergénique relève de la gageur.
Chez les chiens, les profils de sensibilisation aux allergies sont plus complexes que chez les chats, note le LIH. La revue souligne comment “l’absence d’un allergène dominant, semblable à “Fel d 1" chez les chats, provoque chez les enfants et les adultes une réponse allergique à de multiples allergènes.” Comme cela a déjà été démontré pour les chats et les chevaux, “les chiens présentent une grande variabilité individuelle des niveaux d’allergènes, même au sein d’une même race, et ces niveaux semblent être influencés par le sexe des chiens.”
Et clairement, les études réalisées à ce jour “remettent en question la notion de races de chiens hypoallergéniques, révélant qu’aucune preuve scientifique ne vient étayer leur existence”. L’excrétion d’allergènes par les chiens dits “hypoallergéniques”, comme les labradoodles, les labrador retrievers, les caniches, les chiens d’eau espagnols et les terriers Airdale, n’a montré aucune différence significative par rapport à d’autres races, constate le LIH, qui explique que “Le profil allergénique complexe des chiens empêche une approche ciblée pour réduire la sécrétion d’allergènes par les chiens”.
Le LIH a par exemple étudié l’American Bashkir Curly Horse, une race dite hypoallergénique, et “a conclu qu’il n’existait aucune preuve scientifique à l’appui de son statut supposé d’hypoallergénique”.
Les données sur l’allergie primaire au cheval sont rares et, jusqu’à présent, seuls quatre allergènes respiratoires ont été caractérisés. Afin de vérifier “la croyance populaire selon laquelle les chevaux frisés de Bachkirie américaine sont hypoallergéniques et provoquent moins de réactions allergiques, l’équipe du Dr Hilger a mené une étude approfondie”. Étude qui “n’a révélé aucune différence significative entre les chevaux frisés et les Quarter Horses, ni par rapport à un mélange de crins prélevés dans 32 races de chevaux. Les étalons Curly ont même montré une teneur en allergènes globalement plus élevée que les étalons de la race Quarter Horse.” De même, “la recherche n’a trouvé aucune preuve moléculaire étayant l’idée que les chevaux frisés sont moins allergènes que les autres races, ce qui remet en question les avantages présumés pour les personnes allergiques aux chevaux.”
“Notre étude suggère que les chevaux Curly ne sont pas moins dangereux pour les patients allergiques aux chevaux que les autres races. Idéalement, un essai clinique avec des patients bien caractérisés doit être mené pour se prononcer définitivement sur le cas du cheval frisé”, conclut Bente Janssen-Weets, premier auteur de l’étude.
Pour les autres animaux à fourrure, comme les bovins, les petits mammifères tels que les hamsters, les lapins, les cochons d’Inde et les furets, “les données sont rares” admet le LIH. Par exemple, “Les études existantes révèlent de grandes variations individuelles dans les niveaux d’allergènes entre les différentes races de bovins, ce qui souligne la nécessité de poursuivre les recherches dans ce domaine.”
L’étude du LIH va en tout cas aider à dissiper un mythe et fournir des informations précieuses à la fois pour les personnes allergiques et les amateurs d’animaux de compagnie, écrit le Dr Hilger. “Les réactions allergiques aux phanères d’animaux sont courantes et les stratégies actuelles, limitées à l’évitement, au traitement symptomatique et à l’immunothérapie allergénique, qui n’est toutefois pas disponible pour tous les animaux de compagnie, ne permettent pas d’offrir des alternatives viables aux personnes allergiques. Il est essentiel que les approches futures reconnaissent les profils allergéniques complexes des animaux de compagnie, ouvrant ainsi la voie à des stratégies qui s’alignent sur cette réalité complexe. La recherche continue reste essentielle pour explorer les stratégies de prévention afin de réduire le fardeau global des maladies allergiques dans la population” conclut-il.