Chaque jour, aux heures de pointe, c’est le même ballet incessant de voitures qui se répète sur les routes du nord de la Lorraine, avec des embouteillages et des ralentissements permanents qui donnent à l’A31 des airs de périphérique parisien.
Eldorado de l’emploi pour les Lorrains, le Luxembourg représente aussi un immense défi pour la région, qui a tardé à réagir au phénomène des travailleurs frontaliers. Elle tente aujourd’hui de reconfigurer ses axes de transports saturés. L’ex-ministre délégué chargé des Transports, Clément Beaune, a dévoilé le 15 décembre le projet qui a été retenu.
Le tracé F4 en tunnel profond semble donc acté pour l’A31 bis. De nombreuses associations et des élus sont montés au créneau pour dénoncer un projet coûteux et surtout inutile selon eux.
Entre le nord de Thionville et la frontière luxembourgeoise, l’élargissement de l’autoroute existante à 2x3 voies est prévu sur 12,4 kilomètres. Il se fera dans la continuité de l’autoroute A3 au Luxembourg. Et ce n’est pas la partie qui pose le plus de problèmes aux usagers.
L’un des aspects du projet qui cristallise les critiques, c’est la création d’un contournement ouest de Thionville de 7,9 kilomètres et d’un tunnel dit “profond” de 2,2 kilomètres afin de traverser Florange.

Un contournement qui reliera l’A30 et l’A31, de la partie sud au croisement entre Uckange et Fameck jusqu’au nord de Thionville. “C’est un projet anachronique et inutile. Il ne va en rien résorber les problèmes d’embouteillages, puisqu’il s’agit de remplacer une autoroute en 2x2 voies par une autre. Et le gain de temps ne serait que de quelques minutes de l’aveu même de l’État” explique Sophie Delvo du collectif “Non à l’A31 bis”.
L’option retenue présente le coût le plus élevé des quatre variantes étudiées. Les documents de la concertation indiquent une fourchette comprise entre 510 et 630 millions d’euros. Et c’est pour cette raison que l’État a opté pour une concession et donc un péage.
Les premières estimations tablent sur un péage de 4 euros par trajet, c’est-à-dire 170 euros par mois pour un frontalier. Du racket pur et simple pour Charlotte Leduc: “C’est un projet honteux parce qu’il va rendre payante une autoroute qui a déjà été payée par les contribuables”.
La députée de la 3ème circonscription de Moselle (Nupes LFI) qualifie l’A31bis “de projet du passé dans un contexte d’urgence écologique”.
Mêmes arguments pour Éliane Romani, Co-Présidente du groupe Les Écologistes Grand Est, qui parle d’un projet “Inutile, climaticide et très mauvais pour le portefeuille des usagers”. Un péage fait aussi craindre que les automobilistes ne se rabattent sur les routes secondaires du nord de la Moselle déjà saturées.
De nombreuses associations se mobilisent aussi pour sauver un morceau de patrimoine menacé par l’A31bis: le Château de Bétange, témoin de la grande histoire sidérurgique de la région.
Fanny Aymer est la propriétaire de ce château construit en 1828. Cette résidence privée d’anciens maîtres de forges, son parc à l’anglaise de 65 hectares et l’allée des Marronniers sont inscrits à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques.

Et le site pourrait pâtir de la construction de l’A31 bis. L’entrée du tunnel passerait à proximité des grilles du château, et pour Fanny Aymer, c’est dramatique. “Le château et son parc sont monuments historiques et on nous propose un projet qui va avoir des conséquences irrémédiables. C’est une catastrophe en termes de pollution atmosphérique, visuelle et sonore.”
Elle et son mari se sont donné pour mission de sauver le site, véritable poumon vert dans une vallée classée parmi les plus polluées de France avec un record de benzopyrène de l’air.
Ils se battent depuis plusieurs années contre l’A31bis et ont créé l’Association de Sauvegarde du Site de Bétange.
Le parc compte 70 espèces d’oiseaux, dont une cinquantaine sont protégées, et 13 espèces protégées de chauves-souris. Ce réservoir de biodiversité s’étend dans la continuité des 300 hectares des forêts de Florange, Hayange et Thionville.
“Nous nous battrons pour démontrer l’inutilité publique de ce projet” affirme Fanny Aymer pour qui l’A31 bis aura “des conséquences désastreuses et irrémédiables sur le plan humain, environnemental et patrimonial. Et tout ça pour gagner quelques minutes, au mieux.”
Tous les opposants sont d’accord sur un point: de nombreuses solutions existent pour résorber les embouteillages quotidiens sur cette autoroute de l’enfer. Et la plupart des opposants ne combattent pas l’élargissement à trois voies au nord de Thionville.