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La surexposition aux écrans et aux réseaux sociaux peut contribuer à certains problèmes chez les adolescents, prévient une psychologue luxembourgeoise.
Les réseaux sociaux et le temps d'écran font désormais partie intégrante de notre vie quotidienne moderne. Pour les parents et les adolescents d'aujourd'hui, l'un des défis majeurs consiste à permettre à ces derniers de naviguer en toute sécurité à travers la multitude de plateformes disponibles, tout en limitant les effets négatifs sur leur développement mental.
Depuis un certain temps, l'alarme a été sonnée concernant la nécessité d'une sécurité en ligne pour les adolescents. Bien que la connectivité mondiale soit une merveilleuse opportunité, les parents doivent rester vigilants face aux pièges potentiels.
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Nos collègues de RTL Today ont discuté avec Alison Adams, psychologue spécialisée dans le travail avec les adolescents, pour comprendre les tendances observées dans cette tranche d'âge et comment les parents peuvent aider leurs enfants à devenir des utilisateurs responsables d'Internet.
Quelles sont les choses que vous avez pu constater concernant l'utilisation des réseaux sociaux chez les adolescents ?
L'un des aspects les plus préoccupants que j'ai constatés est un cycle vicieux où de jeunes adolescents utilisent leurs téléphones et écrans comme une échappatoire face aux difficultés qu'ils rencontrent. Cette dépendance diminue leur capacité à tolérer la détresse, à interagir efficacement avec autrui et à gérer leur anxiété, ce qui, à son tour...aggrave leur anxiété. Ainsi, l'utilisation des écrans comme moyen d'évasion tend souvent à perpétuer le problème sous-jacent.
Certains peuvent voir les réseaux sociaux comme une simple distraction inoffensive, mais pour les jeunes, le contenu peut être anxiogène. Par exemple, le syndrome "FOMO" (en anglais, "fear of missing out" qui signifie la "peur de rater quelque chose"), la comparaison constante avec d'autres, l'exposition à des problèmes mondiaux inquiétants, la désinformation et d'autres facteurs peuvent avoir un impact profond sur leur bien-être émotionnel. Même le contenu apparemment inoffensif peut nous influencer plus qu'on ne le pense.
Être constamment exposé à un flux d'informations, bonnes ou mauvaises, et à la vie des autres peut être émotionnellement épuisant. Se sentir toujours disponible et ressentir la pression de répondre instantanément aux messages peut également être accablant pour les adolescents.
Le temps excessif passé en ligne peut priver les jeunes des compétences sociales essentielles développées par les interactions en personne. J'ai rencontré des adolescents qui étaient en retard socialement par rapport à leurs pairs, car ils ont manqué des moments de socialisation clés parce qu'ils passaient trop de temps devant les écrans.
C'est une situation triste à observer, car ces jeunes, souvent anxieux, sont poussés à passer plus de temps en ligne au détriment du monde réel. Cette peur des interactions sociales les empêche souvent d'explorer de nouvelles activités ou de s'engager dans des clubs - les répercussions sont considérables.
Bien que les amitiés en ligne puissent être enrichissantes, elles ne fournissent pas toujours le même niveau d'épanouissement que les amitiés en personne, limitant ainsi le développement social des adolescents.
La surexposition aux écrans peut également perturber le sommeil des adolescents en raison de la luminosité des écrans et du temps passé de manière sédentaire sans utiliser le moindre muscle ou le cerveau. Et donc, au moment d'aller se coucher, ils peuvent être agités, inquiets, ou même n'être pas fatigués du tout !
De plus, le flux constant de contenu peut maintenir le cerveau en éveil même après la déconnexion. Rien de tout cela n'est relaxant ou bénéfique pour un bon sommeil, ce qui est très important pour les jeunes en pleine croissance !
J'ai rencontré beaucoup d'adolescents adorables qui sont très agités, irritables et hargneux après avoir passé trop de temps sur les réseaux sociaux. Bien que ce phénomène puisse affecter tout le monde, il est particulièrement préoccupant chez les jeunes, étant donné que leur cerveau est encore en plein développement.
Les effets à long terme de l'utilisation des médias sociaux sur des aspects tels que l'estime de soi, la capacité d'attention, l'humeur, le développement émotionnel, la physiologie et les compétences sociales des adolescents sont encore peu compris par la communauté scientifique. Bien que des études soient en cours, elles ne progressent pas assez rapidement pour fournir une compréhension complète de l'ampleur du problème.
Les réseaux sociaux peuvent avoir des effets positifs et négatifs sur la santé mentale. Est-ce vrai ?
Je connais de nombreux adolescents qui utilisent les réseaux sociaux de manière responsable, certains ayant même choisi de supprimer leurs comptes après avoir réalisé qu'ils devenaient dépendants et que cela leur prenait trop de temps.
D'un autre côté, j'ai aussi rencontré des adolescents qui minimisent leur utilisation excessive en la considérant comme normale ou "pas trop grave," malgré les signes évidents comme une anxiété accrue, des troubles du sommeil et une mauvaise gestion du temps. Ils peuvent parfois attribuer ces effets à d'autres facteurs ou les ignorer délibérément.
Les réseaux sociaux en eux-mêmes ne sont ni bons ni mauvais ; c'est l'usage qu'on en fait qui compte. Beaucoup d'adolescents que je connais les utilisent de manière constructive pour rester en contact avec leurs amis et leur famille, explorer leurs passions personnelles ou professionnelles, ou simplement profiter de l'interconnectivité du monde moderne. Être connecté à l'échelle mondiale peut être une expérience enrichissante et, dans l'ensemble, l'utilisation des réseaux sociaux par un adolescent n'est pas nécessairement néfaste.
Ce sur quoi nous devons être vigilants, c'est le temps passé sur les téléphones et les écrans en général, le type de contenu consulté et partagé, ainsi que les paramètres de confidentialité appropriés. L'objectif est d'éviter que les réseaux sociaux deviennent l'unique centre d'intérêt de l'enfant, ou que le téléphone devienne sa principale source d'information ou de divertissement.
Les enfants et les adolescents possèdent un potentiel immense et sont extrêmement intelligents. Il est regrettable que ces qualités puissent parfois se perdre dans le monde numérique ou même être compromises par une utilisation excessive des écrans et une dépendance aux réseaux sociaux.
Comment les parents peuvent-ils aider leurs adolescents à utiliser les réseaux sociaux de manière responsable tout en minimisant les effets néfastes d'une exposition excessive ?
Idéalement, les parents devraient aider leurs adolescents à trouver un équilibre dans leur vie, ce qui s'applique à tous les aspects, pas seulement aux réseaux sociaux. Lorsqu'un jeune a des passions et des relations enrichissantes, il est moins enclin à passer des heures à "scroller" sur son téléphone. Rien n'encourage plus à se déconnecter et à s'investir dans le monde réel que des activités extérieures passionnantes !
Les parents peuvent également décider de limiter le temps d'écran de leurs enfants ou de les encourager à laisser leur téléphone hors de leur chambre à coucher. Pour les parents dont les enfants plus jeunes ont récemment obtenu leur premier smartphone, il est conseillé de superviser initialement tous leurs comptes de réseaux sociaux.
Selon votre expérience, constatez-vous que les interactions en personne avec les amis sont de plus en plus remplacées par des amitiés virtuelles et l'utilisation des réseaux sociaux ?
À vrai dire, ce n'est pas quelque chose que j'ai remarqué chez mes clients. Je connais quelques jeunes qui ne donnent pas la priorité à la socialisation en face à face parce qu'ils préfèrent passer leur temps à discuter avec des amis en ligne, ou parce qu'ils sont socialement anxieux et préfèrent la sécurité d'Internet à l'incertitude des interactions en personne.
C'est un véritable problème auquel nous, en tant que parents, devons être attentifs. La communication en ligne est une forme tout à fait valide de socialisation, mais elle ne doit pas devenir la seule méthode de socialisation privilégiée.
D'une manière générale, les enfants sont des êtres sociaux par nature et, d'après mon expérience, ils préfèrent toujours les rencontres en personne, surtout en grandissant. Les adolescents qui se limitent à des interactions strictement en ligne ne sont souvent pas complètement satisfaits de ne pas rencontrer leurs amis en personne, et le feraient s'ils en ont l'occasion.
Est-il important que les parents deviennent des modèles exemplaires pour les enfants ? Par exemple en adoptant des habitudes numériques saines ?
Les enfants et les adolescents observent leurs parents bien plus qu'on ne le pense ! Ils sont souvent très conscients des différences entre nos actions en tant que parents et nos recommandations. Si votre enfant constate que votre téléphone est votre principale source de divertissement ou que vous l'utilisez fréquemment pendant les moments en famille, il peut avoir du mal à comprendre pourquoi vos habitudes sont différentes des leurs ou pourquoi seuls eux devraient avoir des limites de temps.
En même temps, il est essentiel que les enfants et les adolescents comprennent que les parents doivent parfois utiliser leur ordinateur ou leur téléphone pour le travail, l'administration ou la gestion de certaines affaires de famille.
Les tâches ennuyeuses d'adulte effectuées en ligne comptent comme du temps d'écran, et nous devons donc être vigilants sur la quantité de temps que nous y consacrons par rapport à nos interactions en personne. Cependant, ces activités diffèrent souvent du simple fait de scroller sans but sur TikTok comme le font de nombreux ados.
C'est une situation où une communication ouverte est primordiale ; nous ne devons pas dissimuler que les téléphones font partie intégrante de nos vies, tout en enseignant de bonnes pratiques à nos enfants. L'équilibre et une utilisation réfléchie sont essentiels lorsque nous abordons le sujet des écrans et des réseaux sociaux.
En tant qu'adultes, nous ne devons pas oublier que nous aussi pouvons être affectés par les réseaux sociaux. Bien que nous soyons moins influençables que les adolescents en raison de notre expérience et d'un cerveau pleinement développé, nous pouvons ressentir le syndrome FOMO, aggraver notre anxiété ou notre dépression, et voir nos insécurités exacerbées par les réseaux sociaux.
Il est crucial pour chacun, quel que soit l'âge, de cultiver des intérêts variés et de considérer nos appareils comme des outils dans notre vie plutôt que de les laisser devenir notre monde à part entière.
Y a-t-il des ressources disponibles au Luxembourg pour les parents souhaitant aider leurs enfants à naviguer en toute sécurité sur les réseaux sociaux et à influencer positivement leur utilisation ?
Le site Web BEE Secure met à disposition toutes les informations et guides pratiques nécessaires pour aider les parents à accompagner leurs enfants dans une utilisation sécurisée des réseaux sociaux. Il propose également un moyen de signaler les activités en ligne illégales ou suspectes, ainsi qu'un service d'assistance téléphonique accessible à tous pour toute question ou problème lié à Internet. Le site est disponible en français et en allemand; je ne suis cependant pas certaine de la disponibilité de leur ligne d'assistance téléphonique en anglais. Vous pouvez toujours les contacter par écrit via un formulaire en ligne.
À l'échelle de l'UE, ce site offre des ressources en anglais, des articles informatifs et un guide des applications smartphone les plus courantes. En outre, ZEV (Centre pour comportements excessifs et addictions comportementales) propose une aide gratuite et anonyme pour la dépendance aux médias sociaux, aux jeux vidéo et autres problèmes similaires, bien que leur site Web ne soit disponible qu'en anglais et en français.
La ressource la plus précieuse pour les parents reste sans conteste la communication ouverte avec les enfants...cela semble évident, mais c'est vrai. Il est de notre devoir de garantir que nos enfants entrent dans la vie avec les compétences nécessaires pour une utilisation saine et équilibrée des technologies. Expliquer nos préoccupations quant aux dangers potentiels des réseaux sociaux et guider nos enfants vers une responsabilité en ligne est bien plus efficace que de simplement imposer des règles sans explication et dire des choses comme "parce que je l'ai dit" ou "parce que c'est mauvais pour toi."
Si vous avez du mal à engager cette conversation à la maison, un thérapeute familial ou un conseiller peut vous aider à faciliter les échanges. Vous pouvez également solliciter l'aide du conseiller scolaire de votre enfant s'il entretient déjà une relation avec lui.
Le cabinet d'Alison, Alison Adams Counseling, est basé au Luxembourg et peut être contacté à l'adresse adamspsylux@gmail.com.