Anita Balázs-Miklovicz, psychologue clinicienne spécialisée en santé mentale et thérapeute de couple, explore les dilemmes liés à la parentalité.

Décider consciemment de devenir parent – ou de ne pas avoir d’enfants – est l’un des grands dilemmes de notre époque. Ce choix influence profondément la manière dont nous nous percevons, construisons notre identité et envisageons notre avenir. Idéalement, la parentalité ne devrait plus découler d’attentes sociales, mais d’une décision réfléchie et personnelle.

Dans cet article, j’explore les facteurs qui influencent cette décision majeure, ainsi que les tensions intérieures qu’elle peut susciter et comment apprendre à les apprivoiser.

Le dilemme de la parentalité

Choisir d’avoir un enfant ou de rester sans enfant est l’une des décisions les plus marquantes d’une vie. Au-delà du simple "vouloir un bébé ou non", cette question touche à l’essence même de notre identité, de nos valeurs et de notre vision du futur.

Il est utile d’imaginer le désir d’enfant comme un spectre. À une extrémité, certaines personnes savent depuis toujours qu’elles veulent devenir parents. À l’autre, certaines n’ont jamais envisagé leur vie avec des enfants. Entre ces deux pôles, une vaste zone de nuances : celles et ceux qui doutent, hésitent, et oscillent entre les avantages et les inconvénients de chaque option. Pour eux, la réponse n’est ni simple ni évidente – et c’est parfaitement normal.

Dans ma pratique, j’observe souvent que les personnes indécises se reprochent leur manque de clarté. Pourtant, cette hésitation est naturelle et légitime. Quelle que soit la décision finale, il est probable qu’elle s’accompagne toujours d’une certaine ambivalence – la conscience à la fois des bénéfices et des défis du chemin choisi.

Il est donc essentiel d’écouter cette petite voix intérieure qui murmure la direction la plus susceptible de vous apporter une satisfaction durable. Et bien sûr, si vous êtes en couple, de tenir compte de la position de votre partenaire sur ce même spectre.

Le poids de cette décision tient aussi à son caractère irréversible : devenir parent transforme la vie pour toujours, tandis que choisir de ne pas avoir d’enfants devient, avec le temps, plus difficile à remettre en question.

L’impact de la pression sociale

Même si le choix conscient de ne pas avoir d’enfants est aujourd’hui mieux accepté, les attentes sociales continuent d’exercer une influence considérable. Famille, amis ou collègues posent souvent des questions comme : "Alors, c’est pour quand le bébé ?" ou encore "Tu n’as pas peur de passer à côté de quelque chose ?"

Ces remarques, souvent bien intentionnées, peuvent néanmoins susciter de la gêne, de l’anxiété ou de la culpabilité – surtout lorsqu’on n’a pas encore trouvé de réponse claire pour soi-même.

Pourtant, une telle décision doit avant tout naître d’une conviction intime, et non d’une pression extérieure. Il est essentiel d’apprendre à distinguer ce qui vient des attentes des autres de ce qui vient réellement de vos propres désirs. Essayez de mettre en sourdine les voix extérieures et de prêter attention à la vôtre. Après tout, il s’agit de votre vie – et c’est vous, avant tout, qui vivrez avec les conséquences de ce choix.

L’âge et son rôle dans la décision

Nos réflexions sur la parentalité évoluent souvent avec le temps. À vingt ans, avoir des enfants peut sembler abstrait ou lointain ; à trente-cinq ans, les réalités biologiques peuvent commencer à peser davantage dans la balance. Il n’est pas rare non plus qu’une personne convaincue de ne pas vouloir d’enfants change d’avis plus tard – ou l’inverse.

Il peut donc être utile de revisiter cette question régulièrement. Vos valeurs, votre situation personnelle et vos priorités évoluent, tout comme la dynamique de votre relation, qui influence elle aussi votre point de vue. Dans le même temps, il est important de reconnaître que le facteur biologique – en particulier pour les femmes – est bien réel et mérite d’être pris en compte dans votre réflexion.

Les facteurs qui influencent la décision

Le choix d’avoir ou non des enfants dépend d’une multitude de facteurs : personnels, relationnels, financiers et sociétaux.

Sur le plan personnel, votre éducation, votre rapport à la famille, les valeurs que vous avez intégrées et les stratégies que vous avez développées pour faire face aux défis de la vie jouent tous un rôle.

Sur le plan relationnel, des éléments tels que la stabilité de votre couple, le degré de satisfaction que vous en tirez, la compatibilité de vos visions de la parentalité, ou encore la solidité de vos ressources émotionnelles communes sont déterminants. Parfois, la question se pose aussi de savoir si le désir d’enfant naît d’un élan partagé…ou d’un espoir de réparer ou renforcer la relation.

Prendre le temps d’examiner ces dimensions peut vous aider à clarifier vos motivations et vos peurs. Il n’existe pas de décision "idéale" ou universelle : ce qui épanouit une personne ne conviendra pas nécessairement à une autre. Trouver votre propre voix intérieure est donc essentiel.

La parentalité comme le choix de ne pas avoir d’enfants comportent chacun leurs défis et leurs richesses. Au-delà de votre perspective individuelle, il est aussi crucial d’aborder la question à deux : quels sont les souhaits de votre partenaire ? Comment chacun de vous se positionne-t-il face à la parentalité ? Ces échanges influenceront inévitablement la décision finale – celle qui, espérons-le, reflétera vos valeurs communes et votre vérité partagée.

Préparation personnelle et maturité

L’un des facteurs les plus déterminants dans la décision de devenir parent est le sentiment de préparation et de maturité personnelle. Être parent représente une responsabilité immense : pendant un certain temps, vos propres besoins passent souvent au second plan, et les défis du quotidien avec un jeune enfant peuvent facilement ébranler votre équilibre émotionnel. Cela demande de la patience, de la résilience et une grande capacité d’adaptation.

Beaucoup de personnes estiment ne pas être prêtes à endosser ce rôle – parfois parce qu’elles ne se sentent pas suffisamment stables sur le plan personnel ou relationnel, parfois parce qu’elles souhaitent consacrer leur énergie à d’autres projets de vie.

Il est donc précieux de réfléchir avec sincérité à ce que ce rôle implique réellement, et à votre disposition intérieure à l’assumer sur le long terme. La parentalité ne s’arrête pas aux premières années : c’est un engagement qui dure toute une vie.

Si vous ressentez de l’incertitude, il peut être utile d’en parler avec des amis déjà parents, pour obtenir un aperçu concret de leur expérience, ou avec un psychologue, qui pourra vous aider à clarifier vos émotions et vos motivations.

Dynamique relationnelle

La qualité et la stabilité de la relation de couple jouent elles aussi un rôle central dans cette décision. L’arrivée d’un enfant transforme profondément la dynamique relationnelle – elle peut renforcer un lien solide, mais aussi fragiliser une relation déjà tendue. Si des difficultés existent déjà dans le couple, il est préférable d’aborder ces sujets avant de décider d’avoir un enfant.

Une situation particulièrement délicate se présente lorsque les partenaires ne partagent pas le même désir de parentalité. Ces divergences exigent de nombreuses conversations, menées avec écoute, bienveillance et honnêteté. Si l’un des deux est fermement opposé à l’idée d’avoir des enfants, l’autre doit faire preuve de lucidité et ne pas s’accrocher à l’espoir qu’il ou elle "finira par changer d’avis".

Parfois, ce désaccord mène à un compromis ; d’autres fois, il met en lumière une incompatibilité fondamentale qui peut conduire à la fin de la relation. Dans tous les cas, il est essentiel d’aborder la discussion avec authenticité, respect et ouverture, en cherchant à comprendre le point de vue de l’autre autant qu’à exprimer le sien.

Questions que l'on me pose fréquemment

Comment savoir si je veux vraiment des enfants ou si c’est la pression sociale qui me pousse à le croire ?
 
C’est une question essentielle. Prenez le temps d’imaginer votre vie, dans le détail, avec et sans enfants. Observez vos réactions émotionnelles : que ressentez-vous face à chaque scénario ? Si vous avez du mal à distinguer vos véritables désirs des attentes des autres, le soutien d’un psychologue peut vous aider à y voir plus clair et à explorer vos motivations profondes sans jugement.

Que faire si mon partenaire et moi ne sommes pas d’accord sur le fait d’avoir des enfants ? 

C’est sans doute l’un des désaccords les plus difficiles qu’un couple puisse traverser, car il n’existe pas de véritable compromis : on ne peut pas "avoir à moitié" un enfant.
 
Commencez par engager un dialogue ouvert et sincère. Essayez de comprendre non seulement les positions de chacun, mais aussi les émotions et les peurs qui les sous-tendent. Une thérapie de couple peut également offrir un cadre neutre pour aborder ces échanges.
 
En fin de compte, il faut accepter que cette décision peut influencer profondément l’avenir de la relation. Chacun a le droit de vivre en accord avec ses valeurs et sa vision de la vie.

J’ai plus de 35 ans et je suis encore indécise. Comment décider malgré la pression de l’horloge biologique ?
 
L’horloge biologique est un facteur bien réel, surtout pour les femmes. Mais il est important de ne pas fonder votre décision uniquement sur ce critère. Consultez un médecin pour mieux comprendre votre situation personnelle : les tests de fertilité actuels peuvent offrir une vision précise et apaisante.
 
Demandez-vous également si vous seriez ouverte à d’autres chemins – comme le recours à un donneur ou l’adoption – si la voie naturelle s’avérait difficile. Gardez à l’esprit qu’aucune décision n’est parfaite : chaque option comporte ses avantages et ses défis. L’idée d’un "moment idéal" est souvent une illusion.

Comment gérer la pression sociale si je choisis de ne pas avoir d’enfants ? 

Apprenez à poser des limites claires. Préparez quelques réponses simples mais fermes aux questions ou remarques insistantes, comme :
 
"C’est une décision réfléchie, et je vous remercie de la respecter."
"J’ai choisi un autre chemin pour m’épanouir."

Cherchez également du soutien auprès de communautés ou de groupes partageant vos valeurs – que ce soit en ligne ou dans la vie réelle. Et surtout, travaillez à renforcer votre estime et votre confiance en vos choix. Plus vous serez ancré dans la conviction que votre vie vous appartient, moins la pression extérieure aura d’emprise.

Quel type de soutien psychologique est disponible si je me sens bloqué(e) dans cette décision ? 

Plusieurs formes d’accompagnement peuvent vous aider. Un suivi individuel permet d’explorer vos doutes, vos désirs et vos peurs, et de clarifier ce qui compte réellement pour vous.
 
Si vous êtes en couple et que la question des enfants est source de tension, une thérapie de couple peut offrir un espace d’écoute mutuelle et de compréhension.
 
L’essentiel est de trouver un professionnel qui vous accompagne sans imposer ses propres valeurs, mais qui vous aide à découvrir les vôtres et à prendre la décision la plus alignée avec votre authenticité.
 
Anita Balázs-Miklovicz est psychologue clinicienne spécialisée en santé mentale et partage son expertise sur le bien-être psychologique.