Malgré une baisse progressive des cas signalés, le harcèlement scolaire – y compris sous sa forme numérique – reste un défi préoccupant au Luxembourg.

Le harcèlement à l’école reste une réalité au Luxembourg, en ligne comme hors ligne, et soulève des préoccupations croissantes dans les établissements scolaires.
À ce jour, le ministère de l’Éducation, de l’Enfance et de la Jeunesse (MENJE) ne dispose pas de statistiques centralisées sur les cas de harcèlement ou de cyberharcèlement signalés directement par les écoles ou les structures d’accueil extrascolaire. Néanmoins, un dialogue est en cours avec les acteurs locaux et régionaux afin de renforcer les mesures de prévention et d’assurer une meilleure protection des personnes concernées.

Pour mieux comprendre les tendances sur le long terme, l’étude internationale "Health Behaviour in School-aged Children" (HBSC) constitue une importante ressource. Réalisée en partenariat avec l’Université du Luxembourg, le MENJE et le ministère de la Santé, cette enquête a recueilli en 2018 les réponses de 8,687 élèves luxembourgeois âgés de 11 à 18 ans. Elle révèle une baisse des cas de harcèlement scolaire entre 2006 et 2018, une évolution encourageante qui reste néanmoins à surveiller de près.

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Élèves ayant déclaré avoir harcelé d'autres élèves13.6%4.2%3.8%
Élèves ayant déclaré avoir été victimes de harcèlement13.0%8.2%8.8%

Qui est le plus à risque ?

Le risque d’être impliqué dans une situation de harcèlement – en tant que victime ou auteur – varie selon plusieurs facteurs démographiques et sociaux. Le rapport luxembourgeois HBSC (Health Behaviour in School-aged Children), croisé avec les données d'autres pays, met en lumière des tendances intéressantes.

Sexe : Les filles sont légèrement plus nombreuses à se dire victimes de harcèlement, tandis que les garçons sont davantage identifiés comme auteurs – souvent avec une intensité plus marquée dans leurs actes.

Âge : Les élèves les plus jeunes sont plus souvent pris pour cible. Bonne nouvelle : avec l’âge, ce risque diminue. Chez les filles, les comportements de harcèlement tendent à baisser en grandissant, tandis que chez les garçons, cette diminution est moins marquée.

Situation socio-économique : Les enfants issus de familles à faibles revenus déclarent plus souvent être victimes de harcèlement.

Statut migratoire : Les élèves issus de l’immigration sont davantage exposés, aussi bien en tant que victimes qu’en tant qu’auteurs.

Structure familiale : Les enfants vivant avec leurs deux parents sont statistiquement moins impliqués dans des situations de harcèlement, qu’ils soient victimes ou intimidateurs.

Soutien aux victimes, témoins et familles 

Qu’un enfant soit victime, témoin ou montre des signes de mal-être, la clé réside dans une intervention précoce, une communication ouverte et une collaboration étroite entre l’école, la famille et les services spécialisés.

À l’école primaire : détecter et agir rapidement

Dans l’enseignement fondamental, l’enseignant est souvent la première personne de confiance à repérer un changement de comportement ou un signe de détresse. Il a non seulement la responsabilité d’intervenir, mais aussi l’obligation légale d’en informer les parents si cela peut affecter le bien-être ou les résultats scolaires de l’enfant. Les enseignants sont donc au cœur du dispositif de prévention, en lien direct avec les familles pour élaborer ensemble des solutions.

Le rôle des parents et les ressources disponibles

Lors de la réunion d’information obligatoire avant les vacances de la Toussaint, les parents reçoivent des renseignements sur les ressources d’aide disponibles au niveau local et régional, ainsi que les contacts utiles. En fonction des besoins, des membres de l’équipe socio-éducative peuvent être invités à ces réunions pour offrir un accompagnement complémentaire.

Une réponse collective : enseignants, ESEB et Commission d’inclusion

Lorsqu’un cas de harcèlement est signalé, l’équipe éducative se réunit pour analyser la situation et définir les premières mesures. Si besoin, l’Équipe de soutien pour élèves à besoins éducatifs particuliers (ESEB) est sollicitée pour une évaluation approfondie et pour proposer un accompagnement adapté. Les élèves peuvent aussi prendre eux-mêmes contact avec l’ESEB.

Lorsque l’équipe entre en action, le consentement des parents est indispensable pour tout soutien prolongé, qu’il soit psychologique, social ou pédagogique. Si les difficultés persistent malgré ces interventions, la Commission d’inclusion (CI) peut être mobilisée pour mettre en place une aide plus ciblée et intensive.

Un soutien spécialisé pour les situations complexes

Dans les cas les plus délicats ou persistants, des structures spécialisées peuvent prendre le relais pour accompagner les élèves, les familles et les professionnels. Parmi elles, les centres de compétence luxembourgeois, qui se consacrent notamment au développement socio-émotionnel des enfants. Ils offrent un appui ciblé aux équipes ESEB, aux enseignants et aux familles, en apportant une expertise précieuse face à des problématiques plus profondes.

En parallèle, les centres socio-thérapeutiques (CST) accueillent les élèves en grande détresse et leur proposent des programmes éducatifs sur mesure, axés sur le comportement et l’équilibre émotionnel. L’objectif est de favoriser une réintégration progressive et durable dans le cadre scolaire classique, dans les meilleures conditions possibles.

Enseignement secondaire : prévention et accompagnement

Dans le secondaire, chaque lycée luxembourgeois dispose d’un Service psycho-social et d'accompagnement scolaire (SePAS), rattaché au département éducatif et psycho-social. Ce service met en place des programmes de prévention visant à renforcer les compétences émotionnelles des élèves, à sensibiliser aux risques liés aux réseaux sociaux, et à encourager la communication non violente.

Le SePAS offre également un soutien psychologique et social aux victimes de harcèlement ainsi qu’à leurs familles, les aidant à reconstruire leur estime de soi et à développer leur résilience.

Les délégués à la protection des élèves 

Chaque établissement secondaire doit désigner un ou plusieurs Délégués à la Protection des Élèves (DPE). Leur mission : prévenir la violence et promouvoir les droits des élèves au sein de l’école.

Les DPE œuvrent pour instaurer une culture de l’attention et de l’inclusion, avec un focus particulier sur les élèves vulnérables ou victimes de discrimination. Ils accompagnent les équipes éducatives, forment le personnel et, si nécessaire, signalent les cas graves aux autorités compétentes.

Stratégies mises en œuvre par les écoles au Luxembourg pour prévenir et lutter contre le harcèlement

Le harcèlement scolaire résulte d’une combinaison de facteurs individuels, sociaux et environnementaux. Face à cette complexité, l’approche luxembourgeoise repose sur la prévention, l’éducation et l’inclusion.

Un cadre préventif et éducatif

Le programme scolaire du primaire intègre le développement des attitudes relationnelles et l’éducation aux médias parmi ses compétences transversales. L’éducation aux médias est particulièrement pertinente face au cyberharcèlement, car elle aide les élèves à évoluer de manière responsable dans le monde numérique. L’objectif général est d’apprendre à coexister de manière harmonieuse, dans un esprit de respect mutuel.

Dans le cadre de son engagement contre le harcèlement, le MENJE développe en continu des campagnes, programmes et initiatives innovantes, parmi lesquelles :

Stop Mobbing

Créée en 2013, cette unité d’intervention traite les cas urgents et complexes de harcèlement à l’école, tant dans le fondamental que dans le secondaire. Elle intervient à la demande des établissements en mobilisant des médiateurs formés, qui apportent un soutien ciblé sur place. Leur mission : sensibiliser, proposer des solutions concrètes, et restaurer un climat scolaire positif et respectueux. L’initiative accompagne les élèves, les classes, les enseignants, les parents et les équipes pluridisciplinaires.

BEE SECURE

Cette initiative gouvernementale joue un rôle central dans la promotion de la sécurité en ligne, avec un accent mis sur la prévention du cyberharcèlement. Plus de 1.000 sessions de formation ont été organisées dans les écoles et structures extrascolaires. Ces sessions s’adressent non seulement aux jeunes, mais aussi à leur réseau de soutien (parents, enseignants, éducateurs), en leur transmettant les connaissances et compétences nécessaires pour reconnaître, prévenir et gérer efficacement les situations de cyberharcèlement.

The S-Team: Setz dech an! (Implique-toi!)

Ce projet vise à prévenir la violence en milieu scolaire, du primaire au secondaire ainsi que dans les structures d’accueil périscolaire. Il encourage les enfants et les jeunes à s’engager activement dans la création d’un environnement respectueux, inclusif et solidaire. Encadrés par des animateurs adultes, les participants forment des groupes de projet qui conçoivent et mettent en œuvre des activités de sensibilisation entre pairs, axées sur la non-violence, l’empathie et le courage civique.

Cadre juridique et mesures disciplinaires

Dans l’enseignement secondaire, la loi modifiée du 25 juin 2004 encadre les mesures disciplinaires et éducatives destinées à lutter contre le harcèlement, y compris le harcèlement sexuel. Selon la gravité des faits, l’âge, la maturité de l’élève et le caractère répété des comportements, un conseil de discipline peut être convoqué pour décider des sanctions appropriées à l’encontre de l’auteur. Parmi les mesures possibles :

  • Avertissements formels
  • Tâches pédagogiques
  • Exclusion temporaire des cours
  • Retenue en dehors des heures de classe, sous surveillance, avec une tâche imposée par un enseignant ou un surveillant

En cas de faute grave, la loi autorise l’expulsion définitive de l’enseignement secondaire. Cela concerne notamment les cas de harcèlement impliquant des insultes graves, des menaces, des violences physiques, ou encore des incitations à la haine raciale, à la xénophobie ou à l’intolérance religieuse dirigées contre des membres de la communauté scolaire.