© Claudia Kollwelter / RTL
Au sixième jour d'audience dans le procès Bommeleeër bis, les accusés ont leurs propres explications sur les raisons pour lesquelles ils ne savaient pas ce qu’ils auraient dû savoir ou ne pouvaient pas savoir ce qu'on leur demandait.
Mardi matin, les six, respectivement cinq accusés ont pris la parole. L’un d’eux, en raison de son âge avancé, 97 ans, ne pouvait pas comparaître en personne devant la Chambre criminelle et est représenté par son avocat.
Nombre des accusés étaient fatigués après toutes ces années d’interrogatoires, ce qui se voyait. Certains avaient du mal à retenir leurs larmes. "J’ai déjà été interrogé 19 fois, pendant 65 heures en tout", a, par exemple, déclaré Guy Stebens, âgé de 65 ans. "Je ne peux rien ajouter qui n’ait déjà été dit ou écrit", a-t-il affirmé. Les autres étaient dans le même état d’esprit : bien qu’ils ne souhaitent plus rien dire, ils ont tout de même été interrogés par les juges.
Le premier à témoigner fut l’ancien agent de la Sûreté, Guillaume Büchler. En 2003, il avait déclaré qu’ils avaient "croisé par hasard en voiture" Ben Geiben à Bruxelles. Plus tard, il a cependant eu la conviction qu’il s’était trompé. Comme raison possible pour ne pas l'avoir immédiatement remarqué, il évoque une éventuelle hypoglycémie. "Je me demande quelle raison j’aurais eue de mentir dans ce cas", s’interroge Guillaume Büchler.
En tant qu’enquêteur, il sait bien ce qu’il risque en cas de fausse déclaration. Il n’avait d’ailleurs pas été formé pour une surveillance plus complexe comme celle de Ben Geiben.
Marcel Weydert : "Je me suis moi-même compromis"
Il est reproché à Marcel Weydert (68 ans), ancien membre de la Brigade Mobile, d'avoir affirmé lors du procès en 2013 qu'il figurait sur une photo prise après les attentats aux Casemates. Un fait qui s’est toutefois révélé faux. "C’était une erreur d'appréciation" et "Je me suis moi-même compromis", a déclaré l’accusé mardi. Mais il n’avait aucune raison d’en douter lorsque Marc Scheer lui avait demandé s’il était bien la personne sur la photo.
Guy Stebens : "Il ne m’est parvenu aucune information qui indiquerait l’identité du Bommeleeër"
Il a été difficile pour Guy Stebens de lire sa déclaration. "D’abord, parce que je réaffirme une fois de plus mon innocence dans toute cette affaire", a déclaré l’accusé, ancien membre de la Brigade Mobile. Il estime n’avoir rien à se reprocher. En tout cas, rien de répréhensible.
Il y a 40 ans, lorsqu’il était un jeune officier, il n'a certainement pas tout bien fait. Mais en aucun cas il n’a entravé ou dissimulé quoi que ce soit. Il n’avait ni motif ni intérêt à cacher quelque chose et il ne sait pas qui sont les auteurs. Lui aussi souhaite que l’affaire soit résolue et que son innocence soit prouvée. Quand il a pris la tête du groupe chargé de l’enquête Bommeleeër, 15 des 20 attentats avaient déjà eu lieu, et à 25 ans, il n’avait pas assez d’expérience professionnelle pour ce poste.
Lors de la surveillance de Geiben à Bruxelles et de l’attentat contre le Palais de justice, il n’était pas au Luxembourg. À son retour, le sujet n’a pas été abordé davantage.
Pierre Reuland : "On ne sait plus quoi dire"
"En 2013, j’étais un témoin très particulier", déclare Pierre Reuland, ancien chef de la Brigade Mobile. Il explique cela par deux événements. Lorsque Marc Scheer et Jos Wilmes ont été arrêtés en novembre 2007, ce fut pour lui le plus grand choc de sa vie. Il voyait les deux hommes chaque jour pendant leur période active, et ils partageaient un petit bureau à huit. Une pièce où l’on vivait ensemble, explique l’accusé. Il n’aurait jamais pu imaginer passer chaque jour avec deux personnes soupçonnées d’être des poseurs de bombes (Bommeleeër). Parfois, ils participaient ensemble à une opération lorsqu’un attentat avait lieu. Il a ensuite considéré qu’il était de sa responsabilité, en tant que chef administratif, de les soutenir. Jusqu’à aujourd’hui, il reste convaincu de leur innocence.
En outre, le rapport du SREL, rendu public en 2007, indiquait qu’il n’avait pas participé à la surveillance de Geiben. Il en a donc conclu qu’il n’était pas présent. Il s’est présenté au procès en 2013 avec ces deux convictions. Il se demande également quel intérêt il aurait eu à mentir. "Je ne suis pas le Bommeleeër, je ne connais pas le Bommeleeër et je n’ai rien à cacher non plus", répète l’homme aujourd’hui âgé de 67 ans, qui a été interrogé et entendu à 18 reprises.
Interrogé sur l’absence de questions concernant la surveillance de Geiben à l’époque, Pierre Reuland a répondu : "Nous n’étions pas les enquêteurs, nous, la Brigade Mobile, nous les aidions. Mais les responsables de l’enquête ne se trouvaient pas à la Brigade Mobile."
Armand Schockweiler : "C’était comme ça à l’époque"
"J’ai participé à 17 auditions. Lors de celles-ci, j’ai donné toutes les informations en fonction de mes connaissances et j’ai toujours dit la vérité", a souligné Armand Schockweiler (70 ans), ancien agent de la Sûreté. Il a cependant critiqué le fait que, dans la présentation des faits qui lui sont reprochés, on ne se soit pas replacé dans le contexte de l’époque. On travaillait alors très différemment d’aujourd’hui. Certaines choses se faisaient à l’époque qui ne se font plus aujourd’hui, et d’autres ne se faisaient pas alors mais se font maintenant. Les procédures étaient différentes. Les choses n’étaient pas documentées, mais traitées oralement. "C’était comme ça à l’époque", affirme l’homme aujourd’hui âgé de 70 ans. Toutes les grandes affaires se déroulaient ainsi.
Lorsque la juge a demandé ce qu’il était advenu de la piste Geiben à l’époque. Et pourquoi on n’en avait plus parlé du jour au lendemain, l’accusé a répondu qu’il n’avait pas d’explication. "A un moment donné, on est arrivé à un point où plus personne ne croyait à la piste Geiben." Quand les quatre agents sont arrivés à Bruxelles en octobre 1985 pour échanger avec la police belge, Ben Geiben était déjà au courant de la surveillance, probablement par un collègue. Ce serait ce qui est sous-entendu quand on dit que quelque chose a mal tourné à Bruxelles.
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