© RTL Archiv
Au deuxième jour du procès Bommeleeër bis, mardi, un expert de l'Université du Luxembourg a été entendu comme témoin.
"Est-il possible qu’après 30 ans, lorsqu’on a vécu quelque chose, on ne parvienne plus à le replacer dans le bon contexte ?", a demandé la présidente de la Cour. "Absolument", a immédiatement répondu la professeur en neurosciences cognitives. L’oubli joue un rôle important dans le procès sur les faux témoignages présumés en 2014. Les six accusés ont-ils menti sciemment et délibérément, ou leur mémoire leur a-t-elle joué des tours ? Après les déclarations de l’experte, la seconde hypothèse est tout à fait envisageable.
Il existe très peu d’études menées sur le long terme sur la quantité d’informations oubliées avec le temps. Mais un chercheur australien est arrivé à la conclusion qu’au-delà de 20 ans, et au bout de 40 ans, deux tiers des souvenirs ne seraient plus accessibles. Toutefois, si les moments sont plus marquants, rares ou émotionnellement intenses, on les conserve plus facilement. Et cela vaut même lorsque les émotions étaient plutôt de nature négative que positive.
Les incitations au fil des années pourraient également modifier la mémoire. Pour récupérer des souvenirs, il faut des indices liés à cette mémoire, explique l’experte. La mémoire ne peut être comparée à un enregistrement : elle évolue avec le temps. Par exemple, on peut se rappeler d’un événement dans un certain contexte, alors qu’il s’est produit dans un autre. "Le contenu est exact, mais la source est erronée", conclut-elle. Ainsi, de fausses informations peuvent aussi être encodées comme vraies.
Les avocats et la présidente de la Cour ont alors voulu découvrir si l’on ne pouvait pas mieux se souvenir d’un fait si l’on avait été chargé d’observer son ancien supérieur, car c'était un fait exceptionnel. Il s'agissait d'une allusion aux fausses déclarations concernant l’observation de l’ancien membre de la Brigade mobile, Ben Geiben. L’experte n’a toutefois pas pu fournir de réponse concrète. Elle s’est limitée à dire : "En tant que scientifique, je ne dirai jamais : Cette personne doit s’en souvenir. La science ne le permet pas. La probabilité est élevée, mais je ne dirai jamais : Elle doit… ".
Enquête sur le faux témoignage présumé d'un accusé
Après le témoignage de l’experte, qui avait été convoquée par l’avocat de Pierre Reuland, Maître Roland Assa, un des enquêteurs de la police a fait un bref rappel de l’affaire. "Nous avons dû constater que les déclarations faites en 2013 et 2014 devant la chambre criminelle n’étaient, pour certaines, pas cohérentes. Ou qu’elles étaient en contradiction avec celles d’autres témoins ou encore fausses d'après les constatations", a indiqué l’enquêteur. La première enquête présentée portait sur les fausses déclarations présumées de Marcel Weydert.
Aujourd’hui âgé de 68 ans, Marcel Weydert, ancien membre de la Brigade mobile, est accusé d’avoir fait une fausse déclaration concernant une photo. Il s’agit d’une photo publiée en 2012 dans le Luxemburger Wort. Après sa publication, l’un des accusés du procès Bommeleeër, Marc Scheer, lui avait envoyé un e-mail pour lui demander s’il pouvait confirmer que c’était bien lui, M. W., sur la photo, à côté de lui. Jusqu’alors, on supposait qu’il s’agissait du deuxième accusé du procès Bommeleeër, Jos Wilmes. Mais Marcel Weydert avait confirmé par courrier à Marc Scheer qu’il figurait bien sur cette photo, prise sur les lieux juste après l’attentat aux Casemates en 1985. Or, l’enquête a révélé que Marcel Weydert ne pouvait pas se trouver là à cette date, car il était en vacances en Italie avec sa famille.
Pourquoi est-il important de savoir s’il était présent lors de l’intervention aux Casemates ou non ? L’avocat de Marcel Weydert, Maître Frank Wies, l’a expliqué après l’audience : "Pour le parquet, c’est important dans le sens où il affirme qu’il y a eu une tentative de remettre en cause la crédibilité de l’enquête". Si, tout à coup, dans le dossier Scheer/Wilmes (les deux accusés du procès Bommeleeër de 2014), il était dit que ces deux personnes (Scheer et Weydert et non les deux accusés, ndlt) étaient présentes sur les lieux le soir des attentats, alors tout pourrait être remis en question. Le parquet pourrait alors conclure que la crédibilité de l’enquête pourrait être compromise. Et cela pourrait mener à une remise en cause du procès.