Travailler de l’autre côté de la frontière peut changer une vie. Les actifs de Lorraine et, plus généralement du Grand Est, qui franchissent chaque jour la frontière vers le Grand‑Duché touchent en moyenne 65% de salaire en plus qu’en France.

Selon l’Insee, à proximité de la frontière, les frontaliers gagnent en moyenne jusqu’au double de leurs voisins qui travaillent en France. Les comparaisons de salaires réalisées par l’Insee font apparaître des ratios moyens qui oscillent globalement entre 1,25 et 2,04 selon les contextes, confirmant l’attrait financier du Grand-Duché.

Ce différentiel s’explique principalement par des salaires plus élevés à emploi identique et par une structure de l’emploi luxembourgeois plus qualifiée. L’Insee souligne que le niveau de diplôme des frontaliers est, en moyenne, plus élevé, ce qui contribue à l’écart de rémunération, tandis que des éléments institutionnels (minima sociaux, cadre pour les entreprises, carrières plus courtes) jouent également un rôle.

Pour aller plus loin: Étude de la Deutsche Bank - Vivre au Luxembourg, entre prospérité et coût de la vie

Des écarts faramineux

Les actifs résidant en Moselle, Meurthe-et-Moselle et en Meuse gagnent globalement 65% de plus s’ils travaillent au Grand-Duché du
Luxembourg, que s’ils travaillent en France.

Les salariés de l’industrie manufacturière perçoivent 40% de plus en moyenne, ceux du secteur de la finance hors assurance 94% de plus, et ceux de la santé et de l’action sociale 103% de plus.

Les cadres frontaliers âgés de 40 à 49 ans, titulaires d’un bac+5, gagnent ainsi 77% de plus que leurs homologues non frontaliers, soit 90.540€ par an au Luxembourg contre 51.220€ dans le Nord-Lorrain. Toutefois, ces rémunérations présentent une forte variabilité, ce qui invite à la prudence dans leur interprétation.

La surprise vient des employés frontaliers de la finance, titulaires d’un bac. Leur salaire annuel atteint 60.670 €, soit 2,14 fois plus que les employés restés en France (28.390€). Mieux encore, ces employés frontaliers gagnent davantage que des cadres non frontaliers diplômés bac+5. Cette inversion des hiérarchies salariales confirme l’attractivité du Luxembourg, où 36% des salariés du Nord-Lorrain sont désormais des travailleurs frontaliers.

RTL

© JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP

Maintien de l'attractivité

En toile de fond, la progression de l’emploi frontalier vers le Luxembourg reste dynamique, avec une hausse comprise entre 7,4% et 8,6% sur 2018‑2020 selon les sources mobilisées par l’Insee.

Le phénomène s’accompagne d’un fort renouvellement des flux: environ 20% des frontaliers vers le Luxembourg sont de nouveaux entrants chaque année, et, en 2020, 17.800 nouveaux frontaliers ont rejoint les 86.100 résidents de Moselle et Meurthe-et-Moselle travaillant au Grand-Duché. Les trois quarts de ces nouveaux frontaliers occupaient un emploi en France l’année précédente, ce qui montre un basculement significatif du marché du travail local vers le voisin luxembourgeois.

À court terme, l’attractivité devrait se maintenir: les prévisions de croissance évoquées pour le Luxembourg (création potentielle de 70.000 emplois d’ici 2026) laissent penser que le flux de frontaliers restera soutenu, tant que l’écart de rémunération et la demande de compétences restent favorables aux actifs lorrains.

En synthèse, l’avantage salarial luxembourgeois, parfois proche du double, combiné à des facteurs de qualification et de proximité géographique, structure durablement le marché du travail aux frontières françaises du Grand Est.