
© Maxime Gonzales/ RTL Luxembourg
Empêtré dans une nouvelle crise, le marché de l'immobilier luxembourgeois a perdu de son attractivité ces trois dernières années. Sa rentabilité est désormais régulièrement remise en question. Dans ces conditions, est-ce que ça vaut encore la peine d'acheter au Luxembourg? Nous avons posé la question à des experts.
La pierre a longtemps inspiré confiance au Grand-Duché. Et pour cause, elle est à l'origine de l'enrichissement de tout un pan de la société luxembourgeoise. Mais après plusieurs années de croissance folle, les prix ont fini par atteindre des niveaux qui défiaient l'imagination."Tout le monde s'est gavé", déclarait à ce sujet l'économiste et auteur de plusieurs livres sur la question du logement au Luxembourg, Michel-Edouard Ruben.
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Mais après le "gavage" vint la crise. L'explosion des taux d'intérêt a mis un coup d'arrêt au marché de l'immobilier luxembourgeois forçant le gouvernement à intervenir par le biais d'un paquet logement très généreux. De quoi relancer le marché de l'ancien mais pas celui du neuf.
Et qui dit coup d'arrêt sur la VEFA, dit très peu de nouvelles constructions. Un problème qu'il va falloir régler si le Luxembourg ne veut pas voir son attractivité remise en question. En attendant, les taux d'intérêt ne semblent plus vouloir passer sous la barre des 3% et la BCE n'a pas annoncé de baisse à venir.
De quoi grignoter le fameux rendement des investisseurs locatifs au Grand-Duché, des acteurs dont on sous-estimait encore l'importance en 2020. Et c'est sans parler des problèmes de financement que rencontrent les promoteurs et les constructeurs du Luxembourg. Autant dire que le marché n'est pas sorti de l'auberge.
En attendant, le ministre du Logement cherche le "nouveau modèle" susceptible de faire repartir la machine mais l'avenir reste très incertain. D'où la question: est-ce que ça vaut encore la peine d'acheter de l'immobilier au Grand-Duché? Nous avons contacté plusieurs experts dont trois qui ont accepté de nous donner une réponse exhaustive.
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"Investir avant que le marché ne reparte à hausse"

François Xavier Gilen, directeur commercial chez Thomas & Piron Luxembourg / © Thomas & Piron Luxembourg
François-Xavier Gilen, directeur commercial chez Thomas & Piron au Luxembourg, s'est montré très optimiste quant à la rentabilité à moyen terme d'un achat immobilier au Grand-Duché. Il évoque une "reprise substantielle du marché du neuf" au moment où les chiffres officiels semblent indiquer le contraire. L'éventualité d'une hausse des prix est également mentionnée. Il rejoint ici les dires de Claude Meisch, ministre du Logement.
"Aujourd’hui, l’offre de logements neufs est là et est très intéressante, ce qui crée une fenêtre d’opportunité unique. Les banques assouplissent quelques peu leurs critères de financement et les taux se sont stabilisés. À ce jour, nous observons clairement une reprise substantielle du marché du neuf. Si la demande continue de se tendre, les prix remonteront mécaniquement. C’est donc le bon moment pour se positionner, avant que le marché ne reparte à la hausse."
"Pour les personnes encore hésitantes, il faut leur dire clairement : investir dans le neuf, c’est choisir un confort immédiat, des garanties tangibles (garantie décennale, garantie d’achèvement et performances énergétiques élevées, etc.) et un bien conforme aux normes européennes de demain. Dans un marché qui se rééquilibre, mieux vaut avancer avec un acteur solide, capable d’accompagner ses clients de A à Z et surtout de tenir ses délais — un critère devenu essentiel dans le contexte actuel."
"Acheter au Luxembourg a toujours du sens"

Julien Vinti, directeur commercial chez Barnes Luxembourg / © Barnes Luxembourg
Julien Vinti, directeur commercial chez Barnes Luxembourg, nous a donné une réponse nuancée et exhaustive à la question. Dans un contexte qui le nécessite, il a fait la distinction entre l'achat d'une résidence principale et l'investissement pur et dur. Et si des difficultés peuvent faire surface dans ce dernier cas de figure, M. Vinti insiste sur l'importance de savoir se projeter dans le temps car l'époque des "rendements automatiques" est bel et bien révolue.
"D’un point de vue fondamental, la réponse est oui, mais avec des nuances importantes. Le marché immobilier luxembourgeois s’est fortement replié au cours des trois dernières années, avec une correction moyenne de 10 à 20 % tous segments confondus. Ce phénomène s’explique principalement par la remontée brutale des taux d’intérêts, qui a mécaniquement amputé une partie de la capacité d’emprunt des acquéreurs potentiels. Néanmoins, cette correction s’est faite sans effondrement, preuve de la résilience du marché luxembourgeois."
"Malgré tout, plusieurs signaux montrent une phase de stabilisation dès l’année 2024 : les taux sont revus à la baisse, la demande longtemps mise en pause repart à la hausse, et les vendeurs ajustent finalement leurs prix afin de refléter les nouvelles réalités du marché. D’un point de vue structurel, les fondamentaux restent solides : pénurie de logements, croissance démographique soutenue, taux de chômage faible, attractivité du pays stable. L’offre qualitative reste faible, notamment dans des communes comme Luxembourg et ses alentours, ce qui soutiendra mécaniquement les prix à moyen et long terme."
"Pour un achat en résidence principale, les conditions actuelles représentent selon moi une réelle opportunité avec une vision à 10 ans. En particulier dans le neuf, où les possibilités de négociation offertes par les promoteurs restent attractives. Bien que la plupart des aides incitatives de l’État disparaissent après juin 2025, le maintien du crédit d’impôt de 40 000 € par personne continue de constituer un levier intéressant pour les primo-accédants et les ménages souhaitant sécuriser leur projet avant la fin des dispositifs actuels."
"Du côté des investisseurs, l’attractivité est plus nuancée. La rentabilité a été fortement impactée ces dernières années, en particulier par la baisse du potentiel de plus-value à moyen-terme. Néanmoins, je reste optimiste au vue des développements en cours dans des quartiers en mutation tels que la Gare, Hollerich ou la Cloche d’or qui offrent encore de belles perspectives. Des opportunités s’offrent en particulier dans le domaine de la colocation ou logement meublé sur du court et moyen terme avec une demande en forte augmentation des dernières années."
"Il faut aujourd’hui raisonner en termes de taux de rendement interne (TRI) net, en intégrant fiscalité, charges, vacance, et potentiel de plus-value à moyen terme. Afin d’être le plus avisé possible, on ne peut plus se contenter uniquement d’un ratio loyer annuel/prix d’achat. Il faut savoir se projeter sur 10 à 15 ans et prendre en compte l’ensemble des revenus et dépenses, fiscalité incluse (revenu locatif, coût du financement, charges de gestion éventuelles, revente). Dans la plupart des cas, si l’on ne maitrise pas complètement l’ensemble de ces éléments, la plupart des rendements nets apparaissent négatifs. En conclusion, acheter au Luxembourg a toujours du sens, mais l’époque des plus-values automatiques et rapidement acquise est révolue. Il faut désormais une approche plus rigoureuse et accompagnée par des professionnels."
"Toujours plus intéressant d'être propriétaire"

Pierre Clément, fondateur et directeur de l'agence Nexvia / © Nexvia
Pour Pierre Clément, fondateur et directeur de l'agence Nexvia, s'il faut choisir entre louer et acheter, la réponse semble évidente. Il privilégie l'accession à la propriété qui se rentabiliserait dès la deuxième année dans le logement, d'après lui. Et comme Julien Vinti, il croit en la solidité des fondamentaux du marché luxembourgeois soit, une demande élevée et un parc immobilier restreint.
"Oui, car c’est synonyme d’accession à l’indépendance financière à long terme en devenant graduellement propriétaire de son logement (avec le remboursement du crédit). Mais c’est une peine qu’il faut porter à deux pour mieux la vivre ou juste pouvoir, vu l’effort financier nécessaire. Surtout que malgré les prix élevés, Luxembourg est un des pays du monde où l’achat est le plus rentable le plus rapidement pour la résidence principale."
"À une seule condition, pouvoir allouer un budget plus important facialement dans l’achat que dans la location d’un logement. L’outil 'Buy vs Rent' de Nexvia démontre mathématiquement qu’il est pratiquement toujours plus intéressant d’être propriétaire après seulement 2 années pleines dans le logement. Principalement grâce à l’absence de frais d’enregistrement et la déductibilité des intérêts d’emprunts – une exception luxembourgeoise."
"Le marché des appartements existants, celui des primo-accédants montre par ailleurs les signes les plus solides de stabilisation et reprise (volume et prix) – la base d’investissement semble donc saine. Nexvia estime enfin la reprise durable grâce au nouvel équilibre de prix trouvé sur le marché de l’existant couplé à un parc de biens relativement étroit par rapport à la demande générale."