
Les urgentistes veulent accompagner le Samu, mais les anesthésistes s’y opposent, en argumentant que la qualité du service en pâtirait. En coulisses, un autre motif officieux est également évoqué : la rémunération, qui inciterait les anesthésistes à ne pas vouloir ouvrir davantage le SAMU. Et effectivement, les gardes au SAMU sont très lucratives, comme l’ont montré les recherches de RTL.
Il y a quelques semaines, l’organisation et le fonctionnement du SAMU ont fait la une. Le référentiel, c’est-à-dire le document qui définit l’organisation et le fonctionnement du SAMU, doit être adapté, à la suite de la demande des urgentistes d’être autorisés à accompagner le SAMU. Jusqu’à présent, seuls les médecins et infirmiers spécialisés en anesthésie et réanimation peuvent le faire, mais cela devrait changer à la demande des urgentistes, qui ont le droit d’accompagner le SAMU à l’étranger.
Les anesthésistes considèrent cette proposition d’un œil très sceptique. Comme l’a expliqué le président du Cercle des anesthésistes, le Docteur Philippe Welter, dans une interview à RTL, le binôme anesthésiste/infirmier-anesthésiste “fonctionne mieux qu’un mariage”. Il ne faut pas y toucher, car cela nuirait à la qualité du service, selon lui. Il n’y a par ailleurs aucune pénurie d’anesthésistes, donc aucun besoin d’ouvrir le SAMU à d’autres médecins.
Les urgentistes, pour leur part, ne partagent pas cet avis. Pour eux, le SAMU fait partie du métier qu’ils ont choisi. La spécialisation des urgentistes s’est développée ces dernières années et ils disposent des qualifications nécessaires pour intervenir avec le SAMU. C’est d’ailleurs autorisé à l’étranger. En raison des restrictions imposées aux urgentistes, beaucoup ne souhaitent pas travailler au Luxembourg.
Une chose est sûre : beaucoup de médecins veulent accompagner le SAMU. Selon ce qui se dit en coulisses, cela tient aussi au fait que les gardes du SAMU sont très bien rémunérées. Mais savoir combien exactement n’est pas si simple.
Comme nous l’a confirmé le CGDIS, un anesthésiste perçoit 121,24 euros par heure d’astreinte (en stand-by). A cela s’ajoutent toutes les interventions, ainsi que les différents actes, facturés individuellement.
Les tarifs de ces actes médicaux figurent dans la nomenclature des médecins de la Caisse nationale de Santé. Ce document de 133 pages reprend notamment les informations pertinentes pour le Samu, que nous avons synthétisées dans ce tableau pour plus de clarté

Comme le montre ce tableau, un médecin gagne un montant conséquent par intervention : environ 200 euros, auxquels s’ajoutent des actes individuels ou des suppléments, par exemple si l’urgence est plus éloignée ou si les médecins doivent se rendre sur place par voie aérienne. Les transports médicalisés sont facturés 300 euros. Ne sont pas inclus ici les heures de nuit, les dimanches et les jours fériés.
La rémunération par garde dépend de sa durée, du nombre d’interventions effectuées, ainsi que de l’heure et des jours travaillés.
Prenons l’exemple d’une garde de 12 heures : cela représente 1.454,88 euros uniquement pour la disponibilité.
Selon nos informations, un médecin effectue en moyenne entre trois et cinq interventions pendant une telle garde. En partant sur quatre interventions, cela fait environ 800 euros supplémentaires. Pour une garde de 12 heures avec quatre interventions, un médecin gagne donc environ 2.250 euros. En n’incluant pas les actes médicaux supplémentaires, les suppléments ou les transports sanitaires.
Pour les heures prestées la nuit, les dimanches et les jours fériés, les actes sont facturés au double, ce qui peut porter la rémunération à plus de 5.000 euros sur ces gardes.
Quant au montant moyen gagné par un médecin sur une garde SAMU, la CNS n’a pas souhaité nous le communiquer.
Cette information n’a pas été évidente à obtenir non plus. Mais comme nous l’a expliqué le chef de base du SAMU au
Kirchberg, le Docteur Philippe Welter, ce sont les différents chefs de base qui décident de la répartition des gardes et de qui peut travailler à quel moment. Il n’y a pas de directives du CGDIS à ce sujet. Selon le Docteur Welter, au SAMU du Kirchberg, on atteint en moyenne, sur l’année, environ 200 euros de l’heure pour une garde au SAMU.
Le Docteur Welter a précisé à RTL qu’il existe au SAMU du Kirchberg un système équitable de répartition, tant pour les gardes que pour les rémunérations :
“Nous sommes 13 anesthésistes à intervenir au SAMU, et c’est organisé via un planning, un tableau de gardes. Ce système est homogène : chacun effectue autant de gardes que son collègue. Autrement dit, nous faisons tous plus ou moins le même nombre d’heures de garde. Cela inclut une répartition équitable des nuits, des week-ends et des jours fériés, que nous nous partageons entre nous.”
Ce mode de fonctionnement n’est toutefois pas imposé par le CGDIS. Chaque chef de base peut donc décider de la manière dont il organise ses équipes.
Le Docteur Philippe Welter : “Sur chaque base, ils s’organisent en fonction des possibilités et de leurs préférences.”
La possibilité que certains médecins profitent davantage que d’autres des gardes SAMU lucratives existe-t-elle ?
Le Docteur Philippe Welter:
“Eventuellement. Mais tel que je connais mes autres collègues chefs de base, c’est aussi géré de manière très équitable chez eux.”
Selon les informations de RTL, cette rémunération intéressante attire de nombreux médecins freelances venus de l’étranger. Le Docteur Welter a confirmé cette information, qui considère toutefois ce phénomène d’un œil critique :
“Je peux confirmer qu’il y a relativement beaucoup de freelances. De plus en plus, en fait. Mais je ne peux pas m’en réjouir, ce n’est pas dans mon objectif. Nous l’avions déjà dit en 2018, lors de la fusion avec le CGDIS : faire appel à des étrangers pour aider, aucun problème, mais le poids principal doit rester sur les médecins hospitaliers du pays, car nous souhaitons qu’au moins 50 % de l’activité se fasse à l’hôpital, justement pour conserver la compétence et le savoir-faire dont nous avons besoin au quotidien.”
Comme l’indiquent les urgentistes à RTL, cette rémunération attractive serait la principale raison pour laquelle les anesthésistes ne veulent pas ouvrir le Samu à leur profession. Ils ne voient pas d’autre explication.
Le Docteur Welter réagit à cette allégation:
“Je peux le comprendre. Je pense qu’actuellement, si on peut le dire ainsi, nous sommes à environ 200 euros bruts de l’heure. Que ce soit le jour, la nuit, les jours fériés ou le week-end, peu importe : le tarif reste le même pour les interventions. Si je regarde maintenant leur structure tarifaire aux urgences, elle est très confortable et a fortement augmenté l’année dernière, donc personne ne prend rien à personne. Pour nous, au fond, cela nous importe peu : nous ne perdons rien et nous ne gagnons ni plus ni moins, même par rapport à eux.”
Comment l’argent des contribuables est-il géré au SAMU set comment est organisée la rémunération dans un service tel que le SAMU ? Lors de nos recherches, toutes ces informations ont été difficiles à obtenir. Même à la question du budget annuel prévu pour le SAMU, nous attendons toujours une réponse de la CNS.
Le référentiel adapté devrait être soumis au vote du conseil d’administration du CGDIS début 2026.