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Les longues négociations en tripartite entre le gouvernement, les syndicats et le patronat ont débouché sur une prise de décision ce mercredi. Voici ce qu'il faut retenir.
À défaut de construire un "accord complet" entre des partenaires irréconciliables sur le fond, le gouvernement a trouvé une issue à ces négociations menées à trois avec les syndicats et le patronat. Ou du moins, il a jugé la situation suffisamment stable pour que le Premier ministre Luc Frieden se décide à dévoiler ce mercredi après-midi les "conclusions du gouvernement" sur le travail dominical, les heures d'ouverture des commerces et la réforme des retraites.

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De l'eau s'est ajoutée au vin plutôt amer que le gouvernement entendait servir. La coalition a en effet largement nuancé les pistes présentées jusqu'ici. "La cohésion sociale est dans notre ADN" assure le Premier ministre, qui, pour s'efforcer à positiver, a rappelé que la politique est "une affaire de compromis".
Même si à cette heure, les partenaires sociaux ne semblent pas du tout emballés par le résultat de ces discussions difficiles, dont personne ne sort satisfait.
Nora Back évoque même un "échec, sur la forme plus que sur le fond". Même si Patrick Dury, président du LCGB, a noté que le front syndicat avait lutté pour limiter la casse. Ses membres vont désormais tenter d'analyser si ces "conclusions" doivent être combattues ou s'il faut s'en contenter. Michel Reckinger, président de l'UEL, a de son côté fait part de sa déception de voir la réforme envisagée ne donner que trois à cinq ans d'air au système luxembourgeois.

Les leaders des syndicats n'ont pas caché leur déception après les longues et difficiles négociations menées avec le gouvernement et les patrons. / © RTL
Travail du dimanche : 4h de plus
Le gouvernement va effectivement augmenter le temps de travail légal du dimanche pour les commerces, qui passera de 4h à 8h, sous le contrôle d'une convention collective (à l'exception des entreprises de moins de 30 salariés, qui pourront appliquer la mesure sans en passer par cette négociation sociale interne).
Les commerces pourront ouvrir plus tard
Comme annoncé, les magasins pourront ouvrir sur une plage horaire plus large, mais légèrement rabotée : de 5h à 21h (contre 22h espéré auparavant). Une dérogation sera possible pour retarder la fermeture à 1h du matin, si une convention collective le permet (y compris le week-end).
Enfin, l'ouverture 24h/24 et 7j/j sera possible pour les magasins vendant des produits de première nécessité, là encore, à condition de l'inclure dans une convention collective. Ce qui déçoit les syndicats, tant la mesure est proche du plan initial du gouvernement. Les braderies et les marchés ne seront pas inclus à la liste des commerces pouvant en bénéficier.

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Réforme des retraites : travailler plus longtemps et cotiser plus
Au vu du temps accordé au sujet lors de la conférence de presse, la nervosité de Xavier Bettel ou encore l'intervention de la ministre de la Sécurité sociale Martine Deprez, la réforme des retraites fut très certainement le plat de résistance de ces discussions.
Comme promis, Luc Frieden s'est engagé à ne pas toucher à l'âge légal de départ en retraite, fixé à 65 ans.
En revanche, l'option "cinq ans de plus" présentée en mai est pour le moment écartée. Impopulaire et carburant principal de la manifestation de fin juin, la mesure est largement revue. En lieu et place, le gouvernement prévoit de retarder les départs anticipés en retraite à partir de 60 ans. En prolongeant la durée obligatoire à 40 ans et huit mois, graduellement, dès 2026. À ce rythme :
- un mois de cotisation supplémentaire dès 2026,
- un mois supplémentaire en 2027,
- puis deux mois supplémentaires par an en 2028, 2029 et 2030.
Pas de changement en revanche pour les départs anticipés à partir de 57 ans.
Pour financer le système, dont le "voyant orange" clignotait et annonce un déficit dès 2026, le gouvernement a également décidé de partager l'effort financier entre les travailleurs, les employeurs et l'État par une hausse des cotisations de 0,5% dès 2026. Les cotisations totales passeront donc de 24% à 25,5%.
Au grand regret des syndicats, le modérateur de réajustement des pensions, créé pour limiter la hausse des pensions si les dépenses supplantent les recettes, est finalement conservé. L'allocation de fin d'année (pouvant représenter plus de 900€ par an) est elle maintenue.
Une aide sociale sera également créée pour les personnes touchant une pension de vieillesse modeste. Concernant les trois piliers, le gouvernement met également en place un coup de pouce favorable à la retraite par capitalisation (donc aux salariés les mieux rémunérés car les plus en capacité d'investir) puisque le 3e pilier verra son abattement fiscal augmenter de 3.200€ à 4.500€.
Toujours sur le plan fiscal, le gouvernement va mettre en place un avantage afin "d'inciter" les travailleurs pouvant partir en retraite anticipée à travailler plus longtemps.
Si elle se concrétise sous cette forme, la réforme des retraites ne sera donc pas aussi "brutale" que celle dévoilée en mai. Mais elle ne peut pas satisfaire le gouvernement, qui, en dépit d'insister sur le caractère "constructif" des négociations, n'a fait que repousser le problème de financement des retraites. Et elle ne ravira pas les partenaires sociaux, syndicats comme patronat, dont les positions sont diamétralement opposées et qui auraient aimé obtenir plus. Surtout, elle reviendra vite au cœur de l'actualité puisqu'une clause de réexamen est prévue en 2030. Un problème qui sera donc à la charge du prochain gouvernement, qui sera à nouveau contraint de concocter une réforme difficile.