Difficile d'être locataire à Luxembourg ! Après l'affaire de l'expulsion de dames âgées d'un immeuble à Merl, RTL Infos est allé tendre le micro à des résidents de la capitale. Loyers de plus en plus élevés, délais de préavis très courts pour quitter un logement, manque de protection juridique... Le sujet fait visiblement grincer des dents.

Il y a quelques jours, nous avons donné la parole à Jacqueline, 92 ans, et Tekla, 66 ans. Ces deux femmes habitent dans un immeuble situé dans le quartier Merl, mais plus pour longtemps. Le propriétaire a en effet mis fin à leur contrat de bail, car il souhaite mener des travaux de rénovation dans cet immeuble.

Le témoignage de ces deux expulsées - Jacqueline vivait dans son appartement depuis près de 50 ans, et Tekla depuis 6 ans - a suscité de vives réactions sur les réseaux sociaux. Déi Lénk a également publié un communiqué pour dénoncer la précarité des locataires au Luxembourg (lire plus bas).

RTL Infos est donc allé dans la rue ce vendredi pour discuter de ce sujet qui fait décidément des étincelles au Luxembourg (voir la vidéo ci-dessus).

Jacqueline et Tekla disent avoir reçu "beaucoup de soutiens"

Suite à la publication de notre reportage, nous avons recontacté Tekla et Jacqueline. Tekla est la plus stressée, et pour cause, son expulsion était prévue pour ce 31 janvier. Mais surprise, elle nous annonce s'y être opposée et ne pas avoir quitté les lieux ce vendredi, comme l'imposait pourtant la résiliation de son contrat de bail.

"J'ai reçu des conseils juridiques d'un avocat. Je dois payer mon loyer de février et continuer à chercher un appartement". Une décision qu'elle justifie par un "avis d'expulsion qui était bien trop court." Pour rappel, Tekla a eu 3 mois de préavis, tandis que Jacqueline a eu près de 6 mois (jusqu'en mai prochain). Tekla tient aussi à remercier les personnes qui ont manifesté leur solidarité : "Beaucoup de gens m'ont apporté leur soutien, c'est assez incroyable."

Jacqueline, de son côté, se dit aussi "très émue" et remercie "vivement les gens. J'ai reçu tellement d'encouragements et de soutien." Mais elle se dit toujours inquiète par la perspective de l'expulsion : "Je commence à avoir très peur. Si Tekla part, je vais me retrouver toute seule dans ce grand immeuble".

Elle poursuit ses recherches immobilières : "Je suis d'accord pour prendre un appartement plus petit. Je cherche toujours." Ou à défaut, une place en maison de retraite. "Mais ce n'est pas donné. J'ai vu des prix tellement élevés, 3.800 euros par mois pour un 54 m2... Je dois chercher quelque chose de plus abordable".

Pour rappel, le mandataire qui gère l'immeuble avait communiqué à RTL Infos un courrier dans lequel il justifie cette résiliation des contrats de bail par des "motifs graves et légitimes", à savoir des "travaux de rénovation d'une telle envergure que toute habitation durant ces travaux devient impossible". Il avait aussi précisé que ces deux locataires bénéficiaient de loyers aux alentours des 1.000 euros pour près de 140 m2, ce qui est - tout le monde en conviendra - très bon marché pour la capitale.

À lire sur ce sujet : Jacqueline, 92 ans, est forcée de déménager: "C'est le pire choc de ma vie"

Expulsions de locataires : "il faut en finir" réagit Déi Lénk

"On note une croissance importante des expulsions des locataires de leurs logements au Luxembourg ; la réponse à une question parlementaire les a chiffrées à 15,5 par mois entre avril 2023et septembre 2024" rapporte Déi Lénk Stad, dans un communiqué publié cette semaine suite à notre reportage.

Ce communiqué rebondit notamment sur la question des expulsions pour des raisons de rénovations. "Sur arrière-fond de spéculation immobilière et foncière, le bâti ancien est souvent remplacé par des constructions nouvelles ou rénovées, qui se vendent à prix d’or et dont le loyer dépasse généralement les moyens des anciens locataires. Ceci à plus forte raison que l’exposition au risque de pauvreté augmente constamment, touchant désormais plus d’un résident sur cinq, et que le loyer moyen excède les 50% du salaire minimum brut".

La Gauche veut attirer "une nouvelle fois l’attention sur la situation désolante en matière de logement abordable" dans la capitale et "dans le pays en général ainsi que sur le manque de protection des locataires en cas de démolition et de rénovation importante."

Déi Lénk demande à la Ville de "construire massivement des logements sociaux locatifs, accessibles au public à revenu modeste". "La part des logements sociaux est tout à fait insuffisante pour faire obstacle à la montée insolente des loyers, puisqu’elle atteint à peine 2,5 % du parc immobilier du pays. La Ville de Luxembourg fournit certes des efforts pour agrandir son parc de logements sociaux, mais ces efforts ne correspondent nullement aux besoins."

Au niveau national, Déi Lénk demande aussi de "réintroduire une trêve hivernale destinée à protéger les locataires d’une expulsion", et de "protéger d’une expulsion les personnes âgées et malades, ainsi que les familles pauvres".