La hausse des taux d'intérêt frappe de plein fouet les ménages qui sont dans une situation de crédit relais au Luxembourg. Certains "vont devoir tout vendre" assure Pierre Clément, directeur de Nexvia.

Les hausses successives des taux directeurs de la BCE ont fait des ravages sur le marché de l'immobilier luxembourgeois. Alors que le pays est empêtré dans une crise de la construction et que les faillites s'accumulent, la nouvelle coalition cherche des solutions pour relancer l'économie du pays. Des négociations qui vont bon train d'après les deux partis impliqués mais le temps presse. En particulier pour les ménages qui subissent les conséquences de ces hausses à chaque fin de mois.

Parce qu'il faut le savoir, l'année dernière 46% des nouveaux crédits immobiliers ont été conclus à taux variable au Grand-Duché. Des chiffres qui nous ont été confirmés par la Banque Centrale du Luxembourg. Ceux-ci englobent les prêts à taux variables mais aussi les fameux crédits relais. Une solution qui permet généralement aux particuliers d'acquérir un bien immobilier avant d'avoir vendu leur logement actuel.

Nous l'évoquions dans le dernier épisode de "La Bulle Immo": pour les personnes concernées, "c'est double-peine". Ils ont vu la valeur de leur bien actuel chuter tout en subissant une explosion de leurs mensualités. De quoi créer un "gap" important dans le plan de financement de ces ménages qui "vont souvent puiser dans leurs réserves" pour ne pas se retrouver en défaut de paiement, explique le directeur de Nexvia.

Et ça, c'est quand les choses se passent "bien". Parce qu'il existe des cas où les ménages ne sont plus en mesure de rembourser la banque. "Si votre taux est passé de 2 à 5%, votre mensualité aura augmenté de plus de 50%", note Pierre Clément. Ceux qui n'ont plus les moyens "vont devoir vendre leurs biens avec une perte" et donc vraisemblablement "une dette résiduelle auprès de la banque".

Le"cas typique", d'après le directeur d'agence, c'est la famille avec un enfant qui s'est installée au Luxembourg il y a quelques années. "Ils ont acheté un appartement, la famille a grandi et ils ont donc acheté une maison neuve". L'opération a été réalisée il y a deux ans. À ce stade, l'appartement est estimé à 1 million d'euros ce qui leur permet d'acheter une maison à 1,5 million d'euros auprès d'un promoteur.

Sauf qu'entre temps, le marché s'est "renversé". L'appartement évalué à 1 million d'euros en 2021 "se vend désormais à 800.000 euros". S'ajoute à cela, l'indexation du prix à la construction. La famille finit par payer sa maison 1,7 million d'euros. "Il y a donc 400.000 euros à refinancer auprès de la banque... aux taux actuels", souligne Pierre Clément. Sans oublier que la famille subit la hausse des taux de plein fouet puisqu'elle a souscrit à un crédit relais pour pouvoir se permettre cette opération.

Le projet d'une vie vire donc au cauchemar. "Certains vont devoir tout vendre, c'est un véritable drame humain", estime le directeur de Nexvia. "Parce qu'il ne faut pas oublier que la maison qu'ils ont payé 1,7 million d'euros, elle ne vaut peut-être plus que 1,5 million d'euros entre temps", rappelle-t-il.

Dans ce contexte, il a tenu à revenir sur les déclarations de la ministre des Finances, Yuricko Backes, qui a récemment minimisé la problématique des crédits relais. "Si on prend les chiffres relayés par la ministre elle-même, 4,5% des emprunteurs rencontraient des difficultés à rembourser leurs crédits. Ça représente un emprunteur sur 20, c'est beaucoup!", insiste-t-il.

Et ils ne sont pas les seuls à souffrir des conséquences de la hausse des taux. Il y a bien évidemment les ménages qui ont emprunté en grande partie à taux variable "mais ils sont rares". Pierre insiste sur un autre cas de figure: les acquéreurs qui ont acheté sur plan et "qui ne seront jamais livrés" ou "dans de nombreuses années". Il fait référence aux faillites qui minent actuellement le secteur de la construction. Elles peuvent être à l'origine de situations très délicates.

Au mieux, les propriétaires retrouvent un constructeur pour finir les travaux "mais ça peut prendre des années". Au pire, "la garantie d'achèvement devient une garantie de remboursement et là l'assureur va choisir, si les constructions ne sont pas trop avancées, de rembourser ce qui a été payé par les acquéreurs".

Le problème dans ce cas c'est que le remboursement ne se fera "que sur la quote-part construction déjà payée". Les 40% de la quote-part terrain ne sont pas couverts. "On va vous dire, vous restez propriétaire sauf que vous êtes devenu propriétaire d'un trou", affirme Pierre Clément. Il ajoute, "si j'avais récemment acheté sur plan, je ne dormirais pas sur mes deux oreilles".

En effet, d'après lui, "des bruits courent concernant certains promoteurs" qui pourraient avoir à déposer le bilan "comme on a pu le voir avec Cenaro". Le directeur d'agence assure qu'il passe tous les jours devant un de ces "trous" à Gasperich qui, selon toute vraisemblance, sera revendu "beaucoup moins cher que le prix d'achat, souvent gonflé par les promoteurs". Un drame pour les propriétaires concernés...