Elle s’active dans la remise de l’auberge de la Klauss à Montenach, entre les bocaux de foie gras et les bouteilles de vin, préparant les commandes de Noël. Un travail manuel, physique, qui n’a pas grand chose à voir avec la gestion de fonds d’investissement. Et pourtant, Angeline Gambs, qui semble si à l’aise au milieu des cartons remplis de mets délicieux, a connu une autre vie dans une banque de l’autre côté de la frontière.
“Je suis tombée dedans par hasard, raconte celle qui a commencé sa carrière professionnelle au Grand-Duché. J’ai commencé comme intérimaire, juste avant Noël.” Titulaire d’une licence administration économique et sociale obtenue en France, curieuse, fiable, Angeline gravit les échelons dans cette banque américaine basée à Senningerberg.
“À l’époque, poursuit-elle, travailler au Luxembourg, c’était un peu le Graal ! Dans les années 90, c’était ‘pfiou’ ! Et puis les salaires comparés à la France…”
Mais la vie de frontalière, conjuguée à la pression au travail, va avoir raison de la santé d’Angeline qui va quitter la banque et le Luxembourg en 2016 : “C’était après un deuxième burn out. Le premier, c’était en 2008. C’était lié à une surcharge de travail. Le deuxième, c’était un peu plus tard. Il était plus pernicieux, plus vicieux on va dire, parce que ce n’était pas lié à une surcharge de travail, mais à une non charge de travail. C’est frustrant. Alors ça va bien une journée, ça va bien deux jours et puis après on se dit : Mais pourquoi je viens et qu’est-ce que je fais là ? Je pourrais être ailleurs !”
C’est presque par accident que l’ex-employée de banque va commencer sa nouvelle activité de saisonnière en 2021. C’est au cours d’un repas en famille à l’Auberge de la Klauss, dans son village de Montenach, qu’Angeline saisit la perche que lui lance le propriétaire des lieux. Ce dernier cherche du renfort pour préparer les coffrets de Noël.
“Je m’étais dit que si je devais reprendre une activité, se souvient-elle, ça ne serait plus du tout dans le même domaine, c’est-à-dire le domaine de la finance. La première année était un peu compliquée quand même parce qu’on ne connaît pas trop. Il fait quand même très froid. C’est physique. Les premiers jours, quand je reprends, je sens un peu plus mes muscles qu’à la normale, on va dire.”
C’est donc une tout autre vie pour celle qui avait pour quotidien les bouchons, les réunions de travail et les graphiques. Une vie qui satisfait Angeline, qui avait même songé à passer un CAP de pâtisserie : “Je pense que c’est beaucoup l’âge. On mûrit, on se dit : Qu’est-ce qui est essentiel ? Quand ma fille cherchait du travail, quand elle disait : ‘Ah bah moi aussi, je veux travailler dans une banque au Luxembourg.’ J’ai dit : Non, non ! Tu ne fais surtout pas ça ! Tu en fais quoi de l’argent si tu n’as pas le temps de le dépenser ? Si tu n’as pas le temps de profiter de ta famille ou de ta maison ? Si tu n’as pas le temps de construire des choses à côté ?”
Angeline vit désormais à un autre rythme, travaille quand elle le souhaite même si cette décision a forcément des conséquences sur les revenus du foyer : “Cette sérénité, je ne l’échangerai contre rien au monde. Parce qu’en fait, quand vous êtes serein, ça se répercute sur les autres aussi.”