“On n’avait pas de mendiants au Luxembourg”Comment le riche Luxembourg a découvert la pauvreté

Jérôme Didelot
Le gouvernement vient de présenter son premier plan d’action national de lutte contre la pauvreté. Le riche Luxembourg est rattrapé par ce fléau, on en parle dans le studio de Cosmopoly.
Le gouvernement vient de présenter son premier plan d’action national de lutte contre la pauvreté. Le riche Luxembourg est rattrapé par ce fléau, on en débat !

En 2025, près de 20% de la population est exposée au risque de pauvreté au Luxembourg, une statistique qui aurait paru invraisemblable il y a quelques années. Comment en est-on arrivé là ? C’est la question à laquelle l’équipe de Cosmopoly et ses invités ont essayé de répondre. En guise d’introduction, Maurice Fick de la rédaction de RTL Infos a fait le constat que le Luxembourg est rattrapé par la réalité, n’est plus l’Eldorado qu’il était.

Bien sûr, l’explosion du prix de l’immobilier a drastiquement augmenté le risque de pauvreté. Selon le Statec, le taux de risque de pauvreté persistante atteint 6.1% (chiffres de 2024), et grimpe à 26.9% une fois les dépenses pré-engagées déduites. En conséquence, les foyers modestes ont commencé à compter leur argent en fin de mois malgré les bons salaires proposés au Grand-Duché. Et la grande pauvreté et l’exclusion y ont progressé comme partout ailleurs, manifestation visible du creusement des inégalités à l’échelle mondiale.

Le lundi 8 décembre dernier, le gouvernement a présenté son premier plan d’action national pour la prévention et la lutte contre la pauvreté. Un plan promis dans l’accord de coalition et qui se compose de nombreuses mesures pour les ménages fragiles, pour les enfants ou encore les personnes âgées, articulé autour de huit grandes mesures. Dont la plus générale part d’un constat simple : de nombreuses aides existent déjà mais sont inconnues du grand public.

Paul Galles, député CSV, a tenu à rappeler que, quelle que soit sa position – Paul Galles a été prêtre puis acteur de la solidarité au sein de Caritas avant de se lancer en politique –, il défend “les mêmes valeurs. Et une de ces valeurs, c’est la défense des plus pauvres.” Dans ce contexte, le député estime que les 106 mesures du plan annoncé peuvent répondre aux attentes : “C’est la première fois qu’on a un tel plan, systémique et stratégique, sur la table. Je l’avais demandé dès 2020. Je suis très heureux que plusieurs ministères se soient associés aujourd’hui et soient réunis autour de l’idée que c’est une priorité de ce gouvernement. Une des grandes mesures sera d’harmoniser les critères pour obtenir des aides.

“On est trop riches ! On ne ne peut pas accepter ça.”

Alexandra Oxacelay, directrice de la Stëmm vun der Strooss, association qui œuvre en faveur de l’intégration sociale et professionnelle des personnes défavorisées, a mis en avant la difficulté, pour la population à laquelle elle a affaire, à bénéficier des dispositifs mis en place : “Les personnes dans la rue n’ont pas de droits. Et pour avoir des droits, il faut être en capacité. Si je suis malade psychiquement, drogué, est-ce que je vais être capable de faire valoir ces droits ? Et c’est ça qui me dérange. On impose des devoirs à des gens qui ne sont plus capables, qui sont complètement désinstitutionnalisés.

Alexandra, qui a pris ses fonctions à la Stëmm en 1998, avoue que les choses ont énormément changé depuis : “Quand j’ai commencé, le pauvre, c’était le clochard avec sa bouteille de rouge qui était assis à la gare. Maintenant, il y en a partout, il y a des mendiants. On n’avait pas de mendiants au Luxembourg [...] On est trop riches ! On ne ne peut pas accepter ça.

Caroline de Plaen, de l’équipe des réseaux sociaux de RTL Infos, a fait un tour d’horizon des actions de solidarité en ligne organisées au Luxembourg, pointant le fait qu’il s’agit souvent de mouvements d’entraide communautaires, par exemple entre expatriés.

© UNI/LISER

Quant à Philippe Van Kerm, économiste et universitaire, il était présent dans le studio de Cosmopoly car il a signé une étude approfondie sur la pauvreté au Luxembourg depuis les années 80 réalisée avec son collaborateur du Liser, Alessio Fusco. Ces derniers se sont basés sur les objectifs de développement durable émis par les Nations Unis. Concernant la pauvreté extrême, ce n’est pas au Luxembourg que les chiffres sont les plus spectaculaires. Un autre objectif, expliqué Philippe, consiste à “réduire la pauvreté de moitié. Et c’est clairement une mesure relative. Le taux augmente au Luxembourg car la médiane des revenus est très élevée, et en plus elle croît très vite. Ce qu’on remarque, c’est que le Luxembourg est le pays où la médiane, qui est la référence, a augmenté le plus vite en Europe.

L’humoriste Julien Strelzyk a apporté un peu de légèreté à ce débat plutôt lourd en nous offrant une chronique désopilante, jouant sur la pauvreté “relative” ressentie par certains Luxembourgeois, en comparaison avec les Français.

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