
“La France à la hauteur des Lumières”, “consensus rare”, un vote “historique": la France est devenue cette semaine le premier pays à inscrire explicitement dans sa Constitution l’interruption volontaire de grossesse (IVG), au grand dam du Vatican, et à rebours de nombre de pays où le droit à l’avortement recule.
Depuis que Malte a adopté en 2023 une loi l’autorisant (de façon certes restrictive), tous les pays européen accordent désormais un droit à l’IVG. Ce qui ne veut pas dire que les règles sont les mêmes pour tous, loin de là.
Sur 25 des 27 Etats de l’Union européenne, “l’interruption volontaire de grossesse (IVG) est légalisée ou dépénalisée sans besoin de justification de la part de la femme qui décide d’y recourir” résume ainsi le site Toute l’Europe. Le délai maximal pour avorter varie de 10 semaines d’aménorrhée au Portugal à 24 semaines aux Pays-Bas. Plus de la moitié des pays ont fixé cette limite à 12. La carte interactive ci-dessous détaille ces différences de législation pays par pays.
En France, l’IVG a été autorisée par la loi Veil de 1975. Le délit d’entrave à l’IVG a quant à lui été définitivement adopté par le Parlement le 15 février 2017 : ce texte de loi s’attaque aux sites de “désinformation” sur l’IVG, qui agissent dans le but de dissuader ou d’induire intentionnellement en erreur les femmes qui souhaitent s’informer sur l’avortement. Le 23 février 2022, le Parlement français a définitivement approuvé l’extension à 14 semaines de grossesse pour l’avortement, allongeant le délai de l’IVG qui était auparavant fixé à 12 semaines. Le 4 mars 2024, la France est devenue le premier pays au monde à inscrire le droit à l’avortement dans sa constitution.
Dès 1978, le Luxembourg s’est doté d’une législation permettant et encadrant le droit à l’avortement, mais sa dépénalisation ne date que du 22 décembre 2014. Auparavant, l’interruption volontaire de grossesse n’était autorisée au Grand-Duché qu’en cas de “détresse”. La loi permet aujourd’hui à toutes les Luxembourgeoises de recourir à l’IVG dans un délai de 12 semaines après le début de la grossesse. Jusqu’à 7 semaines de grossesse (9 semaines après le 1e jour des dernières règles), l’IVG peut être médicamenteuse (il s’agit de prendre 2 médicaments à 48 heures d’intervalle), explique le Planning Familial. Au-delà de 7 semaines, il est possible de recourir à l’IVG chirurgicale jusqu’à la 12e semaine de grossesse (14e semaine après le 1e jour des dernières règles) qui est pratiquée en hôpital de jour par un(e) gynécologue.
Au Portugal, l’avortement a été légalisé en mars 2007 jusqu’à la dixième semaine de grossesse, après un référendum où 59,3 % des votants avaient répondu “oui” , contre 40,7 % de “non”. Le 22 juillet 2015, le gouvernement portugais a toutefois décidé d’amender la loi en mettant à la charge des femmes tous les frais liés à l’arrêt de leur grossesse. Celles-ci doivent également se soumettre à un examen psychologique approfondi si elles souhaitent engager ce processus.
En Irlande, la légalisation de l’avortement est entrée en vigueur le 1er janvier 2019. Elle autorise l’IVG sans conditions jusqu’à 12 semaines et 24 semaines dans les cas de “risque pour la vie” ou de “grave danger pour la santé” de la femme enceinte. Elle permet aussi l’avortement en cas d’anomalie du fœtus qui pourrait conduire à sa mort in utero. Jusque là, l’Irlande était l’un des pays les plus restrictifs d’Europe en la matière. Sa sévérité était due au 8e amendement de la Constitution, qui reconnaissait au même titre le droit à la vie du fœtus et de la mère. Avant 2013, l’IVG était totalement illégale et passible de 14 ans de prison.
En Hongrie, l’IVG est légale depuis les années 1950 jusqu’à la douzième semaine de grossesse. Néanmoins, le Premier ministre ultra-conservateur Viktor Orbán a mis en place plusieurs mesures allant à son encontre depuis son arrivée au pouvoir en 2010. Ainsi, la Constitution entrée en vigueur en 2012 défend “la vie du fœtus dès sa conception”. Depuis septembre 2022, un décret impose en outre aux femmes qui veulent avorter d’écouter les battements du cœur du fœtus avant de se décider.

En Pologne, l’avortement n’est autorisé qu’en de cas de viol ou de danger pour la vie de la mère depuis janvier 2021. Après avoir tenté de l’interdire totalement en 2016, le gouvernement l’a restreint en supprimant la possibilité d’avorter en cas de malformation grave du fœtus, qui concernait plus de 95 % des IVG dans le pays. Résultat, ce retour en arrière constitue quasiment une interdiction formelle de l’IVG puisque les deux clauses restantes (danger pour la mère ou viol) n’ont représenté que 26 cas d’avortement en Pologne en 2019, sur un pays de 38 millions d’habitants. Toutefois, la nouvelle coalition de centre-gauche au pouvoir depuis 2023 a fait de la légalisation de l’IVG sans conditions une promesse de campagne.
En pratique, l’IVG reste fortement limitée dans certains pays, constate Toute l’Europe. Les médecins peuvent notamment faire appel à la “clause de conscience”, qui les autorise à ne pas pratiquer d’acte pouvant heurter leurs convictions éthiques, morales et religieuses.
Ainsi, 23 pays européens (dont la France) prévoient cette disposition spécifique à l’IVG. Seules la Suède, la Finlande et la Lituanie n’autorisent pas les soignants à refuser de pratiquer l’avortement.
Si le taux de médecins objecteurs de conscience atteint en moyenne 10 % en Europe, il représentait 70 % des praticiens en Italie en 2019. En Roumanie, bien que l’avortement soit officiellement autorisé depuis 1990, la plupart des hôpitaux publics “ne le pratiquent pas”, et ce faute de moyens ou alors parce que les médecins refusent de le faire.