Difficultés de recrutement, conséquences du télétravail, augmentation du prix des matières premières et des salaires: le secteur de la restauration est en souffrance au Luxembourg, même si certains chefs parviennent toujours à tirer leur épingle du jeu.
En l'espace d'un mois, entre décembre 2024 et janvier 2025, le Luxembourg a perdu plusieurs établissements gastronomiques. À Kayl, le restaurant Eden Rose a baissé pavillon à Noël, deux jours après le restaurant An Der Villa à Steinfort, tenu par le chef Thomas Murer révélé par l'émission Top Chef. En début d'année, c'est une autre maison étoilée qui a été mise en vente, la Villa de Camille et Julien à Luxembourg-Ville. Deux mois plus tard, celle-ci était toujours à vendre. Le chef Julien Lucas, que nous avions interrogé à la mi-janvier, avait notamment pointé du doigt les difficultés à recruter du personnel, toujours plus gourmand en matière de salaire.
"Proposer 2.800€ nets à des jeunes ne suffit plus. On doit chercher à l'étranger. Mais même des Français ou des Belges, quand ils se rendent compte qu'ils vont devoir payer 1.300€ de loyer pour vivre dans un petit appartement au Luxembourg, on n'arrive plus à les attirer" a t-il expliqué.
Dans le quartier de Neudorf à Luxembourg, une brasserie, "La Table de la Chapelle", était également en vente en début d'année. Son gérant, Christophe Schivre, estime de son côté que les restaurateurs sont nombreux à ne pas avoir "mesuré l'impact négatif qu'allait avoir le télétravail sur nos commerces."
"En moins de 4 ans, mon loyer a augmenté de plus de 2.000€ pour s'établir à 14.000€ par mois. Pour pouvoir suivre, il faudrait presque que je vende mon plat du jour à 50€. Or, il est à 18,90€. On rogne sans arrêt sur nos marges et notre trésorerie en pâtit. Ma vie aujourd'hui et celle qui était la mienne il y a 8 ans est incomparable" nous a t-il confié.
"Le secteur de l'Horesca est mal en point" constate Gabriel Boisante, fondateur et manager du groupe Mama Boys. "On voit que des collègues sont en difficulté, y compris des chefs étoilés. La qualité n'est donc pas une garantie. Les midis sont de plus en plus difficiles. Avec l'explosion des traiteurs, des comptoirs de vente, de la street food ou du snaking, forcément, ça ne fait que tendre le marché au niveau des clients potentiels."
Trop de restaurants au Luxembourg ?
Clovis Degrave et sa compagne Aline Bourscheid font partie de ceux qui continuent de tirer leur épingle du jeu. Le couple trentenaire gère désormais trois restaurants bien référencés dans les guides gastronomiques: l'Hostellerie du Grünewald, la Grünewald chef's table et Maison B, à Bridel. Pour eux, un gérant de restaurant est autant "comptable" que "chef en cuisine", "si ce n'est pas plus". Autrement dit, les finances doivent être gérées de main de maître pour continuer de s'en sortir en 2025.
Pour Clovis Degrave, le nombre de restaurants au Luxembourg est sans doute trop élevé. "La ville de Bordeaux et sa préfecture ont limité le nombre de restaurants. Au Luxembourg, on a un restaurant pour 275 habitants" note t-il.
Selon les chiffres du ministère de l'économie, le Luxembourg a perdu plus de 300 restaurants entre 2023 et 2024. Il en comptait 1.261 en fin d'année dernière contre 1.602 un an plus tôt. Néanmoins, sur les cinq dernières années, le nombre de restaurants a augmenté de 2,4% au Luxembourg. Mais le chiffre le plus impressionnant concerne l'augmentation du nombre de fast-food au pays: +23% entre 2019 et 2024 pour atteindre 376 établissements. Toujours depuis 2019, le groupe des «bars, cafés, bistrots et glaciers» a enregistré une net recul d’environ 9% du nombre d’établissements.
L'Horesca prévoit notamment de lancer une campagne de communication afin de sensibiliser les clients aux réalités des gérants de restaurants. "On aimerait montrer quelles sont les dépenses d'un restaurateur et ce qu'il lui reste à la fin, pour que les augmentations de prix soient mieux comprises" explique Steve Martellini, secrétaire général de l'Horesca.
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